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Climat

On entend par climat la succession habituelle des phénomènes météorologiques touchant un territoire dans une période donnée. Ses principaux éléments sont la température de l'air, les précipitations et l'ensoleillement. Il dépend dans une certaine mesure du relief terrestre, voir par exemple le rôle important des Alpes en Suisse. Il agit sur l'environnement naturel, ce qui entraîne des conséquences démographiques, économiques, politiques et sociales, mais il peut aussi subir l'influence de facteurs humains.

Histoire du climat: les méthodes

On peut connaître le climat du passé grâce à des archives naturelles et culturelles. Les premières conservent les traces de processus liés au climat. Il s'agit d'une part de glaces (analysées par carottage), de dépôts, varves et sédiments calcaires garnissant les plans d'eau, de moraines laissées par d'anciens glaciers, de matériaux accumulés dans des fosses, des fonds de vallée ou lors de la formation de terrasses et d'autre part de témoins organiques: cercles de croissance des arbres (dès 700 apr. J.-C. environ), restes végétaux et animaux (insectes, larves de trichoptères), pollens et spores fossiles, bois fossiles, tourbières (marais).

Les archives culturelles contiennent des comptes rendus de phénomènes météorologiques rares (anomalies, catastrophes naturelles), des observations quotidiennes, mensuelles ou saisonnières du temps qu'il fait (climatologie), des résultats de mesure (météorologie), ainsi que des descriptions de processus liés au climat, organiques ou non: avance ou retard de la végétation (sauvage ou domestique), rendement de la vigne, teneur en sucre du moût, premières neiges, gelées tardives, hautes et basses eaux. Aux textes s'ajoutent les images (vues anciennes de glaciers), les inscriptions sur des façades (dictons, marques de hautes eaux) et les documents matériels (anciens chemins, vestiges archéologiques, etc.).

Méthodes de mesure

Les collections de fossiles (troncs, insectes, plantes), les carottages de glace, les glaciers et les varves reflètent directement les climats anciens. En revanche, les analyses de pollen et la géomorphologie ne livrent généralement que des indices. Les archives culturelles doivent être soumises aux méthodes habituelles de la critique des sources.

Calibrées, les données indirectes de toute provenance permettent d'établir des statistiques climatiques. Pour dater les objets naturels, on recourt en outre à des méthodes spéciales: fossiles caractéristiques, dendrochronologie, carbone 14, méthodes chimiques.

Rareté ou abondance des données

Selon la chronologie classique des glaciations, sujette à révision mais à laquelle nous nous tiendrons ici, on attribue avec de notables incertitudes les sédiments les plus anciens à la glaciation de Mindel (il y a plus de 245'000 ans) et à l'avant-dernier interglaciaire (Mindel-Riss, 245'000-230'000). Pour le dernier interglaciaire (Riss-Würm, 130'000-115'000) et pour le Würm ancien (115'000-60'000) et moyen (60'000-30'000), les attributions sont plus sûres et l'on commence à avoir des précisions utilisables sur la situation climatique. Les données deviennent plus abondantes dès le Tardiglaciaire (17'000-10'000), mais elles restent surtout qualitatives, tirées de l'histoire de la végétation, des glaciers et du paysage, jusqu'au moment où l'on dispose de cercles de croissance et de documents écrits.

On trouve dans les chroniques des allusions aux anomalies climatiques et aux catastrophes naturelles dès 1300 apr. J.-C. environ, puis des séries d'observations saisonnières (dès 1500 apr. J.-C. environ), mensuelles, voire quotidiennes (dès 1550), généralement relatives au triangle Bâle-Lucerne-lac de Constance; on les a replacées sur une échelle chiffrée des températures et des précipitations, à l'aide de calculs statistiques fondés sur des mesures comparatives. Des méthodes analogues ont permis d'estimer les moyennes mensuelles européennes, dès 1675, de la pression atmosphérique, de la température et des précipitations.

Johann Jakob Scheuchzer entreprit en 1708 à Zurich les premières mesures instrumentales de ces trois grandeurs et celles du niveau du lac. Les plus longues séries de relevés proviennent de Bâle pour la température et la pression atmosphérique (dès 1755), de Genève pour les précipitations (dès 1778). Pour le versant sud des Alpes, on peut se référer aux observations faites à Turin pour les températures (dès 1753) et à Milan pour les précipitations. Les 88 stations du premier réseau météorologique national entrèrent en fonction en 1863. Météo Suisse (ancien Institut suisse de météorologie) disposait en 2001 de 815 stations organisées en réseaux aux programmes différenciés.

