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Fribourgcanton

Canton de la Confédération suisse depuis 1481. En allemand Freiburg, en italien Friburgo, en romanche Friburg. Situé à la frontière des langues, Fribourg est composé des districts francophones de la Sarine, la Glâne, la Gruyère (avec la commune alémanique de Jaun/Bellegarde), la Veveyse, la Broye, de celui bilingue du Lac et de celui germanophone de la Singine.

Armoiries du canton de Fribourg
Armoiries du canton de Fribourg […]
Carte oro-hydrographique du canton de Fribourg avec les principales localités
Carte oro-hydrographique du canton de Fribourg avec les principales localités […]

La «Ville et République de Fribourg» englobant la ville de Fribourg et les Anciennes Terres, fixa pour l'essentiel ses limites, par achats, conquêtes ou conventions, aux XVe et XVIe siècles (comté de Gruyère). Elle posséda avec Berne les bailliages communs de Morat, Grandson, Orbe-Echallens et Grasbourg. Sous la République helvétique, Fribourg comprit les districts d'Avenches et de Payerne, restitués en 1801 au canton du Léman (futur canton de Vaud). Morat ne devint définitivement fribourgeois qu'en 1803. Rattaché aux cantons de Berne en 1527, de Fribourg en 1798, de Berne en 1807, Clavaleyres est à nouveau fribourgeois depuis sa fusion dans la commune de Morat en 2022. L'acte de dotation de 1803 consacra la séparation de la Ville et de l'Etat, mais la ville demeura le chef-lieu du canton. L'allemand fut la langue du gouvernement de 1483 à 1798. De 1798 à 1856, bilinguisme de fait: le français (1798-1814, 1831-1856) ou l'allemand (1814-1830) était la langue du gouvernement et les textes officiels étaient traduits dans l'autre langue. De 1857 à 1990, le français et l'allemand étaient langues officielles, mais la version française faisait foi. Depuis 1991, français et allemand sont à égalité (les deux textes étant originaux).

Structure de l'utilisation du sol dans le canton de Fribourg

Superficie (2014)1 671,4 km2 
Forêt / surface boisée454,7 km227,2%
Surface agricole922,6 km255,2%
Surface bâtie155,3 km29,3%
Surface improductive138,8 km28,3%
Structure de l'utilisation du sol dans le canton de Fribourg -  Statistique suisse de la superficie

Le territoire du canton fait partie du Moyen Pays ou Plateau et des Préalpes (Alpes fribourgeoises). Traversé par la Broye, la Glâne, la Sarine et la Singine (bassin du Rhin) et par la Veveyse (bassin du Rhône), il touche aux lacs de Neuchâtel et de Morat.

Population et économie du canton de Fribourg

Année 18501880a1900195019702000
Habitants 99 891114 994127 951158 695180 309241 706
En % de la population suisse4,2%4,1%3,9%3,4%2,9%3,3%
Langue       
Français  79 31687 353104 312108 663152 766
Allemand  35 70538 73852 27758 44870 611
Italien  3241 6791 4407 1733 100
Romanche  10189286131
Autres  451635745 93915 098
Religion, Confession       
Catholiquesb 87 75397 113108 440136 959154 677170 069
Protestants 12 13318 13819 30521 00324 08436 819
Catholiques-chrétiens    5443162
Autres 5149206679150534 656
dont communauté juive 5104167179177138
dont communautés islamiques      7 389
dont sans appartenancec      14 500
Nationalité       
Suisses 98 556113 219123 579154 527163 503206 182
Etrangers 1 3351 7754 3724 16816 80635 524
Année  19051939196519952001
Personnes activesSecteur primaire 48 55751 70216 45412 833d11 951d
 Secteur secondaire 16 67114 56628 53531 07529 951
 Secteur tertiaire 8 3109 89520 41461 69065 938
Année  19651975198519952001
Part au revenu national 2,1%2,4%2,5%2,7%2,7%

a Habitants et nationalité: population résidante; langue et religion: population «présente»

b Y compris les catholiques-chrétiens en 1880 et 1900; depuis 1950 catholiques romains

c N'appartenant ni à une confession ni à un groupe religieux

d Chiffres des recensements des exploitations agricoles 1996 et 2000

Population et économie du canton de Fribourg -  Recensements fédéraux; Statistique historique de la Suisse; Office fédéral de la statistique

De la Préhistoire à la fin du haut Moyen Age

Du Paléolithique à La Tène

Près du lac de Lussy (commune de Châtel-Saint-Denis), le campement magdalénien (vers 13'500 av. J.-C.) est le plus ancien site connu du canton (Magdalénien). Le Mésolithique (8200-5500 av. J.-C.) est représenté par l'abri sous falaise d'Arconciel et par trois ensembles situés dans les Préalpes entre 1000 et 1500 m: la vallée du Petit-Mont et le vallon du Gros-Mont (commune de Val-de-Charmey) et la vallée de l'Euschels (commune de Bellegarde), où l'on a recensé des haltes de chasse et un abri sous roche. Des concentrations de microlithes, repérées lors de prospections de surface (Haut-Vully-Joressant, Noréaz-Seedorf) ou fouillées méthodiquement (Morat-Ober Prehl), signalent la présence des derniers chasseurs-cueilleurs (cueillette) nomades dans des zones plus basses (500-600 m).

Les débuts de l'agriculture (5500-4000 av. J.-C.) sont encore mal connus, faute de gisements bien conservés. A partir de 4000 av. J.-C. (Néolithique), la documentation devient plus riche grâce aux habitats de hauteur (Guin-Schiffenen), mais surtout grâce à la conservation, en milieu humide, des vestiges des sites littoraux (stations littorales) explorés sur les rives des lacs de Neuchâtel (Delley et Portalban, Gletterens) et de Morat (Montilier, Greng). Les rives seront occupées durant un millénaire et demi, jusque vers 2450 av. J.-C., avant d'être délaissées durant plusieurs siècles, le niveau des lacs s'étant fortement élevé à la suite d'une perturbation climatique. Cette lacune dans la documentation est partiellement comblée par les recherches effectuées sur le relief vallonné situé en retrait des lacs, mis en évidence lors de la construction de l'autoroute entre Morat et Yverdon. On connaît de cette période du début de l'âge du Bronze (Bronze ancien-moyen, 2300-1500 av. J.-C.) des hameaux de plaine (Ried, Morat-Blancherie) et des habitats de hauteur (Ile d'Ogoz, Tinterin). Les coutumes funéraires sont caractérisées par des inhumations simples en fosse au Bronze ancien (Enney, Broc), des inhumations ou incinérations sous tumulus au Bronze moyen (Morat-Löwenberg, Châbles), des incinérations placées dans des urnes et déposées en pleine terre au Bronze récent (Vuadens). Quelques trouvailles isolées réparties dans l'ensemble du canton complètent la documentation parfois lacunaire de cette période. Au Bronze final (environ 1100-800), les sites lacustres connaissent un nouvel essor et développent un artisanat en bronze de grande qualité. On ne sait rien des rites funéraires liés aux stations lacustres, les nécropoles n'ayant pas été retrouvées. Les habitats de bords de lacs (stations lacustres) sont définitivement abandonnés peu après 850 av. J.-C., à nouveau après élévation du niveau de l'eau.

Quelques décennies plus tard débutera le premier âge du Fer ou civilisation de Hallstatt (800-450 av. J.C.), période connue par les habitats découverts à la suite des fouilles liées aux travaux de l'autoroute A1 dans la région de la plaine de la Broye, près d'Estavayer-le-Lac, et par le mobilier des tumulus (tombes à inhumation ou à incinération sous tertres), répartis sur l'ensemble du canton (Bois du Galm, Bois de Châtillon, Guin, Bulle). Ces vestiges sont le reflet d'une différenciation sociale de plus en plus marquée et d'un pouvoir politique de plus en plus fort. Les richesses sont aux mains de personnages puissants qui contrôlent les circuits commerciaux (la route de l'étain passerait par la vallée de la Sarine) et se procurent des produits de luxe méditerranéens. Les habitats de hauteur, probablement nombreux, sont encore mal connus (Châtillon-sur-Glâne). Le poignard en fer d'Estavayer-le-Lac ou la fibule en bronze d'origine étrusque de Font (Etrusques), trouvailles isolées, sont des pièces remarquables. L'époque de La Tène (second âge du Fer) est représentée pour les phases ancienne et moyenne (450 à 200 av. J.-C.) par l'habitat et l'atelier métallurgique (artisanat des métaux) de Sévaz, par des nécropoles (Chiètres, Gempenach, Gumefens), des tombes plates contenant des parures (sépultures féminines, torque en or de Châtonnaye) ou des armes (sépultures masculines). Pour La Tène finale (200 à 16 av. J.-C.), on ne sait pratiquement rien des rites funéraires, mais un site fortifié au moins est bien connu, celui du Mont Vully, qui pourrait bien être l'un des 12 oppida mentionnés par César dans la Guerre des Gaules.

Epoque romaine

Le territoire de l'actuel canton de Fribourg, en particulier la région de la vallée de la Broye, tire parti, pour son développement au cours des premiers siècles de notre ère, de la proximité d'Aventicum (Avenches). Ses multiples échanges avec le chef-lieu de la cité (civitas) des Helvètes, dont il dépend administrativement, contribuent à lui assurer un essor économique rapide. Il profite de la grande voie Martigny-Vindonissa, via Vevey, Oron, Payerne, Avenches et Soleure, de celle, secondaire, reliant Avenches à Yverdon et de plusieurs routes vicinales. L'amélioration du réseau routier (construction des ponts de Haut-Vully, de celui de Morens) favorise la romanisation du territoire.

Ces axes de circulation déterminent l'implantation des vici, agglomérations secondaires, ainsi que des villae. Seul vicus recensé, le bourg gallo-romain de Marsens-Riaz (Ier-IIIe s. apr. J.-C.) s'inscrit sur le tracé de l'axe de la Sarine, au débouché du domaine alpin (Gallo-Romains). Marché régional, le bourg partage ses activités entre artisanat (notamment travail du fer et accessoirement du bronze), commerce, agriculture et élevage. Il assure également l'hébergement des voyageurs et des pèlerins fréquentant le temple de tradition celtique (Celtes) consacré à Caturix, divinité helvète assimilée à Mars. A l'instar de ceux d'Estavayer-le-Gibloux et de Meyriez, ce sanctuaire indigène témoigne de la fidélité de la population envers les croyances de ses ancêtres malgré la propagation de la religion romaine et l'émergence de cultes exogènes (les dieux égyptiens Isis et Harpocrate).

Etablissement romain de Vallon, mosaïque de la venatio (chasse), période des empereurs Sévères, début IIIe siècle apr. J.-C. (Service archéologique de l'Etat de Fribourg).
Etablissement romain de Vallon, mosaïque de la venatio (chasse), période des empereurs Sévères, début IIIe siècle apr. J.-C. (Service archéologique de l'Etat de Fribourg). […]

Dans les campagnes, de grands domaines agricoles composent le paysage dès les premiers siècles apr. J.-C. On estime le nombre des villae à une centaine, leur densité étant plus forte près d'Aventicum. Se développant souvent au détriment du couvert forestier, elles privilégient, notamment dans leur partie résidentielle (pars urbana), l'utilisation de nouveaux matériaux de construction: mortier, terre cuite (tuilerie à Courgevaux), verre à vitre. En plein essor, l'importation de pierres destinées à l'habillage des constructions (calcaire du Jura, marbres de provenances diverses) complète l'offre des gisements locaux (carrières localisées à Châbles, Bösingen, Gruyères-Epagny). Quelques villae sont de véritables palais (Bösingen, Cormérod, Ferpicloz, Morat, Riaz): mosaïques (scènes de chasse dans un amphithéâtre et Bacchus découvrant Ariane endormie à Vallon, Thésée terrassant le Minotaure à Cormérod), peintures murales et bronzes figurés (plusieurs fragments de grande statuaire en bronze à Arconciel) témoignent de la richesse d'une minorité. Caractérisée par des constructions plus modestes, la zone d'exploitation (pars rustica) des villae multiplie les infrastructures nécessaires à la production: greniers, étables, granges, forges, celliers, fumoirs, séchoirs (Ursy) ainsi que les logements du personnel, de condition libre ou servile. Foyers de romanisation, ces établissements modifient profondément l'économie rurale en organisant systématiquement les campagnes et leur exploitation. Les progrès agronomiques permettent un meilleur rendement des emblavures (apparition du seigle) et une amélioration qualitative des cheptels grâce à des pratiques sélectives. De nouvelles variétés d'arbres sont introduites (noyer, châtaignier).

Aux abords des habitats se regroupent les nécropoles qui présentent parfois des aménagements particuliers: enclos funéraire (Arconciel), mausolées (Domdidier, Vallon). Les modes de sépultures varient; à l'incinération prévalant durant les deux premiers siècles succède l'inhumation. Dès le milieu du IIIe siècle apr. J.-C., les établissements gallo-romains se raréfient. La crise de l'Empire, ses mutations socio-économiques et l'insécurité engendrée par les incursions germaniques (Germains) expliquent l'étiolement de la majorité des sites.

Haut Moyen Age

Entre les invasions alémanes (Alamans, 275-277), le départ des légions romaines (401) et la fondation de l'abbaye d'Hauterive (1138) et de la ville de Fribourg, l'histoire du territoire fribourgeois est très mal connue. A Morat et Vallon, de simples bâtiments ont été construits dans les ruines des grandes villae, faits de matériaux de réemploi et de bois. A plusieurs reprises, des ruines romaines ont été utilisées pour des inhumations, ce qui laisse supposer que la population gallo-romaine habitait toujours dans les environs. Les toponymes (curtis, -acum) indiquent une continuité. A ce jour, aucune fouille n'a permis de prouver que des Burgondes, installés en 443 dans la Sapaudia (région du Léman), ont vécu sur sol fribourgeois. Si l'on peut confirmer l'origine germanique de quelques individus par l'anthropologie, les tombes par contre présentent une unité culturelle romane (visible dans le costume) de l'Aar à la Bourgogne et à la Franche-Comté. Des Alamans s'infiltrent dans la région et, dès les VIIe et VIIIe siècles, germanisent le nord-est du canton actuel et s'installent dans le sud-est en défrichant. Ils traversent occasionnellement la Sarine.

Nécropole mérovingienne de Riaz/Tronche-Bélon, fibule discoïdale en or et fibules en forme de cheval en argent de la tombe de femme 131 (Service archéologique de l'Etat de Fribourg).
Nécropole mérovingienne de Riaz/Tronche-Bélon, fibule discoïdale en or et fibules en forme de cheval en argent de la tombe de femme 131 (Service archéologique de l'Etat de Fribourg).

