Constitution fédérale

La première constitution moderne de la Suisse fut celle de la République helvétique, entrée en vigueur en 1798; elle s'inspirait des lois fondamentales régissant la France du Directoire et les «républiques sœurs» de Hollande et d'Italie (République batave et République cisalpine). Centralisatrice, elle ne laissait aucune autonomie ni aux cantons ni aux communes, ce qui allait à l'encontre de la tradition du régionalisme propre au tissu d'alliances de l'Ancien Régime. L'acte de Médiation octroyé par Bonaparte lui succéda en 1803; il limita fortement les prérogatives du pouvoir central. Après la chute de l'Empire napoléonien, les Alliés vainqueurs imposèrent le Pacte fédéral de 1815, qui apportait des progrès quant à l'organisation militaire, mais affaiblissait le pouvoir central plus encore que l'acte de Médiation et ne disait presque rien des droits des citoyens.

La Constitution fédérale de 1848 fut la première que les citoyens suisses se donnèrent à eux-mêmes dans la plupart des cantons. Son adoption fit de la Suisse de la seconde moitié du XIXe s​​​​​​iècle, après l'échec des révolutions dans les Etats voisins, une île démocratique et républicaine au cœur de l'Europe monarchique. Fruit d'une guerre civile, elle se heurta d'abord au refus du camp des conservateurs catholiques vaincus (Sonderbund); pour que ces derniers se réconcilient avec l'Etat fédéral radical, il fallut la révision de 1874, qui introduisit avec le référendum populaire facultatif une démocratie non plus représentative, mais semi-directe. L'introduction en 1891 de l'initiative pour la révision partielle de la Constitution renforça la démocratie directe (droit de vote et d'éligibilité, droits politiques).

Les ordonnances de 1914 et 1939, édictées durant les guerres mondiales en vertu des pleins pouvoirs, n'étaient pas soumises à l'ordre constitutionnel. Elles confortèrent la prédominance de l'exécutif, quelque peu atténuée par la gestion collégiale des affaires au Conseil fédéral. Deux initiatives populaires pour un retour à la démocratie directe, déposées en 1946, conduisirent en 1952 à la suppression du régime des pleins pouvoirs, parfois qualifié d'anticonstitutionnel dans les débats sur le droit public. 

Lancée par le débat politique des années 1960, fortement conditionné par l'affaire des Mirages, l'idée d'une révision totale mit plus de trente ans pour aboutir. On finit par admettre que le texte de 1874, peu à peu enrichi, ne remplissait plus ses fonctions d'orientation et d'intégration, à cause de sa langue vieillie, de son hétérogénéité et de certaines dispositions dépassées. En 1999, le peuple et les cantons adoptèrent la constitution actuelle.

Pourcentages de «oui» (par canton) lors des votations sur la révision complète de la Constitution fédérale

Canton1848187218741999
Argovie70%62%65%49%
Appenzell (Rhodes-Extérieures)78%a37%83%45%
Appenzell (Rhodes-Intérieures)7%a7%14%34%
Bâle-Campagne90%84%87%66%
Bâle-Ville88%81%86%76%
Berne77%69%78%62%
Fribourgouib22%21%73%
Genève82%37%77%86%
Glaris100%a74%76%30%
Grisonsouic43%53%52%
Jura---76%
Lucerne59%d35%38%57%
Neuchâtel95%47%93%70%
Nidwald17%a13%19%41%
Obwald3%a7%17%47%
Saint-Gall68%50%57%48%
Schaffhouse79%94%97%42%
Schwytz25%15%18%34%
Soleure62%62%65%53%
Tessin27%46%33%72%
Thurgovie87%84%83%40%
Uri14%a4%8%40%
Vaud82%6%60%76%
Valais40%13%16%50%e
Zoug33%29%40%54%
Zurich91%81%95%62%

a Estimation faite lors de la landsgemeinde.

b Vote du Grand Conseil

c 54 juridictions pour, 12 contre

d Abstentions comptées comme «oui».

e 18 905 oui - 19 073 non

Pourcentages de «oui» (par canton) lors des votations sur la révision complète de la Constitution fédérale -  Feuille fédérale; Statistique historique de la Suisse

La Constitution fédérale de 1848

Origines

En 1830, les libéraux s'imposèrent dans de nombreux cantons (libéralisme, Régénération) et ravivèrent l'esprit républicain de l'Helvétique. En moins d'une année, onze nouvelles constitutions cantonales furent adoptées qui reconnaissaient le principe de la souveraineté populaire et quelques droits fondamentaux (souveraineté).

Les libéraux poussaient à la révision du Pacte fédéral; le canton de Thurgovie en fit la demande officielle à la Diète fédérale en 1831 et la majorité (13½ cantons) approuva en 1832. Le projet élaboré par une commission (Pacte Rossi), modifié en seconde lecture, fut vivement combattu par les conservateurs catholiques et protestants, les fédéralistes et les radicaux. Soumis au peuple dans certains cas et au Grand Conseil seulement dans d'autres, le projet de Constitution fut refusé à la Diète et dans les cantons en 1832/1833. 

Dans les années 1840, tandis que les radicaux (radicalisme) gagnaient en influence dans le camp libéral et les ultramontains (ultramontanisme) chez les conservateurs, le conflit devint plus confessionnel et se durcit. En 1847, des révolutions à Genève et Saint-Gall donnèrent aux partisans de la révision la majorité à la Diète; leurs exigences – dissolution du Sonderbund, expulsion des jésuites, révision du Pacte fédéral – conduisirent à la guerre du Sonderbund, qui dura moins d'un mois et se termina à la fin de novembre 1847.