Le climat jusqu'en 1200

Des glaciations à 8000 av. J.-C.

Les maxima des trois dernières glaciations, Mindel, Riss (180'000-120'000) et Würm (115'000-10'000) se caractérisent par un climat sec et très froid (température moyenne annuelle inférieure à 10°C), et par l'absence de la forêt. Celle-ci réapparut à chaque fin de glaciation à la faveur du réchauffement, avec des espèces peu exigeantes, supportant un climat encore froid et semi-désertique, comme le bouleau et le pin sylvestre (flore). Dans les deux derniers interglaciaires, puis durant le Postglaciaire, qui a débuté il y a environ 10'000 ans, des espèces aimant la chaleur (chêne, hêtre, charme, noisetier) se répandirent rapidement. L'optimum de l'interglaciaire Riss-Würm dépassait nettement les moyennes estivales actuelles. Le refroidissement à la fin des interglaciaires se manifeste par l'extension des forêts de conifères (sapins et épicéas), par l'essor des espèces peu exigeantes et par l'augmentation des herbacées.

L'avant-dernier interglaciaire (Mindel-Riss) fut partagé en deux périodes par une phase de climat frais à tempéré. La seconde fut plutôt plus sèche et plus fraîche que la première. La glaciation de Riss connut à son début au moins quatre interstades (phases de réchauffement climatique) caractérisés par un climat frais à tempéré, séparant des stades au climat froid et semi-désertique. Son maximum, très froid et sec, fut analogue à ce que sera celui de Würm. La fin de la glaciation de Riss, comme celle de Würm, connut un passage d'un climat froid et désertique à un climat frais à tempéré. Le début et la fin de l'interglaciaire Riss-Würm se caractérisent par un climat frais à tempéré, favorable aux conifères, et par de fortes précipitations, responsables d'une active érosion. La phase centrale vit prospérer les forêts mixtes; son climat chaud à tempéré ressemblait au Postglaciaire actuel, mais était sans doute plus variable, avec parfois des étés plus chauds et des hivers plus doux.

On distingue dans le Würm ancien trois stades au climat froid et sec, à la végétation de toundra parsemée de bouleaux et de pins sylvestres (la première fut la plus froide) et trois interstades au climat frais à tempéré (les deux premiers furent plus chauds et sans doute plus humides que le dernier). Cette alternance se poursuivit au Würm moyen, qui semble avoir été plus sec que l'ancien. Les glaciers atteignirent leur extension maximale vers 20'000-18'000, sous un climat semi-désertique très froid. La température était plus basse qu'aujourd'hui de 12 à 15°C en moyenne annuelle et de 8 à 10°C en été et il tombait environ 500 mm/an de précipitations en moins. La forêt disparut entièrement. Le réchauffement se fit en plusieurs poussées, vers 16'000, 14'500, 13'000 et 10'000, au cours du Tardiglaciaire.

Chronologie de l'histoire du climat et de la végétation de la Suisse
Chronologie de l'histoire du climat et de la végétation de la Suisse […]

Cette dernière période connut des stades (Dryas I et III) qui firent régner dans les Alpes un climat semi-désertique froid. Les températures annuelles moyennes du Dryas I (environ 17'000-15'000) étaient de 7 à 11,5°C inférieures aux actuelles. Les glaciers des Alpes progressèrent. Le réchauffement s'accéléra vers 14'500 (température moyenne en juillet sur le Plateau occidental: 10-12°C) et vers 13'000 (gain de 4,3-7,2°C en quelques décennies, pour la moyenne annuelle sur le Plateau). Les oscillations chaudes de Bölling (13'000-12'000) et Alleröd (11'700-10'700), séparées par deux brèves périodes de froid, permirent la reforestation; les températures annuelles moyennes n'étaient que de 2-3°C inférieures aux actuelles. Marqué par plusieurs avancées des glaciers, par un abaissement de 200 m de la limite supérieure de la forêt, le Dryas III (11'000-10'000) fit suite à un refroidissement de 3-4°C en quelques décennies (vers 11'000) et se termina par un réchauffement tout aussi rapide de 3-5°C, accompagné de précipitations plus abondantes. Puis, il y a 10'000 ans, au terme de la dernière glaciation, vint le Préboréal: les périodes de végétation s'allongèrent de quatre à cinq semaines, la limite de la forêt remonta de 400 m, les glaciers alpins fondirent et se réduisirent à leur taille moderne.