Quoique affaibli, le mode de vie gallo-romain se poursuit, permettant de consolider la christianisation dont les témoignages se multiplient au cours du VIe siècle. Celle-ci touche aussi durablement les campagnes, le mouvement de mission partant probablement encore d'Avenches. L'église paroissiale de Domdidier, d'abord église funéraire, est bâtie sur l'emplacement d'un mausolée de la nécropole romaine située le long de la grande route d'Aventicum. Des memoriae (chapelles funéraires) du Bas-Empire sont à l'origine des églises de Vallon/Carignan, Lully et Font. Les premiers sanctuaires de Tours (commune de Montagny), Villaz-Saint-Pierre et Bösingen sont érigés dans les ruines de villae. On trouve un cimetière dans celles du temple gallo-romain de Riaz. A Carignan (commune de Vallon), un baptistère du Bas-Empire est attesté, ce qui pose le problème de la relation de cette église avec le siège épiscopal d'Avenches tout proche. Carignan et les églises primitives de Surpierre, Tours, Font et Treyvaux sont situées très à l'écart des villages qu'elles desservent; à Belfaux en revanche, des maisons et bâtiments utilitaires (fonds de cabanes) du premier millénaire se trouvent tout près de l'église (VIe/VIIe s.) et du cimetière. Le plan de ces églises est semblable à celui des sanctuaires contemporains de Suisse romande et des localités de castra du Bas-Empire, situées le long de l'Aar et du Rhin. L'existence d'autres églises primitives est soit déduite du nom de leur patron, soit documentée par des textes, mais le tout n'éclaire en rien l'organisation ecclésiastique de l'époque. Lorsqu'elles n'étaient pas bâties à l'emplacement de nécropoles mérovingiennes, les églises ont attiré près d'elles de nouveaux cimetières, d'où l'abandon des anciens lieux de sépulture.

La majorité des trouvailles archéologiques concerne l'époque qui suit l'annexion du premier royaume de Bourgogne par les Francs (534) et la création d'un royaume franc de Bourgogne en 561 (roi Gontran). Des tombes contenant des armes, de type franc plus que roman, reflètent cette situation politique. Les motifs chrétiens isolés ne permettent aucune déduction sur la piété de l'époque. Excepté les bâtiments de Belfaux, du haut Moyen Age, aucun site habité n'a été repéré sur le terrain.

Histoire politique du Moyen Age à la fin du XVIIIe  siècle

Structures seigneuriales et ecclésiastiques médiévales

Second royaume de Bourgogne et Saint-Empire

L'empire carolingien est une dernière fois réunifié sous l'empereur Charles le Gros. Après sa mort (888), la Suisse occidentale fait partie d'un nouveau royaume de Bourgogne créé par le Guelfe Rodolphe Ier (Guelfes). Les domaines des souverains rodolphiens dans lesquels ils séjournaient sont situés sur les marges de l'actuel canton (Font, Payerne, Cudrefin, Morat/Montilier, Chiètres, Bümpliz, Lutry et Vevey); aucun n'est mentionné dans les territoires situés entre la Sarine et la Glâne. Les délimitations des différents pagi («pays», en allemand Gau) sont à peine saisissables, de même que les territoires administrés pour le roi par des comtes. L'évêque de Lausanne (le diocèse englobait tout le futur canton) reçoit en 1011 des droits (droits de justice, redevances, monnaie) dans le «comté de Vaud». Riaz et Bulle (héritière du vicus romain?) ainsi qu'Albeuve sont terres de l'évêque.

Après la mort du roi Rodolphe III (1032), l'empereur germanique Conrad II fait valoir ses droits sur le royaume de Bourgogne, qui est désormais rattaché au Saint Empire, d'où l'influence de familles de langue allemande pendant le siècle qui suit. Un Lenzbourg devient évêque de Lausanne. Rodolphe de Rheinfelden, duc de Souabe dès 1057, est apparemment comme tel chargé de l'administration de la Bourgogne et dispose de biens et de droits liés à cette fonction jusqu'en 1077, lorsqu'il est élu empereur (anti-roi) contre Henri IV. L'évêque de Lausanne Burcard d'Oltigen, fidèle à Henri IV, combat Rodolphe de Souabe avec vigueur. En récompense, il obtient en 1079 des droits et des biens entre la Sarine, le Léman et les Alpes, Cugy et Morat étant probablement dans le lot. En 1082, le comte Conon, sans doute son frère, reçoit d'Henri IV, à l'instigation de l'évêque, le château fort et la seigneurie d'Arconciel en Ohtlannden; c'est l'occurrence la plus ancienne du nom Uechtland (en français Nuithonie). L'évêque demande aussi que son beau-frère, le comte Renaud II de Bourgogne (époux de Regina d'Oltigen), puisse agrandir ses possessions à l'est du Jura. Le fils de Renaud, Guillaume II l'Allemand (Guillaume III dans l’historiographie allemande), reçoit le riche héritage de son grand-père Conon d'Oltigen (von Oltigen). Il peut s'appuyer, dans les territoires situés vers la Sarine et la Glâne, sur les seigneurs de Glâne; ceux de Belp, futurs seigneurs de Montagny, font partie de son entourage. Dans le sud du canton apparaît en Gruyère le comte Wilerius (avant 1085), ainsi qu'un seigneur de Fruence (1095). Des ancêtres des Blonay représentent vraisemblablement l'abbaye de Saint-Maurice à Attalens. La maison de Savoie commence son ascension dans la région du haut Léman: Humbert aux Blanches Mains, partisan de l'empereur Conrad II en 1032, s'est installé dans le Chablais. Le comte Gérold de Genève ne se soumet qu'en 1045 contre de larges concessions impériales, ce qui fonde l'influence et les possessions de cette maison dans toute la Suisse occidentale, jusque dans la région du Vully.

Deux prieurés clunisiens sont créés dans le dernier quart du XIe siècle dans des zones de défrichement proches de la frontière cantonale actuelle: Rougemont (dès 1073) et Rüeggisberg (vers 1075). Celui de Villars-les-Moines est offert à Cluny en 1080 en signe d'expiation (clunisiens). Pour reconstruire la puissante abbatiale de Payerne à la même époque, il faut aussi faire appel à des ressources provenant de territoires qui deviendront fribourgeois par la suite.

L'entrée en scène des Zähringen

C'est au couvent de Payerne que le comte de Bourgogne Guillaume III l'Enfant (Guillaume IV selon la numérotation allemande), fils de Guillaume II (Guillaume III selon la tradition allemande) et d'Agnès de Zähringen, est assassiné en 1127 avec sa suite, dont faisaient partie Pierre et Ulrich de Glâne. Les candidats à sa succession sont les membres de la branche cadette de la maison comtale de Bourgogne et l'oncle du jeune comte, le duc Conrad de Zähringen, d'une famille de Souabe. C'est le deuxième gros héritage qu'allait faire cette maison en Bourgogne. En 1090 déjà, après la mort de Berthold de Rheinfelden, fils de l'anti-roi Rodolphe, ses biens situés près de Berthoud avaient passé à sa sœur Agnès et à l'époux de celle-ci, Berthold II de Zähringen. Cela avait aussi été la raison de l'alliance matrimoniale avec les comtes de Bourgogne, anciens adversaires et voisins des Rheinfelden.

L'empereur Lothaire III accepte les prétentions des Zähringen sur l'héritage de Bourgogne. Plus encore, il nomme Conrad de Zähringen recteur de Bourgogne (région allant jusqu'à la région d'Arles et équivalant à l'ancien royaume de Bourgogne). Conrad toutefois se heurte, à l'est du Jura, au comte Amédée Ier de Genève. Après un combat judiciaire perdu par Amédée en 1132, la médiation de Bernard de Clairvaux aboutit à un accord en 1133: Conrad se limite à la région de l'Aar et Amédée conserve sa suprématie plus à l'ouest. Les couvents cisterciens de Hautcrêt et d'Hauterive sont fondés peu après, le premier entre 1132 et 1143, le second entre 1134 et 1138 par une donation de Guillaume de Glâne qui, après les événements de 1127 et 1132, renonce à ses biens et devient moine (cisterciens). Vers 1136/1137, les prémontrés fondent Humilimont, à l'origine couvent double, doté par les seigneurs de Corbières et les comtes de Gruyère.

En 1152 s'ouvre pour Berthold IV de Zähringen, dont le père Conrad vient de mourir, la perspective d'un duché: une expédition en Bourgogne et en Provence est prévue avec le nouvel empereur, Frédéric Ier Barberousse. Le plan échoue, Frédéric épouse la fille du dernier comte de Bourgogne, s'attribuant ainsi l'héritage; mais il dédommage le Zähringen en lui accordant l'investiture des régales dans les diocèses de Genève, Sion et Lausanne. Berthold IV ne renonce pas à son but, installer son pouvoir à l'est du Jura; il fonde pour cela, en 1157, la ville de Fribourg dans une boucle de la Sarine.

De la ville des Zähringen au canton suisse (1157-1481)

La fondation de la ville permet à Berthold IV de Zähringen de tirer parti de possibilités jusque-là inexploitées (marché, voies de communication, défrichements) de la région. Il renonce par contre à s'introduire dans les structures politiques existantes de la région Léman-Broye. Sans doute l'exemple du comte de Genève Amédée Ier lui est-il utile: celui-ci avait tenté de mettre le pied à Lausanne et entrepris d'y construire une tour, mais avait dû y renoncer devant la résistance de l'évêque. Berthold garantit à ce dernier et aux couvents de Hautcrêt et d'Hauterive que la fondation de Fribourg n'est pas dirigée contre leurs intérêts. Avant 1162, il cède au comte de Genève les droits qu'il détient à Genève et concentre son pouvoir là où il est assuré de réussir. La construction et la rapide croissance de la ville de Fribourg ne sont pas imaginables sans une participation importante des propriétaires des environs, des deux côtés de la frontière des langues. Les droits accordés aux futurs bourgeois conduisent ces propriétaires à s'installer en ville où arrivent en outre commerçants et artisans. Les guerres qui se déroulent vers 1200 (soulèvement bourguignon contre le duc Berthold V, guerre entre le comte de Genève et l'évêque de Lausanne, guerre entre les Zähringen et le comte Thomas de Savoie) mettent à mal la vallée de la Broye et la Gruyère, mais semblent avoir épargné la ville de Fribourg.

Les troupes de Berne et de Fribourg en route pour une campagne contre la Savoie en 1308, illustration de la Spiezer Chronik (1485) de Diebold Schilling (Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Mss.h.h.I.16, p. 149).
Les troupes de Berne et de Fribourg en route pour une campagne contre la Savoie en 1308, illustration de la Spiezer Chronik (1485) de Diebold Schilling (Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Mss.h.h.I.16, p. 149). […]

Après la mort de Berthold V et l'extinction de la dynastie en 1218, son neveu Ulrich III de Kibourg hérite des droits et des biens en Suisse occidentale. L'empereur Frédéric II reprend par contre le rectorat de Bourgogne et attribue la ville de Berne à l'Empire, le Staufen ne voulant pas que le Kibourg devienne trop puissant. C'est ainsi que la partie occidentale des biens Zähringen – et donc Fribourg – est séparée de Berthoud et de Thoune; c'est, outre leur proximité, l'une des causes de la rivalité entre Berne et Fribourg. Lors de la lutte pour le pouvoir entre les partisans des Staufen, l'évêque de Lausanne, les comtes de Genève et de Savoie, la ville de Fribourg soutient depuis 1248 son seigneur, le comte de Kibourg. Cela lui vaut en 1249 la confirmation de ses franchises (Handfeste) et l'autorisation de s'étendre sur la rive droite de la Sarine en 1253 et 1254. La ville endure de 1251 à 1255 une guerre contre Pierre II de Savoie, qui avait soumis la noblesse des environs (Gruyère, Aarberg/Arconciel, Montagny, Corbières, Englisberg) et les places fortes de Moudon, Romont et Payerne. La mort d'Hartmann V de Kibourg en 1263 amène un nouveau changement. Fribourg se place sous la protection du comte Rodolphe de Habsbourg, le futur empereur. Rodolphe et le comte Pierre II de Savoie se disputent l'héritage des Kibourg («guerre des comtes»). La ville est assiégée par Pierre sans succès en 1266. Les décennies qui suivent voient se succéder guerres et faides. Les Habsbourg, les comtes de Savoie et leur branche cadette, les seigneurs de Savoie-Vaud, en sont les acteurs les plus importants, mais non les seuls. La ville de Fribourg s'efforce dès lors de conclure des accords avec les villes voisines pour garantir la sécurité des routes et pour arbitrer les conflits: elle signe des traités avec Avenches (1239, 1270), Berne (peut-être en 1218 déjà, accord renouvelé en 1243 et 1271), Morat (1245, 1293), Payerne (1249, renouvellement d'alliance), Laupen (vers 1250/1260, renouvelé en 1294). Devenu empereur, Rodolphe de Habsbourg impose en 1277 aux héritiers endettés des Kibourg la vente de la ville de Fribourg à ses fils. Il mène contre la maison de Savoie un combat pour défendre les droits de l'Empire, avec pour objectif la mainmise sur Arles, le contrôle des cols du Jura (Jougne, Faucille) et la domination de sa maison en Suisse occidentale. Le motif d'une attaque contre Berne en 1298, menée par la ville de Fribourg, Louis Ier de Savoie-Vaud et probablement d'autres alliés, n'est pas clair; l'opération échoue (défaite d'Oberwangen).

Malgré d'autres défaites contre Berne (guerre de Gümmenen en 1331, guerre de Laupen en 1339), Fribourg peut consolider sa position au XIVe siècle et dominer durablement les petites villes voisines. L'exemption des tribunaux d'Empire pour les sujets des Habsbourg est accordée en 1361. En 1363, l'archiduc Rodolphe IV d'Autriche confirme les privilèges de la ville en s'appuyant sur l'autorité impériale. La localité domine son arrière-pays grâce à ses plus riches bourgeois et elle achète le Haut-Simmental et des territoires dans le Seeland. Après la guerre de Sempach (1386), Fribourg doit céder ces acquisitions à Berne: sa fidélité aux Habsbourg, seigneurs lointains, la désavantage et c'est Berne qui devient une puissance régionale. Fribourg opte alors pour une politique d'amitié avec sa voisine. La combourgeoisie perpétuelle de 1403 privilégie l'alliance entre les deux villes, aux dépens de leur seigneur respectif (empereur, Habsbourg). En 1405, Fribourg envoie des secours à Berne, victime d'un grand incendie. Fribourg signe aussi un traité avec la Savoie et Berne, qui traduit son éloignement de la maison d'Autriche. Suivent dans la même ligne une action commune en Valais (1414-1420), l'aide fournie lors de la conquête de l'Argovie autrichienne (1415) et l'achat de la seigneurie de Grasbourg (1423), premier bailliage commun des deux républiques. L'économie florissante des années suivantes permet à la ville d'imposer sa domination sur les Anciennes Terres, en particulier par l'achat des fiefs impériaux des comtes de Thierstein.

Fribourg cherche à rester neutre lors de la guerre de Zurich (1436-1450). Elle se retrouve pourtant engagée dans un conflit dévastateur avec Berne et la Savoie, la politique internationale menant à l'escalade des conflits juridiques, à des escarmouches et des guerres privées. Après la paix de Morat (1448) qui lui est imposée, la ville se retrouve financièrement épuisée, politiquement déchirée et confrontée au soulèvement des campagnes, accablées par les impôts exigés par la guerre. La tentative d'apaisement, menée tardivement (1449) par l'archiduc Albert VI d'Autriche, ne règle pas la situation. En 1452, Fribourg se sépare de la maison d'Autriche et se soumet à celle de Savoie, qui la libère de ses dettes de guerre et élargit ses franchises. Berne, qui s'estime trompée, menace Fribourg d'une nouvelle guerre, puis opte en 1454 (renouvellement du traité de combourgeoisie) pour des relations d'amitié avec Fribourg. Cette dernière se rapproche des Confédérés au point de participer en 1460 à la conquête de la Thurgovie. La loyauté envers la Savoie est difficile à respecter, à cause de dettes non payées et de la création de la seigneurie de Romont, apanage de Jacques de Romont, frère du duc Amédée IX et voisin menaçant. Quant à l'Autriche, elle ne renonce formellement à Fribourg qu'en 1474 lorsqu'elle signe la Paix perpétuelle.