Nouvelle Constitution: votations et décisions de l'été 1848
Nouvelle Constitution: votations et décisions de l'été 1848 […]

Nommée par la Diète, la commission chargée de préparer la révision du Pacte fédéral se composait en majorité de membres de gouvernements cantonaux, hommes enclins au compromis et plus pragmatiques que portés sur la cohérence théorique. Cinq jours seulement après leur première réunion, la révolution éclatait à Paris (février 1848) et s'étendait bientôt aux monarchies autoritaires qui, en janvier 1848 encore, avaient menacé la Diète d'intervenir en cas de modification du Pacte. Sur le plan constitutionnel, cette crise permit en quelque sorte de parachever au niveau national le travail entamé dans les cantons durant la Régénération. Les forces antilibérales se voyaient donc affaiblies à l'extérieur comme à l'intérieur. La commission sauta sur l'occasion: elle créa en quelques semaines l'Etat fédéral. En juin, la Diète adopta la nouvelle Constitution, qu'acceptèrent 15½ cantons contre 6½ (Uri, Schwytz, Obwald, Nidwald, Zoug, Valais, Tessin et Appenzell Rhodes-Intérieures), lors de votations tenues en juillet et août. A Lucerne, la décision positive fut obtenue grâce à l'addition des abstentions et des oui; à Fribourg, seul le Grand Conseil se prononça.

La Diète déclara le 12 septembre 1848 que la Constitution était acceptée et avait valeur de loi fondamentale de la Confédération; pourtant l'ancien Pacte restait encore en vigueur pour quelques semaines, jusqu'à la mise en place de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral, selon l'article 7 des dispositions transitoires. En octobre, le peuple ou les parlements élurent dans les cantons le Conseil national et le Conseil des Etats, qui tinrent séance à Berne le 6 novembre 1848 et, réunis en Assemblée fédérale, désignèrent les sept premiers conseillers fédéraux le 16 novembre. Le Pacte de 1815 avait vécu.

Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft. Gouache calligraphiée sur papier, offerte par l’artiste soleurois Laurenz Lüthi au Conseil national en 1850, 94 x 72 cm (Musée national suisse, Zurich, LM-78495.1-2)
Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft. Gouache calligraphiée sur papier, offerte par l’artiste soleurois Laurenz Lüthi au Conseil national en 1850, 94 x 72 cm (Musée national suisse, Zurich, LM-78495.1-2) […]

Confédération et cantons

La nouvelle Constitution liait le principe national et le maintien de la souveraineté cantonale (fédéralisme): cantons et Confédération collaborent dans un contexte dualiste. Selon l'article 3, les compétences de la Confédération nécessitaient un fondement constitutionnel; les cantons exerçaient tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération, principe de subsidiarité repris en 1874 et en 1999. Les constitutions cantonales devaient obtenir la garantie de la Confédération, accordée à condition qu'elles soient conformes au droit fédéral, permettent une certaine participation démocratique et puissent être révisées si la majorité des citoyens le demande. Les pouvoirs de la Confédération étaient limités: politique étrangère (guerre et paix, traités, relations avec les Etats étrangers), régale des monnaies, fixation des poids et mesures, exécution de travaux publics. Le droit civil et le droit pénal relevaient des cantons, comme le droit de procédure et la police, l'instruction publique, les transports, l'essentiel des affaires militaires (armée) et la législation économique (commerce et banques notamment).

Les autorités fédérales

L'organisation étatique instituée en 1848 est encore en vigueur au début du XXIe siècle, mais l'évolution économique, politique et sociale n'a cessé de renforcer la Confédération face aux cantons tout en montrant les limites de ses institutions.

Conséquence d'un compromis entre centralistes et fédéralistes, le Parlement fut conçu sur le modèle américain bicaméral: au Conseil national, alors élu au suffrage direct majoritaire (systèmes électoraux), les cantons sont représentés proportionnellement à leur population, alors qu'ils disposent chacun de deux délégués au Conseil des Etats (un délégué pour les demi-cantons). Les deux chambres, égales en droit, siègent séparément pour débattre des affaires courantes (budget, octroi de crédits, législation). Les conseillers nationaux et aux Etats réunis pour délibérer forment l'Assemblée fédérale qui dispose de pouvoirs étendus: elle élit le Conseil fédéral, les juges fédéraux et en cas de guerre le général. Comme instance judiciaire, elle règle les conflits de compétence. Le principe de la séparation des pouvoirs n'était donc pas parfaitement respecté, puisque l'Assemblée fédérale était conçue comme un «gouvernement d'assemblée».

Les constituants, qui avaient encore à l'esprit les faiblesses du régime du canton directeur, apparues en 1839 lors du Züriputsch (affaire Strauss) et dues à l'absence de gouvernement central, suivirent pour l'exécutif l'exemple des cantons régénérés et combinèrent la collégialité avec un système départemental: les sept conseillers fédéraux dirigent chacun un département de l'administration fédérale, mais forment collectivement l'autorité exécutive supérieure. Le président de la Confédération n'est qu'un primus inter pares. Durant son mandat (trois ans, puis quatre ans), le Conseil fédéral ne peut être contraint à la démission.

La Constitution de 1848 donnait au Tribunal fédéral un rôle restreint. Formé de juges à temps partiel, il siégeait par intermittence, en général pour des affaires que la législation fédérale lui attribuait spécifiquement, telles que les expropriations, les apatrides (heimatlos), la construction de chemins de fer, le divorce de mariages mixtes, etc. La justice relevait ordinairement des cantons; en droit public, le Conseil fédéral prenait presque toutes les décisions. Un recours était possible auprès de l'Assemblée fédérale, qui pouvait transmettre une plainte au Tribunal fédéral (recours de droit public), ce qui n'eut lieu qu'une seule fois (affaire Dupré en 1852). 

Conquêtes démocratiques et libérales

Les constituants de 1848 cherchèrent à satisfaire les aspirations démocratiques à travers le principe représentatif, c'est-à-dire en donnant aux citoyens (mâles) le droit d'élire les conseillers nationaux. Les seuls éléments de démocratie directe étaient le référendum obligatoire en cas de révision totale ou partielle de la Constitution (articles 113-114) et la possibilité de demander une révision totale en réunissant 50'000 signatures (article 113). Certaines dispositions cherchaient à faciliter le commerce et la circulation des personnes entre les cantons (articles 29-32), en accord avec les idées du libéralisme économique, mais la garantie de la liberté du commerce et de l'industrie ne fit même pas l'objet d'une discussion à la commission. Les douanes furent abolies sur le marché intérieur et la liberté d'établissement assurée aux Suisses chrétiens, mais non à ceux de religion juive (articles 41-42). La liberté de culte fit cesser les discriminations contre les protestants et les catholiques là où ils étaient en minorité, mais les israélites et les fidèles d'autres religions ne purent s'en prévaloir. L'article 54 interdisait la peine de mort pour crime politique.