De 8000 av. J.-C. à 1200 apr. J.-C.

Après cette hausse rapide qui inaugura la période dite Postglaciaire ou Holocène, les températures se stabilisèrent à un niveau proche de l'actuel (0,6-0,7°C en plus ou en moins pour la moyenne estivale, d'après les dernières recherches), avec de faibles oscillations de 1,2-1,4°C, suffisantes cependant pour faire varier à plusieurs reprises la limite de la forêt (plus ou moins 100 m autour de son état actuel), le niveau des lacs et la taille des glaciers alpins. Pour ceux-ci, on reconnaît facilement la zone qu'ils recouvraient à leur maximum de 1850-1860 de notre ère, en aval du front actuel.

Le Postglaciaire a subi huit phases froides importantes (séparées par des phases chaudes très marquées), longues parfois de plusieurs siècles, dont la plus connue est le petit âge glaciaire (environ 1300-1850 apr. J.-C.) précédant la phase chaude actuelle. Il se divise en deux grandes périodes. La première commence par une phase froide, les oscillations de Palü (crue des glaciers; environ 9000-8600 av. J.-C.), suivies du premier optimum postglaciaire (8600-5000 av. J.-C.). Des oscillations plus faibles sont toutefois documentées durant celui-ci (celles du Mesocco, 6400-5600 av. J.-C.). Dans la seconde période (environ 5000 av. J.C. à nos jours), les variations se suivent à un rythme irrégulier et assez rapide: phases froides de Piora I et II (4200-3000 av. J.-C.) et de Löbben (environ 1800-1400 av. J.-C.), séparées par le deuxième optimum postglaciaire (environ 3000-1800 av. J.C.) et suivies d'un optimum long de 400 ans (environ 1400-1000 av. J.C.) au cours de l'âge du Bronze; on observe ensuite des crues des glaciers dans la phase de Göschenen I (environ 1000-400 av. J.C., avant l'optimum de l'époque romaine) et au moins trois crues dans celle de Göschenen II au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne (100-300, 400-600 et probablement 750-850 apr. J.-C.), une petite crue vers 1100 s'intercalant dans l'optimum médiéval qui dura de la fin du IXe siècle jusqu'au début du petit âge glaciaire.

Apparition de l'homme aux époques glaciaires et postglaciaires

Une présence humaine est probable sur le Plateau, dans le Jura et les Préalpes lors des interglaciaires, par exemple dans les régions de Zurich et de Bâle lors de l'interglaciaire Riss-Würm, mais on n'en a aucune preuve. Pendant les époques glaciaires, l'homme a dû périodiquement coloniser et abandonner des territoires en fonction des variations climatiques, de l'avance et du recul des glaciers. Les premières traces d'activité humaine remontent à 400'000 ans (Paléolithique inférieur). Des sites du Paléolithique moyen (vers 130'000-35'000) sont attestés dans le Jura, sur le Plateau et le long du Rhin entre Schaffhouse et Bâle (campements). De petits groupes de chasseurs nomades vivaient au bord des lacs, des rivières, dans des grottes et des abris sous roche.

Le territoire suisse fut habité lors des interstades chauds du Würm (déjà au Würm ancien et moyen), où le climat favorisait la reforestation. Une colonisation plus dense, même dans les Alpes, est attestée vers 50'000-40'000: établissements en plein air, sous grotte et sous abri de chasseurs-cueilleurs tirant parti de la faune (mammifères tels que rennes, mammouths, rhinocéros laineux), ainsi que des fruits et baies des bois (cueillette). Dans les moments les plus froids du Würm, l'homme dut éviter les zones stériles proches des glaciers, mais il put les reconquérir au Würm récent, à mesure que les glaces se retiraient (surtout entre 12'000 et 10'000).

Au début du Postglaciaire, l'activité humaine se concentra sur les rives des plans d'eau, lacs ou étangs qui parsemaient le Plateau (Mésolithique). Les habitats du Néolithique, qui vit s'imposer l'agriculture (céréaliculture, élevage d'animaux domestiques, pâturage en forêt), se trouvent surtout sur les rives des lacs et rivières du Plateau et du Jura, ainsi que dans le bas et le centre du Valais. D'après les connaissances actuelles, les phases de refroidissement du Postglaciaire n'ont pas interrompu le peuplement des Alpes. On trouve pour la première fois à l'âge du Bronze des villages qui peuvent avoir 1-2 ha de superficie.