Fribourgeois et Bernois devant Estavayer pendant les guerres de Bourgogne en octobre 1475. Illustration dans la copie de la Chronique confédérale de Werner Schodeler, réalisée en 1572 par Christoph Silberysen (Aargauer Kantonsbibliothek, Aarau, MsWettF 16: 2, fol. 130r; e-codices).
Fribourgeois et Bernois devant Estavayer pendant les guerres de Bourgogne en octobre 1475. Illustration dans la copie de la Chronique confédérale de Werner Schodeler, réalisée en 1572 par Christoph Silberysen (Aargauer Kantonsbibliothek, Aarau, MsWettF 16: 2, fol. 130r; e-codices). […]

Lors des guerres de Bourgogne, l'intérêt de Fribourg n'est ni de devenir l'adversaire de Berne, ni de voir Charles le Téméraire l'emporter. Malgré l'inclination des dirigeants pour les pays «romans», liée à leur parenté de culture et de langue, la ville choisit le camp bernois contre la Bourgogne et la Savoie. Les sujets du comte de Gruyère suivent le mouvement, tout comme les localités de Bulle, Riaz et La Roche, possessions épiscopales. Le comte de Gruyère lui aussi, quoique vassal du duc de Savoie, fait de même. Des actions dans la région du Haut-Léman, dans lesquelles sont largement impliqués des hommes de Fribourg et de la Gruyère, précèdent la victoire de Morat (22 juin 1476). La duchesse Yolande de Savoie renonce en 1477 à ses droits sur Fribourg et la ville obtient l'immédiateté impériale. En 1481, lors du convenant de Stans, Fribourg est autorisée à entrer dans la Confédération, malgré la résistance des cantons campagnards et avec l'appui de Berne. Elle n'obtient toutefois pas les mêmes droits que les anciens cantons. Elle ne peut conclure d'alliance sans l'accord des Confédérés et ne bénéficie pas sans autre de leur aide militaire si elle est attaquée (Soleure est du reste admise aux mêmes conditions).

Commune et formation territoriale

Aucun document ne donne le texte des droits urbains que le duc Berthold IV de Zähringen accorda à la ville lors de sa fondation, mais ces derniers forment probablement le noyau de la Handfeste confirmée en 1249 par Hartmann IV et Hartmann V de Kibourg, à une époque d'expansion urbaine et d'essor économique. Selon ce texte, les bourgeois ont le droit de choisir l'avoyer et le curé, droit qui leur sera enlevé par les Habsbourg de 1289 à 1308. L'avoyer est à la tête de 24 jurés, le Petit Conseil. Selon une ordonnance que la ville promulgue en 1347, les fonctions de l'avoyer, du Petit Conseil, du Conseil des Deux-Cents, du trésorier et du bourgmestre (responsable de la police) sont repourvues chaque année à la Saint-Jean-Baptiste (24 juin). Les élections sont préparées par les trois bannerets le dimanche précédent (appelé plus tard «dimanche secret» ou Heimlicher Sonntag). Chaque banneret, à la tête de l'un des trois quartiers de la ville, réunit 20 bourgeois, donc 60 personnes au total (futur Conseil des Soixante). Une ordonnance de 1392 donne en outre aux bannerets le pouvoir de convoquer les participants à l'assemblée des bourgeois, la veille du 24 juin. Celle-ci se réunit d'abord dans l'église Notre-Dame, puis, dès 1404, dans celle des franciscains. L'évolution constitutionnelle culmine en 1404 avec la Lettre des bannerets qui exclut de cette charge la noblesse au profit des «gents de commun». Ce texte est juré chaque 24 juin par les bourgeois. En 1406, l'administration des Anciennes Terres est confiée aux bannerets, désormais quatre (aux quartiers du Bourg, de l'Auge et de l'Hôpital s'est ajouté celui de la Neuveville), qui sont aussi les chefs de la milice. Cette «constitution», augmentée d'une interdiction de toute émeute en 1407, restera en vigueur jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.

Le Petit Conseil est aussi, jusqu'à la fin du Moyen Age, le tribunal suprême, dont les pouvoirs s'étendent au détriment de ceux d'autres cours. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Fribourg, comme les autres terres des Habsbourg, est exemptée de la justice d'Empire; au début du XVe, elle ne relève pas non plus de la justice ecclésiastique (officialité), sauf pour les causes matrimoniales et l'hérésie. Pourtant, si l'on en croit le «Livre noir», le tribunal du Conseil juge aussi, à la fin du XVe siècle, les cas de blasphème, de sodomie et de sorcellerie. Le droit de la ville est appliqué dans les Anciennes Terres; Morat, Estavayer-le-Lac et Bulle suivent la coutume de Lausanne, tout le reste du canton actuel (Broye, Veveyse et Gruyère) celle de Moudon. Des tribunaux dans les bailliages ne seront établis qu'au début du XVIe siècle. Sur le plan pénal, la Caroline sera adoptée en 1541.

Durant la longue domination habsbourgeoise sur la ville (1277-1452), Fribourg obtient de facto le statut de ville d'Empire, l'intérêt des Habsbourg s'étant déplacé plus à l'est. C'est seulement lorsque la politique habsbourgeoise retrouve de l'intérêt pour les Pays antérieurs que l'élection de l'avoyer par les Fribourgeois doit à nouveau être approuvée (ce fut le cas en 1436 et 1439) et que l'empereur Frédéric III, un Habsbourg, visite la ville en 1442.

Développement territorial de Fribourg jusqu'en 1555
Développement territorial de Fribourg jusqu'en 1555 […]

Son statut de sujette et la rivalité de Berne empêchent Fribourg de se constituer un territoire important. Ses premières acquisitions dans le Simmental et le Seeland (Laubegg et Mannenberg, Nidau, Büren et l'Inselgau, 1378-1382) doivent être cédées en 1398 à Berne après la guerre de Sempach (1386-1388). Au XVe siècle, Fribourg réussit juste à arrondir les Anciennes Terres par l'achat des fiefs des Thierstein (1418/1442) et à acquérir avec Berne Grasbourg (1423). Il lui faut attendre les guerres de Bourgogne pour se constituer un territoire sujet: elle conquiert seule les seigneuries d'Everdes et Arconciel-Illens (y compris Planfayon) et, avec Berne, Morat, Grandson, Echallens et Orbe, futurs bailliages communs. Elle achète Montagny (1478), Pont (1483), Estavayer (un tiers, 1488), Bellegarde (1502/1504), Wallenbuch (1505-1521), Font (1520) et Corserey (1526). A l'occasion de la conquête du Pays de Vaud (1536), elle prend possession d'Estavayer, de La Molière, Vallon, Delley, Saint-Aubin et Surpierre, de Romont, Rue, Châtel-Saint-Denis, Attalens et Bossonnens, Vaulruz et Vuippens, mais, contrairement à Berne, n'arrive pas jusqu'au lac Léman. En 1537, c'est le tour de La Roche, Riaz, Bulle et Albeuve, possessions de l'évêque, ainsi conservées au catholicisme. En 1555 enfin, elle acquiert lors de la faillite du dernier comte de Gruyère le territoire s'étendant de Montbovon à La Tour-de-Trême, Berne obtenant le reste du comté. La rivalité avec Berne conduit donc Fribourg à se tourner pour ses conquêtes à l'ouest et au sud; mais, paradoxalement, elle ne devient maîtresse de ces bailliages, où l'on parle français, qu'après son entrée dans la Confédération et son choix de l'allemand comme langue officielle.

Dès le XIIIe siècle, sa position géographique entre Berne et la Savoie a valu à Fribourg d'être impliquée dans de nombreux conflits. Il faut la fin de la sujétion de la ville à un seigneur et l'entrée dans un système d'alliances supérieur pour régler le dilemme dans lequel la ville s'est trouvée depuis l'extinction des Zähringen en 1218.

L'Etat, le gouvernement et l'administration sous l'Ancien Régime

Canton depuis peu (1481), Fribourg choisit au moment de la Réforme de rester fidèle à l'ancienne foi. Cette décision influence son histoire pour plusieurs siècles. L'Ancien Régime fribourgeois se divise en deux phases: aux turbulences et mutations du XVIe siècle générées par les ferments de la Renaissance et les réactions à la Réforme (1524-1602) succède la longue accalmie du Patriciat (1602-1798).

La Contre-Réforme (1524-1602)

A Fribourg comme dans d'autres pays catholiques, la Contre-Réforme, soit la stratégie politique des autorités face à la Réforme, diffère de la Réforme catholique ou ensemble des mesures prises par les instances civiles et ecclésiastiques dans le domaine proprement religieux. Les interférences sont toutefois évidentes.

Bannière fribourgeoise de Jules II. Etoffe damassée au motif de grenade et francs-quartiers brodés de soie, de fils d'or et d'argent, fabrication italienne, 1512 © Musée d'art et d'histoire Fribourg.
Bannière fribourgeoise de Jules II. Etoffe damassée au motif de grenade et francs-quartiers brodés de soie, de fils d'or et d'argent, fabrication italienne, 1512 © Musée d'art et d'histoire Fribourg. […]

La Contre-Réforme fribourgeoise, qui instaure un catholicisme d'Etat, frappe par sa précocité. Sitôt connue la bulle d'excommunication lancée par Rome contre Luther (1521), Fribourg menace de bannissement quiconque parlerait du réformateur. Puis, dans la foulée des Diètes de 1522 et 1524 (la première condamne Zwingli et les «innovations» de Zurich, la seconde décide de rester fidèle à l'ancienne foi), Fribourg, pourtant partagée entre partisans et adversaires de la Réforme, prend une mesure spectaculaire: en 1524, le gouvernement impose la profession de foi catholique à toute la population du canton, les récalcitrants étant contraints à l'exil. La Réforme progressant en Suisse et en Europe, la procédure de la profession de foi est répétée dans chaque paroisse durant tout le siècle et au-delà. Elle prend même parfois un caractère particulièrement solennel: en 1542, la classe politique, par appel nominal, jure en la collégiale de Saint-Nicolas de conserver la «vraie foi chrétienne».

Documents et témoignages sont muets pour expliquer la rapidité et la détermination avec lesquelles Fribourg réagit, avant même que ses voisins bernois, neuchâtelois (Neuchâtel) et vaudois n'adoptent la nouvelle foi. Restent les hypothèses. Si les dirigeants fribourgeois prennent les devants et tiennent au statu quo, c'est qu'ils y ont intérêt. Au début du XVIe siècle, les liens politiques de Fribourg avec la papauté sont en effet étroits, même après la mort des artisans de ces relations privilégiées, Jules II en 1513 et l'avoyer Pierre Falck en 1519. Entrée récemment dans l'alliance helvétique, Fribourg se doit aussi de donner des gages de loyauté. Il n'est pas rare non plus que le pouvoir temporel empiète sur le pouvoir spirituel, en l'occurrence celui de l'évêque de Lausanne. Enfin et surtout, le service capitulé est devenu un enjeu économique pour un canton qui a cessé d'être un haut lieu de l'industrie du drap. Or Zwingli milite pour l'abolition du service étranger ou capitulé, pour lui pur et simple mercenariat.

Si la politique intérieure est marquée par son opposition active à la Réforme, c'est de résistance passive qu'il faut parler en matière de politique extérieure. Les relations de voisinage dictent la ligne de conduite du gouvernement, régie par deux principes: la coexistence avec Berne et, en conséquence, la non-ingérence réciproque dans les affaires intérieures. Leur respect de part et d'autre explique non seulement la fermeté de la politique religieuse fribourgeoise à l'intérieur, laquelle peut, à partir de 1555 (Diète d'Augsbourg) invoquer le principe impérial cujus regio, ejus religio, mais aussi l'absence d'affrontement armé entre les deux villes et la neutralité de Fribourg dans les guerres de religion en Suisse. Le système médiéval des combourgeoisies transcende l'antagonisme confessionnel du XVIe siècle.

De fait, le traité de combourgeoisie conclu en 1403 entre Fribourg et Berne n'est jamais formellement dénoncé. Son extension à Genève en 1526 est confirmée en 1530, soit après le passage officiel de Berne à la Réforme (1528). C'est que, pour Fribourg et pour Berne, Genève représente, en tant que débouché et transit, un axe majeur de leur politique commerciale. Pour l'une et l'autre, il importe que cet allié précieux ne tombe pas en possession de la Savoie ou de la France. De cet intérêt commun découle une synergie qui débouche en 1536 sur l'occupation militaire conjointe du Pays de Vaud et la répartition des terres conquises entre les deux cantons et, en 1555, sur le partage du comté de Gruyère.

Pour Fribourg, le résultat est paradoxal: l'agrandissement territorial est considérable, mais Fribourg est enclavé dans le canton de Berne, dès lors implanté sur les rives du Léman. L'insularité géographique et confessionnelle, donnée majeure de l'histoire fribourgeoise de 1536 à 1798, tend à générer chez ses dirigeants une mentalité obsidionale qui explique la fébrilité de la politique confessionnelle déployée au XVIe siècle. Quant à la diplomatie fribourgeoise, elle consiste à dissuader Berne de toute velléité d'agression, cela en nouant avec le monde catholique européen des liens étroits. C'est à Fribourg qu'est renouvelée en 1564 l'alliance de 1521 des Suisses avec le roi de France (alliances), comme y avait été conclue en 1516 la Paix perpétuelle entre François Ier et les cantons. La Saint-Barthélemy (1572) accroît fortement la tension en Suisse; celle-ci atteint son paroxysme dans les années suivantes, marquées par l'entrée de Fribourg dans les alliances avec la Savoie (1578), la Ligue d'Or (1586) et l'Espagne (1588). L'ouverture en 1579 d'une nonciature permanente à Lucerne et son rôle actif à Fribourg aggravent la situation. Puis, coup sur coup, la neutralité de Fribourg dans le conflit berno-savoyard (1589-1590) et le renouvellement de l'alliance française (1602) peu après l'édit de Nantes (1598) amorcent une détente souhaitée par une majorité de modérés, jusque-là contrariée par les tenants de l'alliance espagnole.

L'Ancien Régime (1602-1798)

Les impératifs politiques nés de la rupture confessionnelle au XVIsiècle favorisent la concentration du pouvoir dans les mains du patriciat et l'avènement de l'absolutisme aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le processus est particulièrement net à Fribourg.

Si le patriciat plonge ses racines dans le Moyen Age (Lettre des bannerets, 1404), il se mue en «vigoureuse oligarchie» (Gaston Castella) au début du XVIe siècle, à la faveur des mesures prises pour endiguer la Réforme. C'est en 1542 qu'apparaît le Conseil secret chargé de veiller à la sûreté de l'Etat, formé d'une dizaine de membres, semble-t-il sur le modèle vénitien du Conseil des Dix. Les quatre bannerets, qui y jouent un rôle central, président aussi un autre organe bientôt symbole de l'absolutisme, la Chambre secrète. Fille de la Contre-Réforme, la Chambre dispose notamment d'un pouvoir de «censure» (appelé grabeau en français, Pittlung en allemand) applicable à la vie publique et privée des magistrats. Ce redoutable instrument inquisitorial permet de dépister les idées nouvelles et d'en prévenir la diffusion.