La révision de 1866

En 1862, la Suisse et les Pays-Bas étaient sur le point de signer un traité de commerce et d'établissement. L'égalité des droits et la liberté d'établissement était accordée à tous les citoyens néerlandais, de telle sorte que les juifs de ce pays se voyaient mieux traités que leurs coreligionnaires suisses. A cause de cette inégalité de traitement, le parlement hollandais refusa de ratifier le traité. Les autorités helvétiques proposèrent une révision constitutionnelle pour éliminer cette discrimination et corriger d'autres défauts. En 1866, le Parlement mit donc en votation neuf objets; le peuple accepta les articles 41 et 48 relatifs à la liberté d'établissement et à l'égalité des droits des juifs suisses (résumés dans le deuxième point de révision), mais refusa les huit autres dispositions (liberté de conscience, droit de vote en matière communale pour les Suisses établis hors de leur commune d'origine, élargissement des compétences de la Confédération).

Cet échec est aussi dû à une perception héritée de la période de la Régénération et basée sur le droit naturel, qui conférait à la Constitution un caractère immuable. Régissant l'existence de la communauté, elle s'appuyait sur les concepts les plus nobles de la philosophie politique qu'elle transposait dans l'ordre juridique. La Constitution, considérée comme pérenne, monolithique et intangible, était non seulement plus difficile à remanier que la législation ordinaire, mais devait, dans la mesure du possible, rester inchangée. 

La Constitution fédérale de 1874

L'échec de la révision de 1872

Feuille volante de propagande des fédéralistes en vue de la votation de 1872 sur la révision de la Constitution (Bibliothèque nationale suisse, Berne).
Feuille volante de propagande des fédéralistes en vue de la votation de 1872 sur la révision de la Constitution (Bibliothèque nationale suisse, Berne).

Les années 1860 virent se renforcer le mouvement démocratique qui, s'opposant à l'élite radicale, aux «barons fédéraux», voulait développer les institutions de la démocratie directe. Il souhaitait réviser la Constitution fédérale après avoir remanié les constitutions de nombreux cantons. Le projet, élaboré par une commission des deux Conseils, contenait nombre d'innovations: l'introduction du mariage civil, demandée par un postulat en 1869, s'inscrivait dans le contexte du Kulturkampf, lequel se raviva et s'enflamma en Suisse quand le premier concile du Vatican proclama le dogme de l'infaillibilité pontificale (1870). La liberté du commerce et de l'industrie et un article sur l'école provenaient de la doctrine libérale. La Société suisse des juristes voulait une unification du droit et une réorganisation du Tribunal fédéral. Les défauts de la défense nationale, mis en évidence à l'occasion de la guerre franco-allemande et de la mobilisation qu'elle entraîna, plaidaient pour l'accroissement des compétences de la Confédération. Le mouvement démocratique exigeait, outre une législation fédérale sur les fabriques (lois sur les fabriques), le droit d'initiative et de référendum en matière de lois et d'arrêtés fédéraux.

Révision totale de la Constitution: votations du 12 mai 1872
Révision totale de la Constitution: votations du 12 mai 1872 […]

Le projet était trop ambitieux; ses adversaires, conservateurs catholiques et fédéralistes romands, rejetèrent la révision de la Constitution fédérale le 12 mai 1872, par quelque 260'859 non contre 255'609 oui et dans treize cantons contre neuf.

La Constitution de 1874

Battus de peu, les partisans de la révision firent une seconde tentative. En revenant en arrière quant aux droits démocratiques et quant aux compétences de la Confédération dans les domaines militaire, judiciaire et scolaire, tout en renforçant les mesures inspirées du Kulturkampf, ils réussirent à réduire le camp adverse aux seuls conservateurs catholiques et à retourner en leur faveur les cantons protestants d'Appenzell Rhodes-Extérieures, Grisons, Vaud, Neuchâtel et Genève. Lors de la votation du 19 avril 1874, le projet fut approuvé par environ 340'199 voix contre 198'013 et par 13½ cantons contre 8½.

Révision totale de la Constitution: votations du 19 avril 1874
Révision totale de la Constitution: votations du 19 avril 1874 […]

La Constitution de 1874 consolidait l'Etat fédéral, dont les compétences législatives élargies en matière de droit commercial allaient fonder une pratique juridique unifiée et garantie par un Tribunal fédéral désormais permanent. La liberté de culte était assurée à toutes les communautés et non plus seulement aux deux grandes confessions chrétiennes. La liberté d'établissement était élargie; les cantons et les communes devaient permettre l'exercice des droits politiques, après un court délai, à tout citoyen suisse nouveau venu. Pour la première fois étaient garantis la liberté de conscience et de croyance, la liberté du commerce et de l'industrie, le droit au mariage. Les châtiments corporels et la prison pour dettes étaient abolis, de même que la peine de mort. Après un triple meurtre à Bâle en 1876, les cantons eurent toutefois en 1879 la possibilité de réintroduire la peine de mort, sauf pour les crimes politiques. La Constitution réservait l'état civil aux autorités civiles et interdisait la fondation de nouveaux couvents ou d'ordres religieux. Elle rendait les ecclésiastiques inéligibles au Conseil national. Elle renforçait l'interdiction des jésuites en vigueur depuis 1848 et soumettait la création d'évêchés à l'approbation fédérale (articles d'exception). Ces dispositions, considérées comme discriminatoires par une majorité de catholiques, jouèrent pour ceux-ci un rôle de catalyseur politique jusque dans la seconde moitié du XXe siècle.