Le climat sur le Plateau du Moyen Age à nos jours

Jusque vers 1300, le Moyen Age connut des périodes (par exemple les XIe et XIIIe siècles) où les températures estivales étaient un peu plus élevées qu'au XXe siècle. Les hivers rigoureux furent plus rares au XIIIe siècle qu'entre 1300 et 1900. Le figuier prospérait jusqu'à la latitude de Cologne. Les glaciers alpins n'étaient pas plus grands qu'aujourd'hui. Vers 1300, la température hivernale moyenne baissa de 1°C; ainsi commença le petit âge glaciaire, aux hivers souvent rigoureux. Une série d'étés humides et frais, voire froids (1342-1347), provoqua une première crue des glaciers (sommet vers 1380, puis décrue jusque vers 1420 grâce à des étés de 0,5°C plus chauds qu'entre 1901 et 1960, période de référence). D'autres crues auront lieu entre 1600 et 1670 et entre 1820 et 1860.

Le lac de Zurich gelé en janvier 1571. Dessin de la chronique du chanoine Johann Jakob Wick (Zentralbibliothek Zürich, Handschriftenabteilung, Wickiana, Ms. F 19, fol. 191).
Le lac de Zurich gelé en janvier 1571. Dessin de la chronique du chanoine Johann Jakob Wick (Zentralbibliothek Zürich, Handschriftenabteilung, Wickiana, Ms. F 19, fol. 191). […]

Les hivers et les printemps

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les hivers furent, sauf exception, plus froids et nettement plus secs qu'aujourd'hui, en raison, notamment à la fin des XVIe, XVIIe et XIXe siècles, d'une tendance à la bise due à un anticyclone stationnant sur la mer du Nord ou la Scandinavie et envoyant de l'air continental froid et sec vers l'Europe centrale. La plupart des lacs du Plateau gelèrent durant les hivers 1572-1573 et 1694-1695. On pouvait même traverser le lac de Thoune en traîneau, dans sa longueur. Le lac de Constance resta pris 60 jours en février-mars 1573. Au XVIIIe siècle, des lacs plus petits comme celui de Bienne gelaient tous les deux ou trois ans. De temps à autre (notamment en 1529-1530), un hiver doux égalait les plus chauds du XXe siècle et les cerisiers fleurissaient à la mi-mars. Après 1895, les périodes de bise devinrent brusquement plus rares. Comme celui du Moyen Age, ce réchauffement est d'origine naturelle; il n'empêcha pas le retour passager d'un climat plus rigoureux, par exemple en 1962-1963, dernier hiver où piétons et véhicules purent s'aventurer sur les lacs gelés de Constance et de Zurich. Au début des années 1970 commença une longue période d'hivers chauds et très chauds; la durée de l'enneigement sur le Plateau passa de 60 jours en moyenne durant le petit âge glaciaire (jusque vers 1895) à 46 jours de 1895 à 1987 et à 27 jours de 1988 à 1997. Entre 1988 et 1998, on n'atteignit pas une seule fois la valeur moyenne de la période précédente. Depuis 1901, les précipitations sont plus abondantes sur le Plateau, le Jura et dans une partie du Valais (jusqu'à +20%) et plus violentes (accélération du cycle de l'eau).

Agenda climatique de la Treille (Genève), années 1818 à 1829 (Salle du Grand Conseil du canton de Genève; photographie inScience).
Agenda climatique de la Treille (Genève), années 1818 à 1829 (Salle du Grand Conseil du canton de Genève; photographie inScience). […]

Les printemps étaient à peine plus frais qu'aujourd'hui entre 1530 et 1560, puis leurs températures moyennes s'abaissèrent rapidement de 1°C sous l'effet des courants de bise (jusqu'à 2°C de moins que la moyenne actuelle dans les années 1690 et de 1738 à 1747). Ils restèrent généralement froids et secs jusqu'en 1855 (sauf entre 1656 et 1685), mais on en connaît de froids et humides: en 1740, la neige tomba presque chaque jour de mai sur les zones élevées du Plateau et à 900 m elle ne commença à fondre qu'au début de juin. Les précipitations s'accrurent après 1840, les températures peu à peu dès 1855. Cependant, sauf dans les années 1940, les printemps chauds restent rares.