Familles dominantes à Fribourg en 1763
Familles dominantes à Fribourg en 1763 […]
Système politique de Fribourg sous l'Ancien Régime
Système politique de Fribourg sous l'Ancien Régime […]

Le régime patricien s'institutionnalise en 1627, quand les «bourgeois secrets» s'autoproclament seuls éligibles aux fonctions publiques. En 1684, la fermeture quasi hermétique du Livre de la bourgeoisie réserve aux 77 familles dites régnantes (regimentsfähig) l'exclusivité du pouvoir. Le nombre de celles siégeant au Petit Conseil passe de 64 (1490-1520) à 32 (1700-1730). L'apathie, du moins apparente, de la «bourgeoisie commune» avalise l'ordre établi. Quant aux rivalités entre nobles et patriciens au sein des Conseils, elles ne libèrent aucune dynamique de réforme en profondeur. Seuls les troubles de 1781-1783 (soulèvement Chenaux) témoignent de la montée de forces sociales mues par de sérieuses ambitions politiques.

Le patriciat, dont l'autorité se veut de droit divin, gouverne selon le principe absolutiste «tout pour le peuple, rien par le peuple». La seule prérogative importante qu'il partage avec la bourgeoisie commune est le droit ancestral d'élire l'avoyer, le bourgmestre et le curé de ville. On relèvera que le peuple n'est jamais consulté quant à sa religion, même au plus fort de la crise du XVIe siècle: aucune dispute de religion n'a lieu à Fribourg et les professions de foi sont imposées d'autorité. Aucun scrutin populaire non plus en 1600 lors de l'introduction de la Municipale (Stadtrecht), important instrument d'unification juridique et administrative (administration) qui supplante peu à peu le réseau touffu des libertés, franchises et immunités médiévales.

Divisions administratives de Fribourg au XVIIIe siècle
Divisions administratives de Fribourg au XVIIIe siècle […]

Suzerain dès 1536 et 1555 d'un territoire truffé de seigneuries savoyardes, épiscopales et comtales, Fribourg restructure cet ensemble en 19 bailliages et s'applique, par une politique de centralisation, à en faire un tout cohérent. Au XVIIIe siècle, les Lumières patriciennes, dont le baron François-Joseph-Nicolas d'Alt de Tieffenthal est le phare, accentuent ce courant de rationalisation visant à faire du canton un Etat moderne. Revers de la médaille: foisonnement du personnel administratif, poids croissant de la fiscalité, interventionnisme tâtillon et parfois maladroit du pouvoir central. Quadrillage territorial, mouchardage et inévitables dérapages suscitent dans les communes et paroisses, jalouses de leur autonomie, un mouvement de résistance qui n'est pas étranger aux «troubles» (Unruhen) de 1781.

Lorsqu'en mai 1781, la ville de Fribourg, centre névralgique de tous les pouvoirs (politique, ecclésiastique, économique, culturel), est subitement assiégée par la campagne insurgée, Berne vient rapidement à la rescousse. Ce geste illustre la solidarité patricienne qui lie les deux républiques urbaines. Elle a été soudée par la guerre des Paysans de 1653, où les troupes fribourgeoises ont marché sous commandement bernois. Une telle inféodation explique sans doute la neutralité de Fribourg dans les deux guerres de Villmergen de 1656 et 1712, dont Berne est l'un des principaux protagonistes. Sous la responsabilité d'un Conseil de guerre depuis la fin du XVIe siècle, les troupes sont réorganisées à plusieurs reprises, particulièrement en 1611, 1631, 1668 et 1670 (pour répondre aux exigences du Défensional de Wil) et 1746. A la fin de l'Ancien Régime, Fribourg pouvait aligner environ 12'000 hommes.

Puissance de moyenne grandeur du Corps helvétique, Fribourg y joue un rôle fédérateur. C'est ainsi qu'en 1656 et 1712, le canton exploite avec succès le système de la médiation fédérale pour faire taire les armes entre catholiques et protestants (protestantisme). Dans l'un et l'autre cas, la diplomatie fribourgeoise de neutralité active s'avère efficace, d'où l'admiration des observateurs de l'époque. Elle seconde Berne pour instaurer dans l'espace helvétique une stabilité qui, au fil des décennies, transforme en coexistence pacifique le climat de guerre froide né du Trücklibund (1715). Dès le milieu du XVIIIe siècle (en 1749, lors de la conjuration de Henzi, Fribourg assure Berne de son appui), les relations entre les deux villes-Etats se développent fortement, ce dont témoigne le volume croissant de leur correspondance diplomatique.

Le réalisme de Fribourg se retrouve dans les relations que la Ville et République entretient avec les chancelleries européennes. Autriche, Espagne, France, Gênes, Etats de l'Eglise, Sardaigne, Savoie et Venise, autant de gouvernements catholiques avec lesquels Fribourg passe des traités et accords en tout genre, dans le souci premier de compenser son isolement confessionnel et sa position satellitaire vis-à-vis de Berne. Fribourg opte ainsi pour une stratégie de double loyauté dictée par son attachement à l'ancienne foi d'une part, de l'autre par ses liens ancestraux avec le voisin zähringien passé à la Réforme. Dans cette constellation, c'est la France, alliée perpétuelle des Suisses et grande puissance continentale, qui répond le mieux à ses objectifs: la politique royale – définie à Fribourg en 1516 et immuable depuis lors – consiste précisément à garantir l'intégrité du Corps helvétique et celle de ses membres. C'est tout compte fait à l'influence française que Fribourg doit la réussite de sa politique de sécurité.

Société, économie et culture jusqu'au XVIIIe siècle

Habitat et population

Moyen Age

Dans l'Antiquité, les meilleures surfaces cultivées du district de la Broye et de la zone de collines située entre le lac de Morat et la Sarine appartenaient à l'arrière-pays d'Aventicum. Le long des rives de la Sarine et de la Glâne et dans la haute vallée de la Broye, on trouvait des villae jusqu'à 750 m; elles étaient plus rares en altitude. La densité de l'habitat était plus faible dans la partie supérieure du district de la Singine et sur le plateau situé au sud-ouest du canton actuel. Du IIIe au VIe siècle, la surface habitée et bâtie s'est probablement rétrécie: les chroniqueurs, l'évêque Marius d'Avenches et Frédégaire, signalent des inondations. Des maisons de maître sont abandonnées, dont le site ne sera plus réoccupé. A d'autres endroits, des hameaux médiévaux sont construits sur les vestiges des villae. Les conditions pédologiques et climatiques se reflètent dans les deux types d'habitats du canton qui caractérisent le paysage depuis la fin du Moyen Age: villages dans les régions habitées au plus tard à l'époque romaine, habitat dispersé, parfois hameaux, dans les zones de colonisation du Moyen Age. Fours à pain, moulins, forges appartiennent à l'infrastructure de l'habitat rural. Avant la fin du Moyen Age, les sources manquent pour savoir comment vivait une famille paysanne «fribourgeoise» (paysannerie). On n'en sait pas beaucoup plus sur les habitations de la noblesse, comme les Gruyère, les Glâne ou les Corbières. Par analogie à ce que l'on connaît des régions voisines, il est probable que l'on trouvait des constructions en bois ou à colombages sur des sites escarpés, protégés par des fossés et des palissades. La construction en pierre et mortier était utilisée pour les seules églises.

La situation change au XIIe siècle. Qui peut s'offrir un château fort le construit et cela inclut tant les familles au service de la haute noblesse ou des couvents que les riches propriétaires possesseurs d'un cheval de monte. Vers 1200, on compte plus de 80 familles de chevaliers et environ 70 châteaux forts sont connus. L'extension des zones cultivées est liée à cet élan; on densifie l'utilisation des anciens terroirs, on s'installe dans des zones forestières jusqu'alors pas ou peu exploitées. Un exemple parlant est celui de la vallée de la Gérine, où se succèdent d'aval en amont les villages de Chevrilles (caprilia, pâturage à chèvres), Plasselb (plana silva, forêt plate), Planfayon (plana fageta, forêt plate de hêtres). 46 toponymes comprennent le terme Riet, 286 Essert, les deux mots indiquant une zone défrichée. Les couvents fondés en deux vagues, la première vers 1080, la seconde vers 1135, ont joué un rôle important dans ce processus.

Le pouvoir seigneurial sur la terre et les hommes s'éparpille dans de nombreuses familles et ceci dans un espace tout à la fois restreint et densément exploité; cela se reflète, entre 1150 environ et 1325, dans le grand nombre de villes neuves dans la vallée moyenne de la Sarine. Leur densité fait que nombre d'entre elles ne durent guère. Une mauvaise situation, des infrastructures déficientes, un statut juridique défavorable, sans compter la grande peste des années 1350, restructurent le réseau urbain. Si Fribourg, Bulle et Gruyères se maintiennent comme villes, Corbières, Vuippens, Vaulruz et La Tour-de-Trême deviennent des villages, tandis qu'Arconciel, Pont-en-Ogoz et Montsalvens sont abandonnées. Morat se maintient malgré la proximité d'Avenches et Payerne, comme Romont face à Lucens et Moudon; mais Rue et Châtel-Saint-Denis, cette dernière fondée en 1296 pour remplacer l'ancienne localité de Fruence, sont bien modestes. Estavayer-le-Lac se développe à partir d'un petit bourg de château.

Vue perspective du domaine de Greng. Dessin aquarellé de l'architecte Charles de Castella, 1786 (Bibliothèque cantonale et universitaire Fribourg, Ms. L 1943/2).
Vue perspective du domaine de Greng. Dessin aquarellé de l'architecte Charles de Castella, 1786 (Bibliothèque cantonale et universitaire Fribourg, Ms. L 1943/2). […]

Comme en attestent les toponymes Schwand et Ciernes, de nouvelles terres (prairies à foin et pâturages) sont gagnées dans les Préalpes, du XVIe au XVIIIe siècle, par défrichement. Dans les autres régions, on repousse encore davantage la forêt pour permettre la colonisation d'artisans et de petits paysans, qui s'installent souvent sur les communaux. Dès 1600 environ, les patriciens se font construire des résidences dans les environs de la ville de Fribourg. Comme la villa romaine ou la curtis du haut Moyen Age, elles regroupent la maison de maître, celle du fermier, des étables, des greniers, le four à pain et parfois une chapelle avec caveau funéraire.

Les dénombrements sont peu nombreux et trop partiels pour connaître l'état de la population. Quelques données (en feux) figurent dans les visites pastorales conservées du diocèse de Lausanne (1416-1417 et 1453). On possède des données régionales lors de l'impôt levé pour l'achat de Nidau (1387) et de la Gruyère (1555), des dénombrements pour 1444, 1447, 1448 et un rôle d'impôt de 1445. Nicolas Morard estime la population fribourgeoise (frontières du canton actuel) à quelque 44'000 habitants vers 1300, soit une densité de 30 au km². A la suite des grandes mortalités du XIVe siècle, on ne compterait plus qu'environ 28'000 habitants (densité d'environ 19 habitants au km²) entre 1420 et 1450; la Gruyère aurait mieux résisté que le reste du territoire à cet effondrement.

Epoque moderne

On convient généralement, malgré le manque de sources, que l'évolution démographique du canton de Fribourg de 1500 à 1800 a suivi dans ses grandes lignes celle de la Suisse. La tendance est à l'augmentation, mais celle-ci est compromise par les épidémies, les disettes et les famines, ainsi que par l'émigration civile et militaire au flux plus ou moins continu. On admet aussi que la ville de Fribourg (5800 individus en 1445 – y compris 546 campagnards réfugiés en ville –, 5117 en 1798) n'aurait pas accompagné le canton dans la tendance séculaire de sa croissance. Les démographes s'accordent enfin pour affirmer que la croissance s'accélère à la fin du XVIIIe siècle. Dans ses limites d'aujourd'hui, le canton aurait compté 61'000 habitants en 1785, 66'000 en 1798 et 74'000 en 1811. Aussi, en 1798, la densité démographique du canton (41 habitants au km²) est-elle égale à la moyenne suisse. Par rapport aux 26 cantons et demi-cantons actuels, Fribourg occupe en 1798 le dixième rang (le douzième en l'an 2000). Quant à la capitale, elle est en 1798 au neuvième rang des 20 villes suisses de plus de 2000 habitants.

Les comportements démographiques – natalité, fécondité, nuptialité, mortalité – varient d'une région à l'autre du canton. Tandis qu'à Charmey, bourg catholique de montagne, la moyenne des naissances par famille dite complète est de six enfants (1761-1875), à Vully, paroisse protestante du Moyen Pays, elle n'est que de quatre (1750-1875). L'intervalle entre deux naissances est plus élevé ici que là, indice de pratiques malthusiennes plus répandues chez les protestants que chez les catholiques (malthusianisme). Une forte poussée nataliste, peut-être due à la prospérité, s'observe à Charmey à la fin du XVIIIe siècle. Ce gain de confort entraîne une certaine libération des mœurs; 7% des naissances y sont illégitimes, taux dépassé par celui de la ville de Fribourg (8% pour la période 1780-1805). Sur l'ensemble du canton, l'âge au mariage est tardif: 26 ans pour les femmes, 29 pour les hommes. L'espérance de vie à la naissance (38 ans à Charmey et 34,5 ans à Vully) est conforme aux données européennes.

Economie

Economie médiévale

La céréaliculture et l'assolement triennal dominent au Moyen Age dans tout l'espace fribourgeois, y compris dans les régions préalpines converties par la suite à l'économie laitière, les alpages étant alors réservés aux moutons. La vigne, aujourd'hui limitée à la région du Mont Vully et de Cheyres, est alors un peu plus étendue, et les Fribourgeois possèdent aussi de nombreux vignobles à Lavaux. L'approvisionnement en bois, charbon de bois et écorces pour la tannerie est assuré pendant tout le Moyen Age. De meilleurs rendements permettent une division croissante du travail dès le XIIe siècle. Les hommes libres devenus chevaliers, les ministériaux et les ecclésiastiques – jusqu'aux cisterciens auparavant si actifs – n'exploitent plus leurs domaines eux-mêmes. Le nombre d'artisans du bâtiment se développe aussi fortement; ces hommes travaillent dans les nombreux nouveaux chantiers, soit pour préparer la matière première, soit pour les travaux de construction proprement dits; on bâtit des châteaux forts, des églises et des couvents, des enceintes, des ponts, des maisons dans les villes neuves. Forgerons, cordiers et charrons y trouvent aussi leur compte. Des activités pratiquées autrefois dans les familles se professionnalisent dans les petites villes (meuniers, boulangers et bouchers).