Tel qu'entériné en 1874, le progrès des libertés fondamentales et de la sécularisation coïncidait avec l'apogée des radicaux, mais il mit fin à leur hégémonie, puisqu'il impliquait aussi le passage de la démocratie représentative à la démocratie semi-directe. Pour compenser la perte d'une série de compétences cantonales, les lois fédérales et les arrêtés de portée générale adoptés par le Parlement étaient soumis à une votation populaire, pour autant que 30'000 citoyens la demandent (référendum facultatif). Cette innovation contraignit à intégrer au gouvernement les conservateurs catholiques, qui recouraient au référendum pour faire échouer des projets de lois, comme ce fut le cas en 1884 lorsque quatre objets furent refusés simultanément («chameau à quatre bosses»). L'Assemblée fédérale élut donc en 1890 le Lucernois Josef Zemp au Conseil fédéral, premier conservateur catholique à entrer au gouvernement suisse. On associa par la suite à l'exécutif d'autres ​​​​​​forces capables de faire aboutir un référendum, telles que le Parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB) et le Parti socialiste (PS, démocratie de concordance).

Feuilles commémoratives de la votation sur la révision de la Constitution de 1874. A gauche: lithographie de Josephine Schütz-Witt, publiée à Zurich par Hindermann & Siebenmann, 1874, 76,5 x 58 cm. A droite: lithographie de E. Conrad, publiée à Zurich par A. Frey, 1874, 51 x 41,5 cm (Zentralbibliothek Zürich, Graphische Sammlung Geschichte 1874 Schweiz III, 1).
Feuilles commémoratives de la votation sur la révision de la Constitution de 1874. A gauche: lithographie de Josephine Schütz-Witt, publiée à Zurich par Hindermann & Siebenmann, 1874, 76,5 x 58 cm. A droite: lithographie de E. Conrad, publiée à Zurich par A. Frey, 1874, 51 x 41,5 cm (Zentralbibliothek Zürich, Graphische Sammlung Geschichte 1874 Schweiz III, 1). […]

Modifications introduites entre 1875 et 1998

Bien que la Constitution révisée de 1874 ait repris de nombreux articles de la version antérieure sans les modifier, elle acquit un caractère plus dynamique que cette dernière et ne formait plus un sanctuaire normatif immuable. Socle du débat démocratique, elle constituait désormais, pour les politiciens et juristes, le terrain sur lequel allaient s'affronter les différentes factions politiques. L'introduction en 1891 de l'initiative populaire pour la révision partielle renforça cette tendance. Entre 1875 et 1998, elle subit plus de 162 révisions partielles (y compris 12 lois constitutionnelles limitées dans le temps); il s'agissait toutefois presque toujours d'objets soumis par les autorités et non d'initiatives populaires. Des doctrines douteuses se reflétaient également dans la Constitution. L'interdiction de l'abattage rituel, conséquence de la première initiative populaire ayant abouti, revêtait un caractère antisémite. 

Afin de signaler les nouveaux passages, on ajouta à la Constitution des articles bis, ter, quater, etc. Elle devint de plus en plus hétérogène et embrouillée, à cause de modifications très différentes par leur date, leur degré de précision et leur style, touchant les compétences de la Confédération et l'organisation de ses autorités, les droits politiques, les droits de l'homme et des citoyens, le nombre des cantons et leur territoire.

A l'instar de la Constitution de 1848, celle de 1874 fut conçue comme une codification générale, qui réunissait toutes les normes constitutionnelles au sein d'une même loi systématiquement structurée. Située au sommet de la hiérarchie des normes juridiques, la Constitution prime sur toutes les autres lois. Se distançant toutefois de ce principe entre 1915 et 1970, le législateur édicta une douzaine de lois, dans lesquelles il fixa les normes réglant la procédure de révision constitutionnelle. Exclues du texte à cause de leur caractère transitoire, ces lois temporaires furent inscrites dès 1970 dans les articles 8 à 18 de la Constitution de 1874. Maintenue jusqu'à nos jours, cette pratique redonna à la Constitution son caractère global. 

Sur le plan législatif, l'Assemblée fédérale est la garante incontestée de la conformité des lois avec la Constitution (article 113, alinéa 3 de la Constitution fédérale de 1874). L'examen de la constitutionnalité des projets de lois jouit d'une large marge d'appréciation, plus fréquemment basés sur des arguments politiques que juridiques. Les autorités chargées de mettre en œuvre le droit exercent certes un contrôle, mais doivent aussi appliquer des dispositions contraires à la Constitution.

Le partage des compétences

La majorité des révisions se rapportent au partage des compétences entre les cantons et la Confédération, qui tend à en exercer de plus en plus: elle s'en vit attribuer dans les domaines de l'unification du droit (civil et pénal), du droit de cité, des assurances sociales, de la protection des plus faibles (travailleuses et travailleurs; locataires, bail à loyer; consommatrices et consommateurs par exemple). Elle reçut en outre des pouvoirs nouveaux ou élargis en matière d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement, de transports, de politique économique et de fiscalité. Cela se traduisit souvent par la création d'institutions, notamment des offices fédéraux, et entraîna donc une forte croissance de l'administration fédérale.