Les étés et les automnes

Les étés du premier tiers du XVIe siècle furent frais et humides, ceux du deuxième tiers généralement chauds et secs, ceux du dernier tiers froids (baisse de 1,5°C de la température moyenne de 1555 à 1595) et très humides (hausse de 25% des précipitations, sous forme de neige en montagne), en raison de fréquentes dépressions. Le glacier inférieur de Grindelwald, comme d'autres qui s'étendent jusqu'à relativement basse altitude, s'allongea de plus d'un kilomètre en quelques décennies, ensevelissant fenils et chalets. Les étés de 1600 à 1680 furent un peu plus humides et aussi chauds que ceux de 1901 à 1960 (sauf une période fraîche dans les années 1620), ceux de 1685 à 1705 en général frais et humides. En 1706, l'anticyclone des Açores parvint enfin à étendre de nouveau son influence jusqu'en Europe centrale pour plusieurs semaines. Les étés du XVIIIe siècle furent jusqu'en 1780 en majorité plus chauds que ceux du XXe siècle et parfois très secs (1718, 1719, 1724). De grandes éruptions volcaniques, surtout celle du Tambora (Indonésie) en 1815, entraînèrent six étés froids de 1812 à 1817, 1816 étant «l'année sans été». Ils furent la cause de la dernière grande famine en Europe et d'une crue des glaciers alpins. Le temps resta froid et plutôt sec jusqu'en 1835, puis tantôt frais et humide (1835-1855, 1876-1895), tantôt chaud et sec (1856-1875). Les caractéristiques de ces phases d'environ 20 ans se reflètent dans l'évolution des glaciers et le rendement des vignes. Les étés chauds se multiplièrent au XXe siècle; parfois très secs (surtout de 1943 à 1952, sécheresse), ils n'ont plus jamais connu depuis 1956 le climat froid et pluvieux fréquent dans les quatre siècles précédents.

Pour les automnes, le XVIe siècle se divise en trois comme pour les étés. Mais le maximum chaud se situe déjà au début des années 1530 et le refroidissement après 1570 (lié à davantage de pluie) est moins net. Les automnes de 1600 à 1750 furent aussi chauds et moins humides que ceux de 1901 à 1960. Vers 1750, les températures moyennes se mirent à baisser et les précipitations augmentèrent de plus de 25%, donnant des automnes très humides jusqu'en 1895 (sauf de 1815 à 1825). Le climat redevint plus chaud de 1°C et plus sec, sauf exception, dès 1920.

Anomalies des températures depuis 1500

Anomalies climatiques 1500-2000 (par décennie)
Anomalies climatiques 1500-2000 (par décennie) […]

Si l'on relève mois par mois, au cours des cinq derniers siècles, les écarts significatifs par rapport à la température moyenne en les mettant en relation avec la pluviométrie, on constate ceci: il existe des périodes «calmes» (milieu des XVIe et XVIIe siècles), où les anomalies sont très rares, ce qui indique une prédominance des flux atmosphériques allant d'ouest en est, et des périodes turbulentes (1676-1685 par exemple) où les écarts positifs et négatifs s'accumulent, effet d'une prépondérance des courants nord-sud. On remarque aussi qu'un temps anormalement froid et sec au semestre d'hiver, dû à une bise persistante, est surtout fréquent entre 1560 et 1900. De brusques changements climatiques interviennent vers 1560 (refroidissement) et vers 1986 (réchauffement); depuis cette date persiste une tendance aux chauds extrêmes dépassant tout ce que l'on avait connu depuis un demi-millénaire.

Le climat au sud et au centre des Alpes

Pour le versant sud des Alpes, nous ne disposons de relevés que depuis 1753. Les hivers y étaient alors généralement plus froids et plus secs que de 1901 à 1960. Comme sur le versant nord, la phase la plus froide se situe au début des années 1890. On observe une hausse marquée des températures vers 1970. Quant aux printemps, jusqu'au réchauffement intervenu vers 1835, ils étaient secs et plus froids que sur le versant nord (où les températures restèrent basses plus longtemps, jusque vers 1860). Par rapport aux années 1901 à 1960, les étés étaient nettement plus froids (déficit de 1-2°C) entre 1760 et 1835, puis presque aussi chauds; ils furent souvent frais et secs entre 1960 et 1990. Les automnes connurent une brusque augmentation des précipitations, cause de graves inondations, de 1835 à 1880; les températures montèrent de 0,5°C vers 1940, plus tard que sur le versant nord.