La tannerie et la draperie, branches florissantes, reposent à la fin du XIIIe siècle sur l'élevage généralisé du mouton et l'étroite collaboration entre les fournisseurs de capitaux propriétaires des troupeaux et les détenteurs de pâtures ou de droits de pacage. C'est alors que la ville de Fribourg s'intéresse dans son expansion territoriale aux prairies des bords de l'Aar pour l'hivernage, puis aux estivages du Haut-Simmental. En 1356 et 1357, les tanneurs traitent 20'000 peaux au total, dont un tiers est exporté dans les pays du Rhin. Les drapiers, campagnards et citadins, travaillent à l'origine pour le marché intérieur, puis la draperie devient branche d'exportation après 1350. Pour améliorer la qualité, on importe des moutons à toison plus fine et de la laine de Bourgogne. Les meilleurs draps, encore foulés au pied, sont contrôlés par les autorités et munis d'un sceau. L'année 1434 voit l'apogée de cette industrie avec 14'000 pièces scellées. Tannerie et draperie, au milieu du XVe siècle, emploient vraisemblablement 2500 à 3000 personnes, soit la moitié voire plus de la population de la ville; la draperie décline dès le XVe siècle. Fribourg exporte aussi des faucilles et des faux faites à partir de produits semi-fabriqués importés. Foules, moulins, scies, pilons, martinets, meules et polissoires se succèdent le long du ruisseau du Gottéron, la zone industrielle de la ville; ils parsèment aussi le paysage rural ou le voisinage des petites villes. Peu après 1250, la construction de trois ponts et celle d'une route carrossable font de Fribourg le plus important point de passage sur la Sarine. Malgré un régime des eaux irrégulier, on navigue aussi sur la rivière en aval de la ville.

Un traité de paix signé avec Berne en 1294 énumère les marchandises que l'on avait saisies: vin, grains, sel et autres produits alimentaires, textiles, fers (à cheval?), chaînes et cuivre. Les deux foires de trois jours de la ville sont augmentées à huit jours en 1327 par privilège ducal et Fribourg reçoit l'autorisation en 1385 d'avoir deux nouveaux marchés de trois jours. Depuis le XIVe siècle, les Fribourgeois fréquentent assidûment les foires de Genève où ils ont une loge dans la halle aux draps; ils se rendent aussi à celles de Zurzach. Des marchands fribourgeois sont épisodiquement mentionnés en Allemagne du Sud (Allemagne); au XVe siècle on les voit aussi à Milan, Venise, Avignon et Barcelone.

En 1259, un sire de Montagny doit de l'argent à un juif, non précisément localisé. Pierre II de Savoie encourage les juifs, spécialistes des finances, à venir s'installer dans le comté. On en trouve à Morat dès 1294. Trois banquiers d'Asti deviennent combourgeois de Fribourg en 1303. Fribourg respecte le droit de l'évêque de Lausanne de battre monnaie, puis demande en 1422 à l'empereur et au pape ce droit régalien qu'elle obtient et dont elle fait usage dès 1435.

Economie d'Ancien Régime 1500-1800

A l'ère des Temps modernes, la prépondérance écrasante du secteur primaire et la vitalité du tertiaire contrastent avec l'anémie du secondaire; l'insuffisance des sources ne permet pas de chiffrer ce constat en termes d'emplois. Une triple constante modèle le contexte économique. La première est l'insularité géopolitique du canton vis-à-vis de celui de Berne. La menace d'étouffement est réelle ou paraît telle et l'Etat fribourgeois ne cessera de se demander s'il doit choisir l'autarcie ou l'échange. La deuxième constante est celle de l'insertion du canton dans l'«économie globale» d'un vaste marché transfrontalier comprenant la Suisse occidentale, la Savoie et la Franche-Comté, fort de quelque deux millions d'habitants à la fin du XVIIIe siècle. La navigation lacustre forme la troisième. L'importance des liaisons Vevey-Genève, Estavayer-Yverdon, Portalban-Neuchâtel et Morat-Vully confère un rôle de premier plan au Léman, aux lacs de Neuchâtel et de Morat dans le dynamisme économique fribourgeois. Ajoutons que la route principale Berne-Genève passe par Morat et non par Fribourg, qui reste à l'écart. Ces trois constantes interagissent et leur influence réciproque varie entre 1500 et 1800: le XVIIIe siècle, c'est l'ouverture, le désenclavement.

L'agriculture fribourgeoise d'Ancien Régime est à la recherche du bon équilibre, que ce soit dans la conciliation entre mercantilisme et physiocratie sur le plan des idées agronomiques, dans la répartition entre l'herbe et le blé sur celui de la production, ou encore et surtout dans le choix entre l'agriculture traditionnelle de type communautaire et la «nouvelle agriculture» qui fait fi des servitudes collectives. Au bout du compte, c'est à une évolution plus qu'à une révolution qu'on assiste dans la modernisation d'un secteur devant nourrir une population de plus en plus nombreuse. Le défi est relevé, sauf en cas de disettes (1770-1771, 1816-1817) où le canton est alors tributaire du blé étranger. Il est performant en matière d'élevage: son bétail de qualité, ses chevaux aussi semble-t-il, s'exportent bien. Quant à l'agriculture alpestre, le XVIIIe siècle est l'âge d'or du gruyère. Il ne se fabrique qu'en montagne, raison pour laquelle les patriciens achètent de beaux pâturages, investissement rentable.

Chargement du fromage fribourgeois dans le port de Vevey. Dessin aquarellé anonyme, vers 1820 (Musée historique de Vevey).
Chargement du fromage fribourgeois dans le port de Vevey. Dessin aquarellé anonyme, vers 1820 (Musée historique de Vevey). […]

Dans une économie essentiellement rurale, les arts et métiers, telles la meunerie et la forge villageoise, sont étroitement liés aux besoins de l'agriculture. Le canton n'abrite pendant longtemps aucune entreprise industrielle d'envergure. Les efforts de Jean Ratzé pour relancer la draperie dans les années 1570 échouent et la production, du bas de gamme, n'est plus destinée qu'au marché local. La fin du XVIIIe siècle semble donner le signal d'un démarrage. Celui-ci s'opère grâce à la participation à un espace qui déborde les frontières cantonales. Pour quelque temps, la papeterie de Marly (dont l'activité remonte à 1411) est le fournisseur de la Société typographique de Neuchâtel, tandis que la grande indiennerie de la Fabrique-Neuve de Cortaillod emploie des centaines de pinceleuses fribourgeoises à Estavayer-le-Lac, Fribourg, Greng et Portalban. Au sud du canton, et plus durablement, la verrerie de Semsales, fondée en 1776, alimentée au charbon provenant du bassin d'Oron, fournit le vignoble de Lavaux en bouteilles et verres à vin. Les milliers de quintaux de gruyère destinés à Genève et à Lyon sont embarqués au port de Vevey, alors bernois. En revanche, l'atelier textile (industrie textile) ouvert par Abraham Verdan à Fribourg en 1785 avec l'aide des deniers publics (prêt sans intérêt) n'est qu'une «fabrique de bienfaisance» destinée à occuper une main-d'œuvre surabondante et peu qualifiée. Il disparaît en 1805.

Fribourg compense son retard protoindustriel (protoindustrialisation) par sa réussite dans la commercialisation de son économie rurale: exportation de surplus céréaliers, de bétail sur pied, de bois et de fromages gras, succès loin à la ronde de ses foires et marchés. Chaque ville a son marché hebdomadaire. Les foires, lieux d'échanges entre Suisses, Comtois et Savoyards, sont pléthoriques. Il s'en tient dans 13 villes et bourgs. En 1797 par exemple, on en compte 52, soit huit à Romont, six à Bulle, Estavayer et Rue, cinq à Fribourg et Gruyères, quatre à Morat, trois à Planfayon, deux à Attalens, Bellegarde, Châtel-Saint-Denis et La Roche, enfin une seule, mais très fréquentée, à Charmey, qui s'étale sur plusieurs jours.

Le commerce n'est qu'une branche du secteur tertiaire. Ce dernier emploie aussi, à tous les échelons d'une administration cantonale omniprésente, un personnel de plus en plus nombreux. L'absolutisme éclairé du XVIIIe siècle est à ce prix. Au tertiaire appartient également l'importante cohorte du clergé régulier et séculier, masculin et féminin. Avec l'essor du commerce, les premiers courtiers et marchands-banquiers apparaissent. Mais le premier brasseur d'affaires du canton, c'est la Ville et République même. L'Etat-banquier fribourgeois thésaurise et place des fonds considérables en Suisse (Genève, Neuchâtel) et à l'étranger (France, Saxe). Les arriérés des pensions dues par le roi de France font de Fribourg un créancier de la couronne. Le service capitulé enfin permet aux patriciens d'être actifs comme entrepreneurs militaires et offre un débouché à de nombreux jeunes gens (la chambre des recrues enregistre plus de 8000 hommes au XVIIIe s.).

Société

Société médiévale

Dès le VIIIe siècle, l'arrivée d'immigrants alémanes (Alamans) sur le territoire de l'actuel canton de Fribourg fait de la région une zone de contact entre populations romane et germanique; la ville de Fribourg est dès l'origine bilingue. Le grand nombre de dispositions de droit privé contenues dans la Handfeste de 1249 s'explique par le fait que le Conseil devait prendre des décisions qui respectaient les traditions des deux populations. Au XVe siècle encore, on faisait la distinction entre fiefs allemands et romands et les mesures utilisées pour les céréales étaient différentes. L'importance des notaires (des registres sont conservés dès 1356) est remarquable pour tout ce qui touche aux affaires privées, comme dans les pays de droit écrit; ils instrumentent en allemand comme en français depuis 1424. La couche dirigeante était à l'aise dans les deux langues et les actes passés avec les villes ou les seigneurs voisins renoncent au latin dès 1292/1295. Du lac de Morat aux Préalpes, le bilinguisme était probablement courant chez les commerçants, transporteurs, aubergistes et chez toute personne exerçant une fonction publique.

Trois grandes traditions juridiques, qui perdurèrent jusqu'à l'époque moderne, se rencontraient sur le territoire actuel du canton: la coutume de Lausanne (Estavayer-le-Lac, Morat), celle de Moudon (Bulle, Romont, Gruyères et autres) ainsi que, dans la ville et ses environs, le droit fribourgeois remontant à la Handfeste.

Des différences de comportement économique et de mentalité ne sont pas à exclure entre les paysans des terroirs habités dès l'Antiquité et les défricheurs de la zone des collines, volontaires ou non. L'économie alpestre et son mode de vie (armaillis) sont plus tardifs et se développent à partir du XVe siècle. Vers 1300, la masse campagnarde est le plus souvent soumise à la taille et à la mainmorte. Les affranchissements individuels ou collectifs (manumissions) des années 1430 à 1460 libèrent les paysans de cette soumission, mais ne leur donnent pas toujours une «liberté complète», soit la possibilité de s'installer où ils le veulent. Ils continuent à payer des cens mais jouissent d'une certaine sécurité (pas d'expulsion abusive).

L'énorme activité de la ville de Fribourg en matière de construction reflète l'assurance d'une communauté largement indépendante de son seigneur. A Morat au contraire, le statut de ville impériale fut épisodique (1218-1255). Dans d'autres petites villes, les bourgeois n'obtinrent que peu de droits ou les acquirent trop tard pour empêcher le déclin (voir l'exemple de Corbières et de sa charte de franchises de 1390). D'une manière générale, les simples bourgeois n'avaient guère de pouvoir; les corporations s'occupaient seulement de problèmes professionnels et des confréries. Un artisan devenu commerçant pouvait cependant acheter des terres et accéder à la classe dirigeante.

Des juifs sont actifs depuis le milieu du XIIIe siècle comme prêteurs. Ils apparaissent dans la ville de Fribourg en 1356 et ils y restent jusqu'à la fin du XVe siècle, exerçant aussi parfois la profession de médecin. Un rabbin et une synagogue sont mentionnés à Morat en 1454 (judaïsme).

Société d'Ancien Régime

Par définition, la société fribourgeoise d'Ancien Régime est inégale non seulement en fait, mais aussi en droit. Le patriciat est une classe à la fois politique et sociale, cumulant les privilèges. Il est divisé toutefois entre les nobles (une quinzaine de familles), porteurs de titres étrangers, propriétaires de régiments au service capitulé, généralement riches, et les simples patriciens, qui assurent l'ordinaire en monopolisant les emplois publics et en aspirant secrètement à la noblesse. Majoritaires au sein des Conseils, les simples patriciens tirent profit des troubles de 1781-1782 pour s'arroger la particule si convoitée. Les querelles intestines semblent faire oublier au patriciat son véritable adversaire, la «bourgeoisie ordinaire», exclue du pouvoir mais ambitieuse. Elle forme alors le gros des 700 contribuables les plus imposés de la capitale, patriciens non compris. C'est en son sein que la révolution de 1798 (révolution helvétique) recrutera ses plus chauds partisans et la majeure partie des cadres de l'Helvétique. Se joindront à elle l'élite des villes sujettes et quelques riches campagnards. Quant à la masse anonyme des paysans, artisans et commerçants, elle vit dans une «honnête médiocrité». Les paysans, les trois quarts de la population, n'ont guère inquiété les autorités (contestations à Bellegarde en 1635-1636, en Gruyère en 1653). Les corporations d'artisans ne jouent qu'un rôle professionnel.

Eglise et vie religieuse, culture et formation

Clergé et vie religieuse au Moyen Age

Le territoire du futur canton de Fribourg appartient tout entier au diocèse de Lausanne et se partage entre les décanats d'Avenches, Vevey, Ogoz, Fribourg et Köniz (paroisse d'Ueberstorf). A Estavayer-le-Lac, Morat et Romont, des communautés de clercs se constituent à la fin du Moyen Age; de jure, elles ne forment pas de chapitre collégial, mais les paroissiales de ces villes sont appelées désormais collégiales. Les trois localités ont aussi une école dès le XVe siècle. Un couvent de dominicaines est fondé en 1316 à Estavayer, des béguines vivent temporairement à Estavayer et Romont au bas Moyen Age. Bénédictins (Berlai, Broc) et clunisiens (Chiètres, Pont-la-Ville), chanoines de Saint-Augustin (Avry-devant-Pont, Farvagny-le-Grand, Sâles, Semsales, Sévaz) et chevaliers teutoniques (Fräschels) n'ont que de petits établissements. Ceux des cisterciens, chartreux et prémontrés sont plus importants. Les premiers sont installés à Hauterive (hommes), à La Fille-Dieu, à La Maigrauge, à La Voix-Dieu (femmes). Les chartreux créent La Part-Dieu, La Valsainte et le Val-de-Paix. Les prémontrés fondent Humilimont (hommes) et Posat (femmes). Les très nombreux lieux de pèlerinage du canton remontent rarement au Moyen Age (peut-être Dürrenberg près de Cormondes et Notre-Dame de Tours près de Montagny).

Depuis sa fondation en 1157, la ville de Fribourg est le centre d'une paroisse et d'un décanat, formé de paroisses faisant jusqu'alors partie de ceux d'Avenches et Köniz. La première église paroissiale, Saint-Nicolas, est consacrée en 1182 et la commune en eut très tôt le patronat (en 1249 au plus tard). Une communauté de clercs se développe aux XIVe et XVe siècles; elle est reçue en 1459 comme combourgeoise de la ville et obtient le statut de chapitre collégial en 1512. La ville abrite des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (dès 1224), dans le quartier de l'Auge, des chanoines du Grand-Saint-Bernard (1228-1602), des ermites de Saint-Augustin (avant 1255) et des franciscains (1256), ainsi que de nombreuses confréries. Le couvent des franciscains (ou cordeliers) reçoit des hôtes illustres (en 1404 le prédicateur Vincent Ferrier, en 1414 l'empereur Sigismond, en 1418 le pape Martin V, en 1440 le pape Félix V, en 1442 l'empereur Frédéric III).