Principales compétences nouvelles (ou élargies) de la Confédération 1890-1993

AnnéeArticleDomaine
189034bisAssurance maladie et accidents
189139Monopole des billets de banque
189724Forêts (élargissement)
189864, 64bisUnification du droit civil et pénal
190824bisForces hydrauliques
190834terProtection des travailleurs
191741bisDroits de timbre
191924terNavigation
192137bisCirculation des automobiles
192534quaterAssurance vieillesse et invalidité
192844Naturalisation
194534quinquiesAssurance maternité
194731, 31bis-quinquies, 32Articles économiques
194734terAssurance chômage
194734terProtection des travailleurs
195324bis und quaterForces hydrauliques
195841bisImpôt anticipé
195841terImpôt sur le chiffre d'affaires, impôt fédéral direct
196922quaterAménagement du territoire
197124septiesProtection de l'environnement
197234quaterAssurance vieillesse et invalidité
197234septiesProtection des locataires
197524bis et quaterForces hydrauliques
197634noviesAssurance chômage
197831quinquiesPolitique conjoncturelle
1981 et 198231sexies et septiesProtection des consommateurs
198634septiesProtection des locataires
199335Levée de l'interdiction des maisons de jeu
199341terTransformation de l'impôt sur le chiffre d'affaires en taxe à la valeur ajoutée
Principales compétences nouvelles (ou élargies) de la Confédération 1890-1993 -  auteur

Droits politiques

Le référendum législatif introduit en 1874 était une arme pour les minorités parlementaires: jusqu'en 1891, la majorité radicale réussit à faire passer seulement six lois, tandis que 13 échouèrent à l'issue des référendums lancés par les groupes conservateurs et fédéralistes. Pour donner au peuple la possibilité d'exprimer non seulement son refus, mais d'intervenir de façon constructive, on introduisit en 1891 l'initiative populaire pour la révision constitutionnelle partielle (articles 121-122 de la Constitution fédérale), pour laquelle 50'000 signatures devaient être recueillies. Il s'agit généralement de passages constitutionnels rédigés, sur lesquels l'Assemblée fédérale ne peut donner qu'une recommandation de vote. Plus rarement, l'initiative est déposée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux, qui permet à l'Assemblée fédérale d'exercer une influence plus forte sur son contenu et n'est donc presque jamais utilisée par les initiants.

L'initiative devint au XXe siècle l'instrument des forces extraparlementaires et des groupes de gauche ou de droite dont les Chambres refusaient les idées. Le plus souvent vouée à l'échec, elle suscita néanmoins des débats et des contre-projets qui fréquemment finissaient, avec un retard souvent considérable, par influencer la législation.

Après deux tentatives avortées en 1900 et 1910, une initiative sur l'élection du Conseil national à la proportionnelle fut acceptée en 1918 (article 73). L'introduction de ce système électoral était aussi une revendication du comité d'Olten lors de la grève générale. Elle coûta aux radicaux la majorité absolue au Conseil national en 1919, les socialistes gagnant autant de sièges que les conservateurs catholiques. Le nouveau parti agrarien fit également son entrée au Parlement, où il vint renforcer le camp bourgeois.

Conséquence des querelles autour de la convention du Gothard avec l'Italie et l'Allemagne (1909), l'introduction en 1921 du référendum en matière de traités internationaux représenta un nouvel élément de démocratie directe, mais limité par une définition peu heureuse des traités visés, qui en excluait par exemple l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme (1974). En raison de ces lacunes, mais aussi de l'importance croissante des accords internationaux dans la seconde moitié du XXe siècle (organisations internationales), une définition plus précise fut donnée en 1977 (article 89, alinéas 3-5). En revanche, le peuple rejeta d'autres développements de la démocratie directe, par exemple en 1987 l'initiative populaire sur le référendum en matière de dépenses militaires.

La Confédération obtint en 1966 le droit de légiférer sur le vote des Suisses de l'étranger (article 45bis, alinéa 2). Encore refusé en 1959, le suffrage féminin ne fut accepté qu'en 1971 (article 74). L'âge de la majorité civique passa de 20 à 18 ans en 1991 (article 74), une proposition analogue ayant échoué en 1979.

En 1977, le peuple et les cantons admirent un projet des Chambres portant le nombre des signatures exigées pour le référendum à 50'000 et pour l'initiative à 100'000. Lors du référendum sur la loi fédérale sur les droits politiques, ils acceptèrent que les signatures soient récoltées dans un délai de 18 mois. En 1987, on corrigea un grave défaut en autorisant le double oui lorsque sont soumis ensemble au vote une initiative et un contre-projet de l'Assemblée fédérale (article 121bis); désormais, les Chambres fédérales ne peuvent plus affaiblir les partisans du changement en lançant un contre-projet qui les divise en deux camps.

La clause d'urgence de la Constitution de 1874 permettait de soustraire les lois et arrêtés «urgents» au référendum. On y recourut abusivement dans la première moitié du XXe siècle. Une initiative populaire contre le droit d'urgence, acceptée en 1939, s'avéra un remède insuffisant. L'initiative «Retour à la démocratie directe», adoptée en 1949, imposa une nouvelle formulation (article 89bis). Les lois fédérales qualifiées d'urgentes pouvaient également faire l'objet d'un référendum, mais celui-ci ne pouvait être lancé qu'après leur entrée en vigueur.

Organisation des autorités fédérales

Les dispositions relatives aux autorités n'ont guère changé en 125 ans, bien que la prédominance ait passé peu à peu de l'Assemblée au Conseil fédéral. L'élection de ce dernier par le peuple et son élargissement à neuf membres, demandés par des initiatives, furent refusés en 1900 et 1942. L'article 114bis, ajouté en 1914, fit du Tribunal fédéral la cour suprême de la Confédération. Ses compétences étaient définies jusqu'en 1968 par le système de l'énumération, puis par celui de la clause générale, voulue par l'Assemblée fédérale après l'affaire des Mirages. 

Parmi les mesures urgentes prises par le Conseil fédéral durant la Première Guerre mondiale, la crise économique mondiale des années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup n'avaient pas de base constitutionnelle. Elles s'appuyaient sur les pleins pouvoirs octroyés au Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale en vertu d'un droit de nécessité non écrit, qui permit par exemple d'introduire l'impôt de défense nationale, impôt fédéral direct sur le revenu, inscrit dans la loi en 1950 et dans la Constitution en 1958.