Devant la fréquence croissante des inondations sur les versants méridionaux et dans les grandes vallées internes des Alpes, on s'est demandé à la fin du XXe siècle si elles provenaient de causes naturelles ou humaines. Pour répondre à cette question, il faut disposer de longues séries d'observations. On s'aperçoit que ces catastrophes naturelles se produisent régulièrement entre le 20 août et le 10 novembre; elles sont en relation avec la dépression du golfe de Gênes qui pousse, toujours vers les mêmes régions des Alpes, de l'air méditerranéen encore chaud et humide. Il peut en résulter des inondations; elles furent rares de 1641 à 1706 et de 1876 à 1975, courantes de 1550 à 1580 et de 1827 à 1875; celles de la fin du XXe siècle s'inscrivent encore dans une variabilité climatique naturelle.

Effets des changements climatiques sur les sociétés agraires

Les connaissances actuelles permettent d'étudier les effets des variations climatiques sur les sociétés agraires (jusque vers 1860), lesquelles dépendaient du bon déroulement du cycle des saisons pour la production de la biomasse (aliments, fourrages, bois) qui assurait presque tous leurs besoins en nourriture et en chaleur. Les instabilités saisonnières provoquaient de fortes variations du prix des grains, élément déterminant de la conjoncture économique (politique des grains). Pour diminuer les risques de famine liés à de mauvaises récoltes, les sociétés agraires avaient développé diverses stratégies (produits de remplacement, mélanges de céréales, diversification horizontale et verticale, provisions de ménage). Pour définir des critères de classement, il faut partir des années où toutes les branches de l'agriculture (production de grains, de vin, de fruits, de viande et de lait) ont obtenu de bons ou de mauvais rendements.

Un printemps chaud, ensoleillé et suffisamment humide profitait généralement à toutes les cultures et à l'élevage, qui souffraient au contraire du froid et d'une humidité excessive. Un gros déficit de chaleur en mars et avril, de fortes pluies en juillet annonçaient une hausse des prix, surtout si ces phénomènes se combinaient ou se reproduisaient plusieurs années de suite. Le froid, l'enneigement persistant et l'excès d'humidité printaniers retardaient la croissance de l'herbe et le début du pacage, étouffaient les semences, empêchaient la floraison des arbres fruitiers. Si le mois de juillet était trop arrosé et sans soleil, les blés germaient sur pied, les moisissures et les insectes attaquaient les céréales engrangées encore humides; le fourrage manquait d'éléments nutritifs, ce qui diminuait le rendement laitier de l'hiver suivant; la vigne souffrait de coulure, le raisin mûrissait mal, la vendange était peu abondante et le moût acide.

Ces facteurs accumulés expliquent la plupart des chertés et famines des derniers siècles, notamment celles de 1529-1530, 1570-1571, 1586-1587, 1627-1628, 1688-1689, 1692-1693, 1770-1771, 1816-1817, 1851-1852. Les catastrophes de ce genre résultaient d'une longue série d'intempéries frappant une grande partie de l'Europe centrale. On trouve plusieurs périodes marquées par une fréquence particulière de bonnes (1531-1565, 1818-1844) ou de mauvaises années (1566-1600, 1679-1720). Le climat peut ainsi contribuer à apaiser ou à envenimer les conflits sociaux, agir sur l'esprit d'une époque et influencer jusqu'à la culture et la politique.

Le changement climatique dû à l'homme

Alors que, par le passé, les variations climatiques à l'échelle mondiale et régionale étaient principalement dues à des causes naturelles (ensoleillement, éruptions volcaniques) et à des fluctuations internes normales du système climatique, depuis le début de l'industrialisation l'être humain joue un rôle de plus en plus important dans ces phénomènes. L'emploi de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), de même que la modification des modes d'exploitation des sols (défrichement des forêts tropicales, par exemple) et les activités agricoles qui en découlent, contribuent fortement au changement climatique global. L'effet de serre anthropique, causé par l'émission de gaz à effet de serre très efficaces et à longue durée de vie comme le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d'azote, joue un rôle prépondérant dans ce processus.