Deux institutions urbaines remontent au XIIIe siècle: l'hôpital des bourgeois, de 1249, lié à l'église Notre-Dame, et la confrérie du Saint-Esprit, de 1264. Les grosses fortunes amassées par ces deux institutions au profit des pauvres étaient gérées par des administrateurs élus le 24 juin comme les autres fonctionnaires. Les maladreries de Bourguillon (1252), Villars-les-Joncs (vers 1260) et Marches (commune de Matran, 1252) sont regroupées vers 1400 à Bourguillon, qui devient au XVe siècle lieu de pèlerinage. La ville de Fribourg a ses béguines (dès 1299), qui disparaissent au plus tard au début du XVIe siècle. Elle compte aussi des vaudois, adeptes de la secte de Pierre Valdès, poursuivis en justice en 1399 et 1430. Leur persécution est suivie vers 1440 par la chasse aux sorcières qui, en Suisse occidentale, plonge ses racines au Moyen Age.

Le passage des Habsbourg aux Savoie en 1452 marque un changement temporaire dans l'orientation culturelle de la ville. Les Genevois Antoine de Peney et Georges de Jordil sont chargés de réaliser, l'un, en 1462, les stalles de l'église Saint-Nicolas, l'autre, en 1470, la tour de l'église (nouvelle construction commencée en 1283). Le triptyque du Maître à l'œillet surmontant le maître-autel de l'église des cordeliers, exécuté par un atelier bâlois établi à Soleure, exprime l'intérêt délibéré porté à l'espace germanique. L'école latine de la ville, la seule du canton, qui a le monopole de l'enseignement depuis 1425, engage de plus en plus souvent des maîtres germanophones. Cette tendance est confirmée par la première chronique officielle de la ville, de la fin du XVe siècle, imitée de celle de Berne, écrite en allemand et due à Peter von Molsheim.

Religion, école et culture sous l'Ancien Régime

Traduction allemande par Sébastien Werro de la diatribe anticalviniste rédigée en français par le jésuite écossais John Hay (1546-1607) sous le titre Questions relatives à la religion chrétienne adressées aux nouveaux prédicateurs sectaires, 1585 (Bibliothèque nationale suisse, Berne).
Traduction allemande par Sébastien Werro de la diatribe anticalviniste rédigée en français par le jésuite écossais John Hay (1546-1607) sous le titre Questions relatives à la religion chrétienne adressées aux nouveaux prédicateurs sectaires, 1585 (Bibliothèque nationale suisse, Berne). […]

La vie religieuse connaît trois périodes: la Réforme catholique (1545-1649) fait place au catholicisme baroque (1649-1758), puis aux Lumières (1758-1815). Le lancement de la Réforme catholique coïncide avec l'ouverture du concile de Trente (1545), mais la Suisse, attachée à ses traditions, boudera longtemps le concile. A Fribourg même, l'absence de l'évêque, chassé de son siège de Lausanne, a distendu les liens avec l'autorité romaine et conféré au chapitre collégial de Saint-Nicolas un pouvoir de décision inhabituel. L'attachement à l'ancienne foi est assuré d'abord par l'action du prédicateur Simon Schibenhart, du prévôt Peter Schneuwly, du vicaire général Jean Michel et du curé Sébastien Werro. Arrivent ensuite les jésuites (1580), sous la conduite du Hollandais Pierre Canisius, puis les capucins de la province d'Italie (1609), spécialisés dans la pastorale des masses. La mise en œuvre tardive des décrets tridentins touchant la fonction épiscopale (obligation de résidence, visite pastorale régulière des paroisses) revient à Jean de Watteville (1609-1649). Comtois d'origine bernoise, il est le premier évêque de Lausanne à résider à Fribourg. En 1625, il y convoque, selon les décisions conciliaires, un important synode diocésain qui marque une sérieuse reprise en main du clergé paroissial et la réaffirmation de la discipline ecclésiastique. Dans la foulée, capucines (1626), ursulines (1634) et visitandines (1635) s'installent en ville; elles y sont toujours. La deuxième période est celle de la consolidation des réformes. Elle s'orne d'un triomphalisme liturgique et artistique qui donne de Fribourg l'image d'une forteresse du catholicisme. Enfin, les Lumières catholiques s'avisent de concilier épuration de la foi populaire et réformes liturgiques d'une part, ouverture au monde, libre accès à la Bible et même interconfessionnalité d'autre part. Les évêques patriciens Joseph-Nicolas de Montenach et Bernard-Emmanuel de Lenzbourg, le chanoine Charles-Aloyse Fontaine et le père Grégoire Girard incarnent ce courant original qui, sous l'Helvétique, rejoint parfois celui, protestant et kantien, des Lumières «stapfériennes».

Quasiment tous les Fribourgeois aisés ont été élèves de la Société de Jésus au collège Saint-Michel, ouvert en 1582. Au XVIIIe siècle, certains d'entre eux, dont Fontaine et Girard, sans parler des anticléricaux (anticléricalisme), ont reconnu les lacunes de l'enseignement qui y était prodigué. C'est en 1795 seulement, sous l'impulsion du clergé français réfugié (réfugiés), que s'ouvrira, dans une aile du collège, le grand séminaire diocésain prévu par le concile de Trente. En attendant, les futurs prêtres les plus chanceux, au bénéfice d'une bourse, se forment à l'étranger (Rome, Milan, Paris, Lyon). Il en est de même des fils de bonne famille désireux de faire des études universitaires (Allemagne, Autriche, France). Une prise de conscience a lieu au milieu du XVIIIe siècle. Un projet de «Hautes Etudes» est lancé en 1751, puis s'enlise. Mais en 1762, sous le nom d'académie, s'ouvre l'école de droit, seule institution d'enseignement professionnel du canton et seule création scolaire d'importance depuis 1635, date où des ursulines, réfugiées de la Franche-Comté ravagée par la guerre de Trente Ans, se sont vu confier l'instruction des filles de patriciens et de bourgeois. Quant à celle du peuple, un concordat passé en 1749 entre l'évêque et l'Etat prévoit la création d'une école par commune ou paroisse, à la charge de celles-ci. En 1798, seuls les villes, bourgs et communes riches sont équipés en locaux et en personnel, chichement rétribué, pour former garçons et filles. Aussi, au terme du siècle des Lumières, les masses rurales semblent encore en majorité analphabètes.

Les années 1750 à 1770, âge d'or du siècle, ont permis, grâce à une bonne conjoncture économique, l'engagement spectaculaire d'une politique volontariste de rattrapage dans tous les domaines, illustrée par des avoyers comme François-Joseph-Nicolas d'Alt de Tieffenthal et Ignace de Gady. Les mentalités surtout ont évolué, au point que s'ouvre une loge maçonnique (1756-1763). En matière d'équipements, d'infrastructures et d'urbanisme, les nombreuses réalisations à usage civil éclipsent la construction d'une seule église (Notre-Dame-de-la-Providence). Il semble aussi que les campagnes ne sont pas épargnées par une certaine désaffection religieuse. En 1760, plus de 50 églises, dont la moitié de paroissiales, sont à reconstruire, vu leur état de vétusté. Les projets sont arrêtés par la disette européenne de 1770-1771 qui frappe durement le canton (surmorbidité, surmortalité, dénatalité, dénuptialité) et inaugure un cycle de basse conjoncture dont le soulèvement Chenaux (1781) pourrait être l'une des excroissances politiques et sociales. Le dernier tiers du siècle, dès la mort du baron d'Alt (1770), voit se bloquer le puissant processus de modernisation des 20 années antérieures, laissant les campagnes dans leur sous-développement. Les études manquent pour étayer ces hypothèses.

Entrée de l'avoyer François Joseph Maurice de Techtermann à Morat en juin 1785. Aquarelle attribuée à Joseph-Emanuel Curty (Musée gruérien, Bulle).
Entrée de l'avoyer François Joseph Maurice de Techtermann à Morat en juin 1785. Aquarelle attribuée à Joseph-Emanuel Curty (Musée gruérien, Bulle). […]

Un clivage a opposé, durant toute l'époque des Temps modernes, la ville de Fribourg, détentrice du monopole du pouvoir, et son arrière-pays, vaste ensemble hétérogène qu'elle s'efforce d'unifier en dépit de fortes résistances, qu'elles viennent de la Singine et de ses grandes paroisses, du Moratois tourné vers Berne, de la Broye rivée au lac de Neuchâtel, ou de la Gruyère et de la Veveyse aspirées par le Léman. Autant de régions à l'identité bien affirmée, attachées à leurs traditions et marquées par leur propre histoire.

Le canton aux XIXe et XXe siècles

Histoire politique et constitutionnelle

Après l'échec du soulèvement Chenaux, plusieurs de ses membres se réfugient à l'étranger. Dès 1789, certains gagnent la France où ils fondent le Club helvétique qui inonde la Suisse de propagande révolutionnaire. Les idées nouvelles touchent surtout la partie francophone du canton et très peu le monde paysan. Elles sont fermement combattues par le gouvernement. Le slogan de «la religion en danger», asséné par les réfugiés français (3700 émigrés dont 2500 prêtres déportés) accueillis dans le canton à partir de 1789, est repris dès 1798 par les contre-révolutionnaires fribourgeois. La République helvétique est vue comme la réplique d'une Révolution française persécutrice de l'Eglise. En fait, l'Helvétique (1798-1803) et, après elle, la Médiation (acte de Médiation, 1803-1813) et la Restauration (1814-1830), constituent un phénomène politique global où l'Eglise n'est qu'un acteur parmi d'autres, d'ailleurs idéologiquement divisé.

La République helvétique (1798-1803)

La ville de Fribourg, longtemps base arrière des activistes français de la contre-révolution, tombe quasiment sans résistance le 2 mars 1798, trois jours avant Berne (invasion française) et l'Ancien Régime s'écroule. Les deux villes-Etats perdent d'un coup les terres conquises au XVIe siècle. Impuissant, Fribourg assiste à la formation à Payerne d'un canton de Sarine et Broye. Son existence éphémère et le retour rapide, sous pression de la France, des Glânois (Glâne), Gruériens (Gruyère) et Veveysans (Veveyse) dans le giron fribourgeois, permettent à la ville désormais révolutionnée de se ressaisir, puis de passer à la contre-offensive pour se retrouver, quelques semaines plus tard, à la tête d'un territoire englobant le Moratois (Morat) et toute la Broye valdo-fribourgeoise. Aussi est-ce paradoxalement à la Révolution que le canton doit, pour quelques années, sa plus grande extension. Mais l'homogénéité territoriale ainsi réalisée s'accomplit au prix d'une mixité confessionnelle qui, par le poids des milliers de réformés avenchois (Avenches) et payernois, modifie le visage traditionnel du pays. Ce mariage de raison sera éphémère et, dès 1801, les Vaudois (Vaud) divorcent, au grand dam des Fribourgeois qui font en vain valoir les avantages d'une unification territoriale de la Broye; le puzzle des enclaves broyardes est reconstitué.

La capitulation de Fribourg, en signant la chute du patriciat, marque l'avènement politique des bourgeoisies urbaines et des élites rurales jusqu'alors écartées du pouvoir. Elles fournissent à la République helvétique les 12 premiers parlementaires de 1798, les cinq membres de la Chambre administrative, le préfet national et quatre magistrats de haut rang: François-Pierre Savary, membre du Directoire, Nicolas Simon Pierre Repond, ministre de la guerre, Rodolphe-Martin Gapany, commissaire national, enfin, en mai 1800, Pierre-Léon Pettolaz, président du Sénat. D'anciens patriciens leur disputent ce monopole: Joseph de Lanther, ministre de la guerre, Tobie de Raemy, membre de la Chambre administrative et Jean de Montenach, sous-préfet. Ce dernier, membre de la municipalité de Fribourg dès 1798, en devient le président en 1799.

Plusieurs traits caractérisent l'attitude générale du personnel politique: le pragmatisme, qui l'emporte sur le prosélytisme idéologique; le centrisme, qui marginalise les extrémistes de tout bord; l'oubli du passé, gage du ralliement espéré des anciens dirigeants au nouveau régime; enfin et surtout la volonté d'accommodement avec la France, quel que soit son régime politique. Aussi saisit-on que la révolution fribourgeoise répugne à l'effusion de sang. Seule la justice militaire prononce des peines de mort, d'ailleurs commuées.

Le discrédit de l'Helvétique est pourtant rapide. Six facteurs principaux ont joué un rôle. Les trois premiers, dans l'ordre chronologique, sont l'occupation, puis les contributions forcées et les réquisitions, les unes et les autres imposées dès mars 1798 par l'occupant français. Elles dressent contre ce dernier le patriciat, principale cible des généraux et commissaires du Directoire. Les autorités helvétiques, organe d'exécution de ces mesures, sont également compromises, même si, grâce à leur intervention, des rabais non négligeables sont consentis sur les montants globaux exigés. Le quatrième facteur relève de la politique religieuse de l'Helvétique. Expression de l'utilitarisme antimonastique hérité des Lumières, elle consiste non seulement à séculariser les biens parfois considérables des couvents (sécularisation des biens du clergé), mais aussi, à terme, à fermer ces derniers, interdiction leur étant faite de recruter. Contenues dans les lois des 8 mai, 20 juillet et 17 septembre 1798, ces dispositions sont mal reçues par l'ensemble de la population, qui y voit une atteinte à la religion, à l'assistance publique et à l'enseignement, certains établissements monastiques œuvrant dans ces domaines à la satisfaction générale.

Cinquième facteur, la conscription obligatoire est mal acceptée, notamment en Haute-Singine où, en mars et avril 1799, réfractaires et déserteurs forment l'embryon d'un foyer contre-révolutionnaire. Pour rétablir l'ordre, l'Helvétique envoie, muni des pleins pouvoirs, l'énergique commissaire gruérien Gapany. Le bilan de la rébellion sera de cinq morts. L'expédition vaut à Gapany, ancien de la Garde suisse de Louis XVI, le sobriquet de «Robespierre fribourgeois» et devient, dans la mémoire collective, l'épisode «terroriste» de la révolution fribourgoise.

La fiscalité, ultime facteur de discrédit de l'Helvétique, n'exerce ses effets que tardivement. L'abolition des dîmes (10 novembre 1798) est bien reçue par la paysannerie, soit l'immense majorité de la population. De fait, les redevances ne sont pas perçues deux ans durant, mais lorsqu'en 1800 la loi est rapportée et en 1801 la dîme rétablie, c'est la grève de l'impôt. La déception des campagnes est immense, surtout en plaine (la montagne est moins concernée). Le régime, en sursis dès le début de 1800, y perd ce qui lui reste de crédibilité, d'autant que dès 1798 la nouvelle fiscalité, plus lourde que l'ancienne, est bel et bien appliquée.

L'Helvétique, dont les partisans avoués se font de plus en plus rares, est encore fragilisée par les coups d'Etat qui se succèdent dès 1800, opposant unitaires et fédéralistes. Dans le contexte fribourgeois, le courant fédéraliste, investi par d'anciens dirigeants nobles (noblesse) et patriciens, devient prépondérant après le Dix-huit Brumaire (9 novembre 1799). Poussés par Charles-Frédéric Reinhardt puis Raymond Verninac, ministres de France en Suisse, les modérés fribourgeois (Savary, Lanther, Montenach), de mèche avec l'Argovien Johann Rudolf Dolder, montent le coup d'Etat des 27-28 octobre 1801. Mais les unitaires suisses n'ont pas dit leur dernier mot et, le 18 avril 1802, renversent les octobristes. Le 15 mai, une nouvelle constitution, soumise au peuple, est dite «acceptée», les voix des très nombreux abstentionnistes (dans le canton, 9398 sur 17'922 électeurs inscrits) étant considérées comme des «oui». La guerre civile qui éclate en été 1802 s'achève par la capitulation de Fribourg, le 5 octobre, face aux troupes fédéralistes. La nouvelle équipe qui dirige provisoirement le canton est composée exclusivement d'anciens patriciens. Son action est cependant neutralisée jusqu'en 1803, soit durant les mois où, à Paris, siège la Consulta.