Droits fondamentaux

La section traitant des droits fondamentaux n'a guère varié. On y ajouta en 1969 la garantie de la propriété (article 22ter), déjà admise dix ans plus tôt comme droit constitutionnel non écrit par le Tribunal fédéral. La critique contre les articles d'exception enfla après 1950; les interdictions frappant les jésuites et les nouveaux couvents furent enfin abolies en 1973. La Confédération adhéra en 1974 à la Convention européenne des droits de l'homme, dont les dispositions furent désormais considérées, en fait, comme droits constitutionnels (droits de l'homme). Les dernières limitations à la liberté d'établissement tombèrent en 1975 (article 45, révisé encore en 1983). L'article 4, alinéa 2, consacra en 1981 l'égalité des sexes (égalité entre femmes et hommes). Le service civil pour objecteurs de conscience, refusé en 1977 et 1984, fut admis en 1992. L'introduction de droits sociaux s'avéra particulièrement difficile, puisque échouèrent par exemple celles du droit au travail (1894, 1946, 1947), du droit au logement (1970) et à la formation (1973). L'Assemblée fédérale refusa aussi, en 1987, de signer la Charte sociale européenne de 1961. Le Tribunal fédéral commença vers 1960 à compléter les droits fondamentaux figurant dans la Constitution par des droits non écrits, pour autant qu'ils représentent la prémisse d'une liberté écrite ou un élément propre à l'Etat de droit et à la démocratie (liberté d'opinion, liberté personnelle, droit à la vie, liberté des langues, liberté de réunion et minimum vital).

Les cantons et leurs territoires

Les frontières intérieures ne bougèrent pas entre 1848 et la création du canton du Jura en 1978, que le peuple et les cantons admirent en changeant les articles 1 et 80 de la Constitution fédérale. Les modifications territoriales ultérieures (le Laufonnais passant de Berne à Bâle-Campagne en 1993 et la commune de Vellerat de Berne au Jura en 1996) furent aussi soumises au référendum constitutionnel, puisque l'article 5 garantit le territoire des cantons.

La tentative de révision de 1935

Après la Première Guerre mondiale, le Conseil national demanda une révision complète de la Constitution, mais l'accumulation des problèmes économiques et sociaux fit passer cette préoccupation à l'arrière-plan.

En 1934, les frontistes, appuyés par des groupes professionnels, par les jeunes conservateurs et par le mouvement Aufgebot de Jacob Lorenz, lancèrent une initiative pour la révision totale. Leurs propositions mêlaient confusément des idées fascistes, nationalistes, anticommunistes, antisémites, antiparlementaires et antilibérales (fascisme, anticommunisme, antisémitisme, frontisme). Le système capitaliste devait faire place à une organisation corporative (capitalisme, corporatisme) unissant de nouveau patrons et ouvriers; la démocratie représentative et référendaire s'effacerait devant un Etat corporatif autoritaire, dont le chef – les théoriciens frontistes pensaient à un landamman fédéral – saurait ramener à la mère-patrie une classe ouvrière dévoyée par l'internationalisme socialiste. L'initiative frontiste fut nettement refusée le 8 septembre 1935 par 511'578 voix contre 196'135 et 19 cantons contre 3.

La Constitution fédérale de 1999

Origines

Affiche en vue de la votation du 18 avril 1999 concernant la révision totale de la Constitution (Plakatsammlung der Schule für Gestaltung Basel, Münchenstein).
Affiche en vue de la votation du 18 avril 1999 concernant la révision totale de la Constitution (Plakatsammlung der Schule für Gestaltung Basel, Münchenstein).

L'affaire des Mirages et des publications politiques (notamment Helvetisches Malaise, publié en 1965 par le spécialiste du droit public Max Imboden) incitèrent le conseiller aux Etats radical Karl Obrecht et le conseiller national libéral Peter Dürrenmatt à déposer chacun une motion en faveur d'une révision complète de la Constitution, qu'il fallait remettre au goût du jour. Les Chambres fédérales transmirent les motions au Conseil fédéral, qui mit en place en 1967 une première commission d'experts sous la présidence de l'ancien conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen. Le rapport final de la commission Wahlen (1973) servit de base au projet de 1977, élaboré par un groupe de 46 experts sous la direction du conseiller fédéral Kurt Furgler et fort mal accueilli lors de la procédure de consultation (presque 900 prises de position). Les critiques portèrent sur la répartition floue des tâches entre cantons et Confédération et sur les aspects sociaux et économiques, comme le régime de la propriété. 

Révision totale de la Constitution: votations du 18 avril 1999
Révision totale de la Constitution: votations du 18 avril 1999 […]

Après un temps d'arrêt, le Conseil fédéral proposa au Parlement, en 1985, de poursuivre les travaux de révision. En 1987, l'Assemblée fédérale chargea le gouvernement d'élaborer un nouveau projet portant uniquement sur l'ordre des matières, une homogénéisation de la formulation, et reprenant le droit constitutionnel en vigueur, écrit et non écrit. En distinguant actualisation linguistique et juridique d'une part, réformes de fonds touchant les droits politiques et la justice d'autre part, on visait à empêcher que l'exercice ne fût condamné d'avance comme en 1977. L'administration fédérale se mit au travail; sur la base de la procédure de consultation (1995), le Conseil fédéral soumit en 1996 un projet définitif accompagné d'un message à l'Assemblée fédérale. Approuvé par les Chambres le 18 décembre 1998, la nouvelle Constitution fut acceptée le 18 avril 1999 par 969'310 des votants (refusé par 669'158) et par 13 cantons.

Le contenu de la Constitution de 1999

Pour l'essentiel, la nouvelle Constitution entrée en vigueur le 1er janvier 2000 donne une formulation plus actuelle à des dispositions qui existaient déjà. Le texte se divise en six parties ou «titres». La première contient des dispositions générales. On trouve dans le titre 2, pour la première fois, une énumération systématique des droits fondamentaux et un catalogue des buts sociaux, qui ne peuvent cependant servir à fonder ni compétences précises ni prétentions directes à des prestations de l'Etat. Le titre 3 règle le partage des compétences entre Confédération, cantons et communes; l'accent est mis sur la collaboration et le partenariat. Les titres 4, 5 et 6 traitent des droits politiques des citoyennes et citoyens, des autorités fédérales et de la révision de la Constitution.