En raison de ces interférences dans le système climatique, la température moyenne globale de l'air près du sol a augmenté d'environ 1°C depuis le milieu du XIXe siècle. Le réchauffement planétaire apparaît comme une tendance de fond, à laquelle peuvent se superposer de façon chaotique des fluctuations climatiques naturelles, notamment au niveau régional, sur des périodes plus courtes, de l'ordre des années ou des décennies. Dans certaines régions de la planète, le réchauffement à long terme (depuis l'ère préindustrielle) est encore supérieur à la moyenne générale. En Suisse, depuis le début des relevés systématiques en 1864, la température moyenne annuelle a augmenté d'un peu moins de 2°C, soit environ deux fois plus que la moyenne globale.

Les changements déjà observés et les résultats des recherches consacrées jusqu'ici aux processus climatiques montrent clairement que des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre dues à l'activité humaine vont intensifier le réchauffement à l'échelle planétaire. Les modèles compilés à intervalles réguliers par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montrent que les scénarios «Poursuite de la politique énergétique actuelle (PEA)» conduiront à une augmentation de la température moyenne mondiale d'environ 4°C d'ici la fin du XXIe siècle. Selon un scénario optimiste de protection du climat, cette augmentation ne sera que d'environ 1°C; en additionnant ce chiffre avec celui du réchauffement qui s'est produit depuis le milieu du XIXe siècle, cela correspond à environ 2°C, soit quasi l'objectif climatique de la Conférence de Paris de 2015. Dans le rapport CH2018. Scénarios climatiques pour la Suisse, on explique en détail ce que signifient concrètement pour notre pays les projections climatiques globales. En suivant un scénario PEA, la Confédération doit s'attendre encore une augmentation de la température moyenne comprise entre 3,3 et 5,4°C d'ici la fin du siècle (meilleure valeur estimée: 4,3°C). Cette différence dans les valeurs résulte du grand nombre de modèles climatiques pris en considération, qui décrivent les processus naturels du système de façon simplifiée et non uniforme. Des mesures significatives de protection du climat entraîneraient une augmentation supplémentaire de la température moyenne comprise entre 0,6 et 1,9°C (meilleure valeur estimée: 1,2°C). Le changement climatique ne se manifestera pas seulement par une augmentation des températures, mais aussi par des étés plus secs, par une accentuation des précipitations intenses, par des vagues de chaleur (canicule) estivales plus fréquentes et par des hivers beaucoup moins enneigés. De manière générale, la probabilité d'événements climatiques extrêmes et de catastrophes naturelles va augmenter en Suisse.

En raison de sa prospérité, la Suisse affiche un taux d'émission de gaz à effet de serre très élevé en comparaison internationale, surtout si l'on prend comme critère la consommation par habitant à l'intérieur du pays et à l'étranger. Au XXe siècle, les émissions de CO2 en Suisse sont restées stables jusqu'en 1950, avant d'augmenter de manière significative jusque dans les années 1980. Dans la phase suivante, elles ont largement stagné, en affichant par la suite (dès 2010 environ) une légère tendance à la baisse.

Tweet du mouvement Grève du climat Suisse du 28 septembre 2019 concernant la manifestation nationale pour le climat à Berne (Twitter; capture d’écran DHS du 13.07.2021).
Tweet du mouvement Grève du climat Suisse du 28 septembre 2019 concernant la manifestation nationale pour le climat à Berne (Twitter; capture d’écran DHS du 13.07.2021). […]

Au cours des dernières décennies, la Confédération s'est efforcée de trouver une réponse politique adéquate à la question climatique. Elle a poursuivi la double stratégie, pratiquée dans le monde entier, qui associe les mesures visant à l'atténuation des émissions à celles favorisant l'adaptation au changement déjà en cours. Sur la scène internationale, la Suisse a toujours fait partie des pays qui plaident pour une protection renforcée du climat; elle a notamment ratifié, le 6 octobre 2017, l'Accord de Paris de 2015. Elle a ainsi accepté de réduire de moitié, par rapport aux niveaux de 1990, ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (les réductions réalisées à l'étranger étant comprises dans cet objectif). En 2019, le Conseil fédéral a durci sa politique climatique en décidant que la Suisse ne devrait plus émettre de gaz à effet de serre d'ici 2050 (zéro émission nette). Cette décision s'explique notamment par la pression accrue exercée à l'intérieur du pays par des mouvements sociaux tels que Fridays for Future, lancés en 2018 avec la grève scolaire pour le climat de Greta Thunberg, qui sont principalement soutenus par la jeunesse estudiantine. Cependant, le rejet de justesse de la loi sur le COlors de la votation populaire de juin 2021 a également montré qu'il reste difficile de trouver en Suisse une majorité en faveur d'une politique climatique.