La Médiation (1803-1813)

Portrait de Louis d'Affry. Huile sur toile de Joseph de Landerset, 1807 © Musée d'art et d'histoire Fribourg.
Portrait de Louis d'Affry. Huile sur toile de Joseph de Landerset, 1807 © Musée d'art et d'histoire Fribourg. […]

Que Fribourg serve de canton pilote à la Suisse de la Médiation ne relève pas du hasard. Il jouit des faveurs de Bonaparte, qui loue ses traditionnelles sympathies françaises. Le Premier Consul, appelé à trancher entre les partis qui divisent la Suisse, trouve l'homme du juste milieu en Louis d'Affry, membre de la noblesse fribourgeoise «qualifiée». Bonaparte nomme Landamman de la Suisse ce général formé à l'école française. Aussi Fribourg, en tête des six cantons directeurs, est-il le premier à jouer le rôle, aussi redoutable qu'honorable, de capitale d'un pays épuisé par la guerre civile et assoiffé de paix. La Diète des XIX Cantons s'ouvre solennellement en ville de Fribourg le 4 juillet 1803 en présence du corps diplomatique conduit par le général Ney. D'Affry, omniprésent, œuvre au sein des organes chargés de négocier la nouvelle alliance franco-suisse, assortie d'une capitulation militaire, signée le 27 septembre 1803. Il fait nommer le ministre de Suisse à Paris en la personne d'un Fribourgeois, le marquis Antoine Constantin de Maillardoz, son neveu. En 1809, d'Affry sera une nouvelle fois à la tête de la Confédération.

D'Affry est aussi avoyer de Fribourg et, à ce titre, joue de son influence pour faire du canton une république à dominante urbaine et aristocratique dont les autorités sont élues au suffrage censitaire. Le corps électoral passe de 17'922 citoyens en 1802 (le suffrage était universel sous l'Helvétique) à 6312 en 1803. Comme au temps de l'Helvétique, le territoire compte 12 entités administratives, les arrondissements préfectoraux, mais la terminologie française (préfet, district, municipalité, etc.) disparaît. De la Révolution, on garde néanmoins la notion d'égalité des communes: la ville de Fribourg n'étant plus république souveraine depuis 1798, un partage des biens entre elle et le canton est opéré par l'acte de dotation du 8 octobre 1803. Sur le plan cantonal, le Grand Conseil (60 membres) élit le Petit Conseil (15 membres) et le tribunal d'appel (13 juges), dont les membres restent députés. Les anciens patriciens placent 36 des leurs au Grand Conseil et 13 au Petit Conseil. Les nobles modérés et la fraction éclairée du patriciat, groupés autour de Louis d'Affry, Jean de Montenach et Charles de Schaller, dominent la vie politique. Ils s'opposent aux patriciens ultras (ultramontanisme), pro-autrichiens et probernois, et s'appuyent parfois sur le «parti populaire» au Grand Conseil. Le contrôle des individus se veut efficace: le grabeau d'Ancien Régime et la Caroline, torture comprise, abolis en 1798, sont rétablis.

L'Eglise se voit imposer un régime de liberté surveillée: la loi de juillet 1798 sur les couvents est rapportée, mais le nouvel évêque du diocèse, Maxime Guisolan, nommé en 1803, n'est autre que le confesseur de Louis d'Affry. Le choix de ce roturier est doublement significatif. Alors que, depuis plus d'un siècle, le diocèse était en mains patriciennes, désormais plus aucun aristocrate n'accédera au siège épiscopal. En outre, l'avènement de l'évêque signe l'alliance, pour une décennie, de la noblesse et de la bourgeoisie face au patriciat ultra. La Médiation à Fribourg est à tonalité franco-nobiliaire et la proclamation de l'empire napoléonien (1804) cautionne un régime qui sera qualifié à juste titre de «Petite Restauration».

La défaite de Napoléon à Leipzig en octobre 1813 entraîne l'abrogation de l'acte de Médiation par la Diète réunie à Zurich le 29 décembre. Le Grand Conseil de Fribourg dénonce l'acte le 10 janvier 1814. A la faveur d'un coup d'Etat fomenté par Jean de Montenach, il dépose le Petit Conseil et s'érige en Constituante (12-14 janvier). Fribourg refuse de siéger à Zurich et rejoint la Diète conservatrice (conservatisme) réunie à Lucerne, qui sera dissoute sur l'intervention des grandes puissances.

Montenach fait partie du triumvirat chargé par la Diète fédérale de défendre les intérêts de la Suisse au congrès de Vienne. Il y épouse la ligne bernoise, celle des anciens cantons, et œuvre en faveur d'une Suisse indépendante et neutre au sein d'une Europe stabilisée par la Sainte-Alliance. Raison pour laquelle il dénonce d'emblée le retour de Napoléon en mars 1815. Vue partagée par les brillants officiers supérieurs fribourgeois (Charles d'Affry, Nicolas de Gady, Jean-Louis Girard) qui garnissent les rangs de l'armée fédérale de Niklaus Franz von Bachmann. Fribourg s'associe, à travers ces derniers, aux opérations militaires de 1815 (siège de Huningue, expédition de Franche-Comté, défense de Genève). Un an plus tôt, le 1er juin 1814, un contingent fribourgeois avait débarqué dans la cité de Calvin, renouant ainsi l'alliance rompue trois siècles plus tôt pour cause de religion.

Restauration et Régénération (1814-1847)

La Restauration à Fribourg, c'est, idéologiquement, la victoire écrasante de la contre-révolution théocratique et, politiquement, le retour en force des dirigeants de l'Ancien Régime. Fribourg est le seul canton à rétablir en droit le patriciat, au nom du principe de légitimité. La nouvelle charte cantonale, d'inspiration foncièrement réactionnaire, est proclamée le 10 mai 1814, en dépit des protestations de la Gruyère et du Moratois; plusieurs chefs-lieux sont occupés militairement. La résistance (non violente) au nouvel ordre de choses d'un groupe de nobles et de bourgeois, mené par Joseph de Praroman et François Duc, débouche sur un procès qui met en émoi la Suisse et les chancelleries européennes (décembre 1814). L'intervention de la Russie et de l'Autriche sera nécessaire pour aboutir, en juillet 1815, à l'amnistie des condamnés.

La Constitution de 1814 met en place un Grand Conseil de 144 députés au mandat viager, désignés par présentation et cooptation; 108 doivent être choisis parmi les patriciens, huit parmi les habitants des villes et 28 dans les campagnes. 75 avaient siégé au Grand Conseil dissous en 1798. Le législatif élit à vie 13 conseillers d'Etat (gouvernements cantonaux) et 15 juges au tribunal d'appel. L'accès au patriciat est possible, mais à des conditions très onéreuses. Le caractère réactionnaire du régime s'accentue avec le rappel des jésuites (1818) et les capitulations militaires signées avec Paris (1816) et Naples (1825). L'évêque Pierre Tobie Yenni, en fonction de 1815 à 1845, est l'homme du patriciat ultra.

La révolution de Juillet 1830 à Paris entraîne l'arrivée au pouvoir des libéraux dans plusieurs cantons (libéralisme). A Fribourg, la pression populaire lors de la «journée des bâtons» (2 décembre 1830) amène le Grand Conseil à voter la fin de l'hégémonie du patriciat. Les hommes de 1830 sont issus du patriciat libéral, de la bourgeoisie urbaine et de la paysannerie aisée. Une Constituante élue rédige entre le 7 et le 24 janvier 1831 une nouvelle Constitution qui consacre la souveraineté du peuple, exercée par ses représentants, proclame les libertés fondamentales, mais qui n'est pas soumise au peuple. Celui-ci élit des électeurs qui nomment les 86 députés pour neuf ans, renouvelables par tiers tous les trois ans. Le Grand Conseil élit les 13 membres du Conseil d'Etat et les 13 membres du tribunal d'appel. L'influence des libéraux se heurte bientôt, dans la presse et le domaine scolaire, à celle des conservateurs qui, appuyés par le clergé, triomphent aux élections de 1834 et 1837. Fribourg est d'abord prudent dans les affaires fédérales; le canton n'est membre ni du concordat des Sept des cantons régénérés, ni de la Ligue de Sarnen conservatrice. Puis, happé par les conflits religieux et politiques, il adhère en 1845 au Sonderbund par le vote de 47 députés sur 88 présents (1846). Un coup de main tenté par les radicaux broyards, moratois et gruériens échoue (6-7 janvier 1847). Lorsque la guerre du Sonderbund éclate, Fribourg est le premier objectif des troupes fédérales menées par le général Dufour. Quand la ville est encerclée, le Conseil d'Etat capitule le 14 novembre. La défaite militaire amène un nouveau changement de régime.

Du radicalisme au conservatisme (1847-1881)

Une assemblée populaire nomme le 15 novembre 1847 un gouvernement provisoire de sept membres qui expulse des congrégations et met en accusation 82 fauteurs du Sonderbund. Les élections du 10 décembre donnent naissance, avec une forte abstention, à un Grand Conseil majoritairement radical (radicalisme) qui rédige la Constitution du 4 mars 1848, non soumise au peuple, pas plus que ne le sera la Constitution fédérale en septembre. La nouvelle charte fribourgeoise défend la liberté, l'égalité, la souveraineté populaire mais est très anticléricale (anticléricalisme). Le Grand Conseil (un député pour 1500 habitants et dix députés indirects), en place pour neuf ans, élit un Conseil d'Etat de sept membres (avec système de directions) et un tribunal cantonal de neuf membres, pour huit ans. Le canton est doté d'une administration centralisée, avec sept préfectures et une nouvelle loi sur les communes et paroisses. Si le régime laisse une importante œuvre législatrice (instruction, fiscalité par exemple), il se rend impopulaire par sa politique anticléricale, qui débouche sur l'exil de l'évêque Etienne Marilley (1848-1856) et sur des insurrections armées (1850-1853). L'opposition conservatrice se réorganise et prouve sa force lors de l'assemblée de Posieux en mai 1852 en réunissant les deux tiers des électeurs (15'000 sur 22'000). Elle triomphe aux élections fédérales de 1854 et cantonales de 1856 malgré une ouverture tardive du régime.

Les vainqueurs de décembre 1856 sont une coalition formée pour deux tiers de conservateurs et un tiers de libéraux, de quelques radicaux et d'indépendants du Moratois. Les conservateurs ont mobilisé les masses rurales, mais les «modérés» dirigés par Hubert Charles, conduisent la politique cantonale. La Constitution est révisée et soumise à la sanction populaire en mai 1857 (90% de oui, un tiers d'abstentions). Texte de compromis, elle reprend la charpente étatique de 1848 sans les articles anticléricaux. Le Conseil d'Etat cherche à reconquérir une place de choix pour le canton dans l'Etat fédéral, mais Fribourg reste isolé. Louis de Weck-Reynold devient l'homme fort après 1871. La montée des tensions politiques et religieuses amènent l'éclatement de la coalition et le triomphe des conservateurs (conservateurs catholiques), organisés autour du journal La Liberté, du Piusverein (Association Pie IX) et du Cercle catholique. Weck-Reynold disparu (1880), François-Xavier Menoud et Alphonse Théraulaz s'affirment, pour dix ans, comme leaders d'un canton où le peuple, comme en 1830 et 1847, est marginalisé.

La République chrétienne (1881-1921)

«Voici comme on vote à Fribourg!». Caricature à propos des élections cantonales du 3 décembre 1911, parue dans Der Neue Postillon du 16 décembre 1911 (Bibliothèque nationale suisse, Berne).
«Voici comme on vote à Fribourg!». Caricature à propos des élections cantonales du 3 décembre 1911, parue dans Der Neue Postillon du 16 décembre 1911 (Bibliothèque nationale suisse, Berne). […]

Organisé sur le plan cantonal en 1885, inspiré par les idées de l'encyclique Rerum Novarum et dirigé par le charismatique Georges Python, le Parti conservateur résiste aisément à l'opposition radicale-libérale fédérée en un seul parti (Parti radical-démocratique, PRD, 1894). Une forte discipline électorale et un encadrement social étroit renforcent l'assise électorale des conservateurs, qui l'emportent dans la capitale restée longtemps «libérale» et en Gruyère, où une dissidence «fribourgeoisiste» (du nom de son organe Le Fribourgeois) est vite matée. Le régime (une «démocratie gouvernée») s'appuie sur un corps monolithique de fonctionnaires d'où provient une partie des députés. Il se lance dans de grands projets visant à développer une «économie nationale» pour lesquels le gouvernement doit recourir à l'emprunt et à l'endettement (plus de 90 millions de francs). De mauvais placements de la Banque de l'Etat, créée en 1892 (banques cantonales), provoquent des pertes financières que l'opposition radicale ne peut exploiter contre Python, mis personnellement hors de cause. Un radical, Antonin Weissenbach, entre en 1906 au Conseil d'Etat, mais démissionne en 1909 déjà. Python doit toutefois s'effacer devant Jean-Marie Musy, le nouveau chef conservateur, qui entre au Conseil d'Etat en 1911. Fribourg reste une démocratie strictement représentative et ce blocage institutionnel contraste avec le dynamisme économique et scolaire du gouvernement.

Le Conseil d'Etat de la décennie 1920 représenté en défenseur moderne de la liberté de l'Eglise. Détail du vitrail consacré à l'histoire fribourgeoise dans la cathédrale Saint-Nicolas, carton de Józef Mehoffer, 1932, exécuté par les peintres verriers Kirsch et Fleckner (Service des biens culturels, Fribourg; photographie Jean Mülhauser).
Le Conseil d'Etat de la décennie 1920 représenté en défenseur moderne de la liberté de l'Eglise. Détail du vitrail consacré à l'histoire fribourgeoise dans la cathédrale Saint-Nicolas, carton de Józef Mehoffer, 1932, exécuté par les peintres verriers Kirsch et Fleckner (Service des biens culturels, Fribourg; photographie Jean Mülhauser). […]

La Première Guerre mondiale place le canton bilingue dans une position difficile, la minorité alémanique étant ostensiblement défendue par la revue pangermaniste Stimmen im Sturm aus der deutschen Schweiz (pangermanisme), et la majorité romande se révoltant contre l'autoritarisme fédéral et manifestant bruyamment sa sympathie pour l'Entente («tumulte de Fribourg», 15-17 mars 1915). Lors de la grève générale de novembre 1918, le régiment fribourgeois, envoyé à Berne, est chargé d'expulser la mission soviétique et d'occuper les locaux de la Berner Tagwacht (Tagwacht). Dans le canton, la grève n'est guère suivie que par les employés des régies fédérales. Les socialistes (le parti a été fondé en 1905), après quelques succès (élus dans deux municipalités urbaines, Fribourg et La Tour-de-Trême) sont en perte de vitesse (Parti socialiste, PS). Les élections de 1916 sont marquées par une proportionnelle de fait au Grand Conseil: 93 députés conservateurs et 22 radicaux. Le radical Victor Buchs entre au Conseil d'Etat en 1919.