Par rapport à la Constitution de 1874, le texte de 1999 renonce à certaines dispositions qui n'ont rien à faire dans une constitution et à des règles vieillies. Il s'agit notamment des anciens articles 4 (interdiction des rapports de sujétion), 23bis (céréales panifiables), 32ter (interdiction de l'absinthe), 34 (contrôle des agences d'émigration) et 54 (interdiction des finances d'admission au mariage). La nouvelle Constitution intègre en revanche, pour leur donner plus de poids, des normes légales autrefois traitées à un échelon législatif inférieur, comme la protection des données (article 13), la publicité des liens des parlementaires avec des groupes d'intérêts (surtout mandats d'administrateur, article 161) et leur immunité (article 162). La Constitution de 1999 intégra en outre des droits fondamentaux non codifiés, reconnus par le Tribunal fédéral, et certaines libertés fondamentales inscrites dans les conventions internationales sur les droits humains. 

La modernisation de la langue, soit la mise en forme textuelle de pratiques jurisprudentielles et la délimitation nouvelle de ce qui doit figurer dans la Constitution et de ce qui relève des lois d'application, impliqua inévitablement des jugements politiques. Cette actualisation provoqua donc des glissements de sens, dont les conséquences n'étaient pas prévisibles lorsque les travaux débutèrent et qui débouchèrent sur de nouvelles interprétations du droit. L'expression de «mise à jour» («Nachführung»), utilisée en 1985 lors des débats sur la nécessité d'une révision complète, n'était donc pas appropriée pour décrire les effets de ce remaniement. 

Principales innovations de fond de la Constitution fédérale de 1999

ArticleDescription
8, alinéa 2Interdiction de la discrimination
48, 56Suppression de l'approbation obligatoire par la Confédération des traités conclus par les cantons entre eux ou avec l'étranger
53, alinéa 3Suppression du référendum obligatoire en cas de modification du territoire d'un canton
58Principe de l'armée de milice inscrit dans la Constitutiona
63Nouvelles compétences de la Confédération dans le domaine de la formation professionnelle
69La Confédération peut promouvoir la culture
70La Confédération soutient les cantons plurilingues
143Suppression de l'inégibilité des ecclésiastiques au Conseil national et au Conseil fédéral
151Nouvelle règle sur la convocation d'une session extraordinaire de l'Assemblée fédérale
155Les services du Parlement sont désormais soumis à l'Assemblée fédérale
163Simplification parmi les formes des actes édictés par l'Assemblée fédérale (suppression de l'arrêté fédéral de portée générale)
170L'Assemblée fédérale doit évaluer l'efficacité des mesures prises par la Confédération

a Des exceptions sont possibles (service long fait d'une seule traite).

Principales innovations de fond de la Constitution fédérale de 1999 -  auteur

Sur quelques points, néanmoins, des innovations de fond furent proposées. Toutes bénéficiaient d'un large consensus au Parlement, à l'image de l'article sur l'encouragement à la culture, ajouté par les Chambres bien qu'une proposition analogue eût échoué en votation populaire en 1994, faute d'avoir obtenu la majorité des cantons. Ces innovations provenaient pour la plupart de la conférence des gouvernements cantonaux ou des deux commissions parlementaires des institutions politiques et concernaient, soit les relations entre cantons et Confédération, soit l'organisation de l'Assemblée fédérale.

Les réformes parallèles

En séparant mise à jour de la Constitution et réformes de fond, l'arrêté de 1987 a beaucoup facilité l'acceptation par le peuple et les cantons d'une révision à laquelle on travaillait depuis plus de 30 ans. Le Conseil fédéral proposa en outre de poursuivre la réforme des sections consacrées aux droits populaires et à la justice, mises de côté lors de la révision. 

Un consensus ne put être trouvé au Parlement sur les propositions du Conseil fédéral relatives aux droits populaires (référendum administratif et financier facultatif, élévation du nombre de signatures exigé pour l'initiative constitutionnelle et le référendum). En 1999, le Conseil des Etats reprit dans une initiative parlementaire les points susceptibles de réunir une majorité, et le peuple les adopta en 2003: ainsi fut créée l'initiative populaire générale, qui permet de proposer une modification soit constitutionnelle soit législative, par un projet conçu en termes généraux; sa mise en œuvre légale s'étant avérée impossible dans un système bicaméral, elle fut abrogée peu de temps après par l'Assemblée fédérale (ce qui fut accepté par le peuple et les cantons en 2009). Le référendum facultatif fut quant à lui étendu aux traités internationaux, même bilatéraux, dont la mise en œuvre exige une modification du droit. 

Le Conseil national renonça pourtant en 1999 déjà, lors de la phase préparatoire de la réforme de la justice, à toucher à la juridiction constitutionnelle. Le projet finalement adopté le 12 mars 2000 par 86,4% des voix et tous les cantons se limitait à l'unification de la procédure pénale et civile, que personne ne contestait, et au développement des instances inférieures appelées à décharger le Tribunal fédéral. La législation nécessaire à cet effet entra en vigueur progressivement jusqu'au 1er janvier 2007. 

La réforme des institutions exécutives, qui fut lancée vers 1990 indépendamment de la révision totale de la Constitution, bien qu'elle lui soit liée sur le fond, a perdu tout élan après l'échec de la réforme du gouvernement présentée en 1993. Relancé en 2001 par le Conseil fédéral, ce projet fut finalement abandonné en 2013. Les Chambres fédérales décidèrent de ne pas entrer en matière après le rejet de la réforme du gouvernement, proposée par le Conseil fédéral en 2010. 

Principales révisions partielles entre 2000 et 2022

Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, de nombreuses demandes de révision se sont révélées susceptibles de recueillir une majorité; seules les plus importantes sont évoquées ici (la révision des articles consacrés à la justice et aux droits populaires ont été traités dans le chapitre précédent). En 2001, l'article sur les évêchés fut supprimé de la Constitution de 1999 (article 72, alinéa 3). Le Parlement avait écarté ce point de la révision complète pour ne pas nuire au projet. 