Sources et bibliographie

  • Le Roy Ladurie, Emmanuel: Histoire du climat depuis l'an mil, 1967 (19894).
  • Welten, Max: Pollenanalytische Untersuchungen im Jüngeren Quartär des nördlichen Alpenvorlandes der Schweiz, 1982.
  • Holzhauser, Hanspeter: Zur Geschichte der Aletschgletscher und des Fieschergletschers, 1984.
  • Pfister, Christian: Das Klima der Schweiz von 1525-1860 und seine Bedeutung in der Geschichte von Bevölkerung und Landwirtschaft, 2 vol., 19883.
  • Welten, Max: Neue pollenanalytische Ergebnisse über das Jüngere Quartär des nördlichen Alpenvorlandes der Schweiz (Mittel- und Jungpleistozän), 1988.
  • Frenzel, Burckhard; Pécsi, Marton; Veličko, Andrej Alekseevič (éd.): Atlas of Paleoclimates and Paleoenvironments of the Northern Hemisphere. Late Pleistocene – Holocene, 1992.
  • Wegmüller, Samuel: Vegetationsgeschichtliche und stratigraphische Untersuchungen an Schieferkohlen des nördlichen Alpenvorlandes, 1992.
  • Lang, Gerhard: Quartäre Vegetationsgeschichte Europas. Methoden und Ergebnisse, 1994.
  • Holzhauser, Hanspeter: «Gletscherschwankungen innerhalb der letzten 3200 Jahre am Beispiel des Grossen Aletsch- und des Gornergletschers. Neue Ergebnisse», in: Académie suisse des sciences naturelles (éd.): Gletscher im ständigen Wandel. Jubiläums-Symposium der Schweizerischen Gletscherkommission 1993, Verbier (VS). 100 Jahre Gletscherkommission – 100'000 Jahre Gletschergeschichte, 1995, pp. 101-122.
  • Bader, Stephan; Kunz, Pierre: Klimarisiken. Herausforderung für die Schweiz, 1998.
  • Burga, Conradin A.; Perret, Roger: Vegetation und Klima der Schweiz seit dem jüngeren Eiszeitalter, 1998.
  • Pfister, Christian: Wetternachhersage. 500 Jahre Klimavariation und Naturkatastrophen (1496-1995), 1999.
  • Meyer, Fabian Daniel: Rekonstruktion der Klima-Wachstumsbeziehungen und der Waldentwicklung im subalpinen Waldgrenzökoton bei Grindelwald, Schweiz, 2000.
  • Wanner, Heinz et al.: Klimawandel im Schweizer Alpenraum, 2000.
  • «Summary for Policymakers», in: Stocker, Thomas F.; Qin, Dahe et al. (éd.): Climate Change 2013. The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 2013.
  • National Centre for Climate Services (éd.): CH2018: Scénarios climatiques pour la Suisse, 2018.
  • Begert, Michael; Stöckli, Reto; Croci-Maspoli, Mischa: Klimaentwicklung in der Schweiz – Vorindustrielle Referenzperiode und Veränderung seit 1864 auf Basis der Temperaturmessung, 2019 (Fachbericht MeteoSchweiz, 274).
  • Dupuis, Johann: «Le climat. "La Suisse, pionnière des politiques climatiques?"», in: Mieg, Harald A.; Haefeli, Ueli (éd.): La politique environnementale en Suisse. De la police des forêts aux écobilans, 2020, pp. 127-147.
  • Office fédéral de l'environnement; Office fédéral de météorologie et de climatologie; National Centre for Climate Services (éd.): Changements climatiques en Suisse. Indicateurs des causes, des effets et des mesures, 2020 (Etat de l'environnement, 2020).
Liens

Suggestion de citation

Christian Pfister; Conradin A. Burga; Hanspeter Holzhauser; Sven Kotlarski; Ueli Haefeli: "Climat", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 07.09.2021, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007770/2021-09-07/, consulté le 28.03.2024.