Le frein à l'endettement, adopté en 2001, fixa le plafond des dépenses ordinaires annuelles en fonction des recettes (article 126; article 159, alinéa 3, lettre c et alinéa 4). Le taux d'endettement de la Confédération passa ainsi, de 2003 à 2019, de quelque 25 à 13%. Des besoins financiers exceptionnels pouvaient justifier des dépenses supplémentaires, à condition que les Chambres fédérales les aient approuvées.  

En 1986, les électrices et électeurs avaient refusé l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies (ONU). Les bouleversements géopolitiques qui suivirent la fin de la guerre froide en 1989-1990 reléguèrent temporairement la neutralité au second plan en tant que ligne directrice de la politique étrangère. Après l'adhésion à d'autres organisations internationales, celle à l'ONU fut finalement acceptée en 2002 par le peuple et les cantons (article 197, chiffre 1).

La réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), adoptée en votation populaire en 2004, engendra une série de modifications constitutionnelles. Véritable modernisation du fédéralisme, ayant pour objectif principal de désenchevêtrer les tâches ainsi que les finances fédérales et cantonales, elle entra en vigueur en 2008.  

La réorganisation des dispositions constitutionnelles relatives à l'éducation ne fut quasiment pas contestée et approuvée par le peuple en 2006 (articles 61a-67). Elle laissa la souveraineté en la matière aux cantons, mais harmonisa les systèmes scolaires (âge de scolarisation; scolarité obligatoire; durée, objectifs et transition entre les différents niveaux d'enseignement; reconnaissance des diplômes). La promotion de l'innovation (intégration de nouvelles connaissances scientifiques dans les technologies, produits et services) fut inscrite dans la Constitution. 

La fondation Helvetia Nostra déposa en 2007 l'initiative populaire «Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires», qui luttait contre le mitage du paysage en limitant les résidences secondaires à 20% des logements d'une commune. Bien que combattue par le Conseil fédéral, les organisations touristiques et le secteur de la construction, l'initiative fut acceptée de justesse en 2012 (articles 75b et 197, chiffre 9).

L'initiative populaire «Pour des soins infirmiers forts (initiative sur les soins infirmiers)», lancée par l'Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), à laquelle le Conseil fédéral avait opposé un contre-projet indirect, fut clairement adoptée en 2021 dans le contexte de la pandémie de Covid-19 (article 117b). Dans la première étape de sa mise en œuvre, le Conseil fédéral misa surtout sur l'offensive de formation visant à augmenter le personnel soignant qualifié.

Affiches prônant le oui pour l'initiative populaire fédérale «Contre la construction de minarets», photographie réalisée dans la gare de Zurich le 26 octobre 2009 (KEYSTONE / Steffen Schmidt, Bild 77739328).
Affiches prônant le oui pour l'initiative populaire fédérale «Contre la construction de minarets», photographie réalisée dans la gare de Zurich le 26 octobre 2009 (KEYSTONE / Steffen Schmidt, Bild 77739328).

L'acceptation dès 2004 d'initiatives populaires, dont la mise en œuvre se heurtait aux règles du droit international public, revêtit une importance particulière pour le droit constitutionnel. Il en alla ainsi des initiatives «Internement à vie» en 2004 (article 123a), «Contre la construction de minarets» en 2009 (article 72, alinéa 3), «Pour le renvoi des étrangers criminels» en 2010 (article 121, alinéas 3-6; article 197, chiffre 8) et «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage» en 2021 (article 10a). Alors qu'une majorité de votants se prononça en 2014 en faveur de l'initiative «Contre l'immigration de masse» (article 121a), l'initiative de mise en œuvre qui s'y rapportait (article 197, chiffre 11) fut rejetée en 2016 (étrangers, xénophobie). L'Assemblée fédérale atténua partiellement les risques de conflit liés à ces initiatives en adoucissant leurs répercussions dans la pratique, ce qui est particulièrement visible avec les initiatives pour l'«Internement à vie» et «Contre l'immigration de masse».

Sources et bibliographie

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  • Curti, Theodor: Geschichte der Schweiz im XIX. Jahrhundert, 1902.
  • His, Eduard: Geschichte des neuern schweizerischen Staatsrechts, 3 vol., 1920-1938.
  • Aubert, Jean-François; Eichenberger, Kurt (éd.): Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, 1987-1996.
  • Wili, Hans-Urs: Kollektive Mitwirkungsrechte von Gliedstaaten in der Schweiz und im Ausland. Geschichtlicher Werdegang, Rechtsvergleichung, Zukunftsperspektiven. Eine institutsbezogene Studie, thèse de doctorat, Université de Berne, 1988.
  • Kölz, Alfred: Histoire constitutionnelle de la Suisse moderne, 2 vol., 2006-2013 (allemand 1992-2004).
  • Aubert, Jean-François; Mahon, Pascal: Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003.
  • Kreis, Georg (éd.): Erprobt und entwicklungsfähig. Zehn Jahre neue Bundesverfassung, 2009.
  • Kley, Andreas: Geschichte des öffentlichen Rechts der Schweiz, 2011 (20152).
  • Schmid, Stefan G.: «Direkte Demokratie und dynamische Verfassung. Zum Wandel des Verfassungsverständnisses in der Schweiz im 19. Jahrhundert», in: Roca, René; Auer, Andreas (éd.): Wege zur direkten Demokratie in den schweizerischen Kantonen, 2011, pp. 23-52.
  • Seferovic, Goran: Das Schweizerische Bundesgericht 1848-1874. Die Bundesgerichtsbarkeit im frühen Bundesstaat, thèse de doctorat, Université de Zurich, 2011.
  • Kley, Andreas: Verfassungsgeschichte der Neuzeit. Grossbritannien, die USA, Frankreich und die Schweiz, 20204, pp. 211-214, 431-512 (avec textes des Constitutions).
Liens

Suggestion de citation

Andreas Kley: "Constitution fédérale", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 29.06.2023, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009811/2023-06-29/, consulté le 19.03.2024.