Des crises à l'ouverture économique (1921-1966)

La fin de la guerre et les réformes politiques sur le plan fédéral entraînent une importante révision constitutionnelle entre 1917 et 1921. Les droits populaires sont élargis: initiative législative, référendum législatif facultatif, élection du Conseil d'Etat par le peuple et élection du Grand Conseil à la proportionnelle. Ce passage à la démocratie semi-directe est tempéré par l'introduction d'un quorum de 15% pour l'élection des députés, ce qui nuit aux socialistes. Les élections de 1921 confirment les forces en présence: 90 députés conservateurs, 26 radicaux, trois agrariens et aucun socialiste. Le départ de Musy au Conseil fédéral en 1919 et la maladie de Python soulignent le manque de leaders et de grands projets dans une situation financière difficile, due à un contexte économique et social délicat. Fribourg subit les effets de la crise de reconversion de l'après-guerre et du marasme structurel de l'agriculture. Les autorités multiplient les possibilités d'emploi: ponts de Pérolles (1922) et de Zähringen (1924, remplaçant celui de 1832-1834), doublement de la voie CFF Romont-Siviriez (1920). Une légère reprise sera suivie de la crise mondiale de 1929. Les autorités prennent des mesures anticycliques tardives et timides (bâtiment de l'Université à Miséricorde, goudronnage du réseau routier, endiguements). L'essai d'une loi sur les corporations (1934) se heurte aux oppositions radicale et socialiste et reste sans lendemain. En 1935 cependant, le canton de Fribourg est l'un des rares cantons (avec le Valais et Obwald) à accepter le projet de constitution fédérale d'inspiration corporatiste (corporatisme, Etat corporatif).

L'après-guerre est marqué par une prise de conscience des autorités: retard industriel (industrie), stagnation démographique et émigration des forces vives sont dénoncés. La loi fiscale de 1950 permet l'exemption d'impôt pour les nouvelles entreprises. Sous l'impulsion de Maxime Quartenoud, puis de Paul Torche, le gouvernement développe l'économie cantonale par la construction de barrages et de routes nationales. Il profite de la bonne conjoncture et de la saturation des pôles du Moyen Pays, tout en transformant en atouts certaines spécificités fribourgeoises: terrains nombreux et bon marché, main-d'œuvre abondante avec de bas salaires, bonnes liaisons aux réseaux ferroviaire (chemins de fer) et autoroutier. Les structures du canton changent: le secteur primaire passe de 47% (1920) à 18% (1970) des actifs, le secondaire de 28 à 46% et le tertiaire (services) de 25 à 36%. Cette mutation économique, jointe à l'ouverture du canton aux médias romands (presse, télévision), à l'urbanisation ainsi qu'à la mutation du catholicisme (Vatican II), entraîne une redistribution des cartes politiques. Le Parti socialiste fait son entrée au Grand Conseil en 1946, alors que les conservateurs perdent peu à peu du terrain et que le Parti radical reste stable.

Les partis minoritaires essaient d'ébranler la forteresse conservatrice par des révisions constitutionnelles dont peu aboutissent: référendum financier facultatif (1948), éligibilité des Confédérés (1954), nombre de députés fixés à 130 et limitation à deux du nombre des conseillers d'Etat pouvant siéger au Parlement fédéral (1960). En 1966, les chrétiens-sociaux (mouvement chrétien-social) quittent pour la plupart le Parti conservateur qui subit un fort recul au Grand Conseil, perdant la majorité qu'il y détenait depuis 1857. Le système majoritaire lui permet, par une alliance avec les agrariens (Union démocratique du centre, UDC-PAI), de conserver la majorité au Conseil d'Etat.

Mutations et interrogations (dès 1966)

Le canton connaît un fort développement jusqu'en 1973. Sur le conseil des économistes de l'Université, il pratique un développement multipolaire appelé «décentralisation concentrée» s'appuyant principalement sur les chefs-lieux de district. Fribourg subit de plein fouet les effets des crises de 1973 et 1987. Le secteur tertiaire prend la place de l'industrie comme moteur de croissance. Le gouvernement et l'office de développement économique poursuivent la politique d'implantation de nouvelles entreprises, dans un environnement marqué par des restructurations et des concentrations (concentration économique) qui menacent des pionniers de l'industrialisation comme la brasserie Cardinal (1996-1998). Fribourg mise aussi sur le tourisme et remporte deux succès avec la priorité donnée à la route nationale A12 (1971), terminée en 1981, et par la participation à la réalisation de l'A1, ouverte en 2001. Le canton ressemble de plus en plus au reste de la Suisse, mais conserve certaines spécificités: une population jeune en forte croissance, un revenu inférieur à la moyenne suisse, un secteur agricole encore populeux, comme l'est aussi celui de la construction.

Si, en 1971, le corps électoral évince les radicaux du Conseil d'Etat au profit des socialistes, il fait l'inverse en 1976. La nouvelle répartition (quatre conservateurs devenus PDC, deux radicaux, un UDC-PAI) ne dure pas, car les chrétiens-sociaux singinois quittent le Parti démocrate-chrétien (PDC) qui, bien qu'allié à l'UDC-PAI, n'a dès lors plus de majorité populaire. Les cartes sont redistribuées en 1981 lorsque le PDC, adaptant sa stratégie à sa force électorale, renonce à son alliance électorale avec l'UDC-PAI et décide d'appliquer une proportionnelle de fait en visant trois sièges au gouvernement, radicaux et socialistes en prenant deux chacun. Cette «formule magique fribourgeoise» sera rapidement troublée par des élus UDC, sociaux-démocrates ou indépendants. Les élections de 2001 donnent trois sièges au PDC, deux au PS, un au PRD et un à un indépendant. En perte de vitesse depuis 2006, le PDC n'est plus majoritaire au sein du Grand Conseil depuis 2016. La constitution est révisée dans le sens de l'élargissement du corps électoral et des droits politiques: suffrage féminin (1971), élection des conseillers aux Etats et des préfets par le peuple (1972), référendum financier obligatoire (1972), éligibilité à 20 ans (jusqu'alors 25 ans) en 1985 et majorité civique à 18 ans (1991). Roselyne Crausaz, du PDC, entre au Conseil d'Etat en 1986, première femme à faire partie d'un exécutif cantonal en Suisse romande. Le souverain refuse par contre l'élection du Conseil d'Etat à la proportionnelle (1981) ou celle des juges par le peuple. En 2000, après une votation de principe positive (1999), le peuple élit une Assemblée constituante qui rédige une nouvelle charte fondamentale; elle est acceptée en mai 2004 (58% de oui).

Après l'élection au Conseil fédéral des conservateurs Jean-Marie Musy (1919-1934, président en 1925 et 1930) et Jean Bourgknecht (1959-1962), Fribourg a fêté celles du démocrate-chrétien Joseph Deiss (1999-2006, président en 2004) et du socialiste Alain Berset (2011). La députation aux Chambres fédérales a longtemps été majoritairement conservatrice: en 1959 encore, elle comptait quatre conseillers nationaux sur sept. Les conservateurs occupent toujours près d'un tiers des sièges au début du XXIe siècle. Le premier conseiller aux Etats non conservateur est le socialiste Otto Piller (1979-1995), si l'on excepte la parenthèse radicale des années 1850.

Au début du XXIe siècle, après l'attribution à Saint-Gall du Tribunal administratif fédéral (Tribunal fédéral) qu'il convoitait, le canton s'interroge sur son identité et sur sa place entre l'arc lémanique et le pôle bernois. Il tente d'appliquer l'article constitutionnel sur les langues officielles, voté en 1990, qui règle leur utilisation selon le principe de la territorialité et qui veut favoriser la compréhension entre les communautés. Fribourg accentue aussi son ouverture économique au monde entier, ses exportations dépassant les 5 milliards de francs (2001). Il collabore avec ses voisins neuchâtelois (Neuchâtel) et bernois (Berne) en matière énergétique ou universitaire (BENEFRI, Universités de Berne, Neuchâtel et Fribourg). Après la réalisation d'un hôpital valdo-fribourgeois sis à Payerne et la constitution d'un organe commun de promotion économique (COREB), Fribourg et Vaud ouvrent à Payerne en 2005 le gymnase intercantonal de la Broye. Le canton fait aussi partie de l'«Espace Mittelland» depuis sa création en 1994.

Sièges du canton de Fribourg à l'Assemblée fédérale 1919-2015

 19191939195919671979199119992003200720112015
Conseil des Etats
Conservateurs catholiques/PDC22221111111
PRD      1    
PS    11 1111
Conseil national
Conservateurs catholiques/PDC64433222222
PRD12121111111
PAI/UDC 11  1 1112
PS  112122232
PCS     1111  
Total77766667777
Sièges du canton de Fribourg à l'Assemblée fédérale 1919-2015 -  Statistique historique de la Suisse; Office fédéral de la statistique

Le Conseil d'Etat du canton de Fribourg 1981-2016

 19811986199119962001200620112016
PDC33333333
PRD21 11111
PS22222222
UDC 11     
PSD  1     
Verts      11
Autres   111  
Total77777777
Le Conseil d'Etat du canton de Fribourg 1981-2016 -  Statistique historique de la Suisse; Office fédéral de la statistique

Le Grand Conseil du canton de Fribourg 1921-2016

 19211941196119661971198119912001200620112016
Conservateurs catholiques/PDC9084745657474645373127
PRD2528343430292426191721
PAI/UDC33128991016182121
PS  102129332926252928
PCS   8512910444
PSD      75   
Verts      41336
Autres 3 3  11453
Total118118130130130130130130110110110
Le Grand Conseil du canton de Fribourg 1921-2016 -  Statistique historique de la Suisse; Office fédéral de la statistique

Gestion de l'Etat et administration

Dès 1803, l'Etat de Fribourg s'inspire des modèles bernois et français quant à son organisation. Les districts sont des découpages administratifs, judiciaires et électoraux (12 préfectures en 1814, 13 districts en 1831, sept en 1848 et 1857, inchangé depuis). Les communes politiques sont des corporations de droit public, autonomes dans la limite des législations cantonales et fédérales. Elles ont des compétences fiscales étendues et leurs propres autorités: un Conseil communal (exécutif) qui élit le syndic et une Assemblée communale, remplacée par un Conseil général (parlement communal) dans les grandes communes (autorités communales). Les communes bourgeoises ont subsisté et administrent leurs biens. Les communes collaborent au sein d'associations et procèdent à des fusions volontaires, encouragées par l'Etat qui met à disposition un fonds spécial: le canton comptait 271 communes en 1977, 202 en 2002, 182 en 2004. Le canton a aussi promulgué en 1996 une loi sur la création des agglomérations.

Sur le plan cantonal, le pouvoir législatif appartient au Grand Conseil (130 députés en 2004) et l'exécutif au Conseil d'Etat (Petit Conseil jusqu'en 1813), dirigé par un président (avoyer jusqu'en 1847) et qui est passé du système des commissions (plusieurs conseillers sont responsables d'un domaine) à celui des directions (un conseiller est responsable d'un domaine) en 1848. Les préfets représentent le gouvernement dans les districts. Autrefois nommés par le gouvernement, ils sont élus par le peuple depuis 1972, ce qui fait d'eux les coordinateurs de l'action des communes. Le pouvoir judiciaire (tribunaux) regroupe le tribunal cantonal (d'appel), le tribunal administratif (1990), le tribunal pénal économique, sept tribunaux d'arrondissement (un par district) avec leur chambre des prud'hommes, 29 justices de paix, trois tribunaux des baux à loyer et la chambre pénale des mineurs.

En 1803, l'administration cantonale centrale comptait 14 personnes auxquelles s'ajoutait une quarantaine d'agents chargés des domaines, des régales ou employés dans les districts. L'Etat dispose en 1977 de 4000 fonctionnaires et de 8000 équivalents plein temps d'agents publics en 2002. En 1803, il gérait ses biens et régales, rendait la justice et se consacrait aux affaires militaires, routières et administratives. Il perd la régale des douanes, des postes et des monnaies en 1848, le contrôle des affaires militaires en 1848 et 1874. De nouvelles tâches apparaissent en 1848, notamment en matière scolaire et économique. Depuis 1945, le rôle de l'Etat s'est accru afin de répondre à l'expansion démographique et économique ainsi qu'aux besoins sociaux.

Le canton encaisse jusqu'en 1847 les revenus de ses domaines et de ses régales (postes, poudres, sel) ainsi que ceux des péages. Les dépenses augmentent fortement en 1848 (plus d'un million de francs) et le canton prélève dès lors un impôt (sur les immeubles, les capitaux et les revenus) et des droits de mutation. Les recettes de l'Etat progressent: 4 millions en 1900, 25 en 1945, 210 en 1970 et 2 milliards en 2001, année où les impôts représentent 34% des recettes, alors que les apports de la Confédération (subventions) en constituent 30%. Le peuple dispose du référendum financier, facultatif depuis 1948, obligatoire depuis 1972.

L'unification du droit prend plusieurs décennies: le Code civil et le Code pénal datent de 1849, les Codes de procédure civile et pénale de 1850. Le canton dispose d'une maison de correction et d'une maison de force, installée en 1851 dans l'ancien couvent des augustins, en ville de Fribourg (prisons). Les détenus, d'abord affectés à des travaux publics, sont transférés en 1899 au pénitencier de Bellechasse. Les forces armées sont organisées par la loi de 1804 pour répondre aux obligations de l'acte de Médiation. Ce système de milice reposant sur le service obligatoire est modifié par les lois de 1819 et 1844. Après 1874, Fribourg n'obtient pas de place fédérale de premier rang, mais plusieurs casernes et places d'armes (Planche et Poya en ville de Fribourg, Drognens à Siviriez).

Redevenu Etat souverain, Fribourg frappe, de 1806 à 1826, des pièces de 4, 1 et 0,5 francs, 1 et 0,5 batz. Suivant le concordat monétaire de 1825 l'unissant à cinq autres cantons (alliances et concordats monétaires), il frappe ensuite, de 1827 à 1848, des pièces de 5, 1, 0,5 et 0,25 batz. L'Etat exerce la régale du sel en monopolisant la vente de sels importés de Suisse ou de France. Il crée une régie cantonale des postes en 1832, pour remplacer l'ancien système de l'affermage à la famille Fischer de Berne.

Un conseil de santé est établi en 1803. L'Etat et les médecins instaurent une politique sanitaire, notamment par le biais des vaccinations. En 1803, l'hôpital des bourgeois devient communal. L'hôpital psychiatrique de Marsens ouvre en 1875, l'hôpital cantonal est fondé en 1913 et installé en 1971 dans un nouveau bâtiment. En 1982, le canton a introduit l'obligation de s'assurer contre la maladie et les accidents; en 1989 il essaie de coordonner la politique hospitalière avec Médiplan.

Société, économie et culture aux XIXe et XXe siècles

Démographie et peuplement

Dans ses frontières actuelles, le canton de Fribourg comptait 61'000 habitants en 1785 et 67'814 habitants en 1799. Bien que l'un des six cantons directeurs durant la Médiation, Fribourg ne fait pas partie des six cantons les plus peuplés; il représente alors 4% de la population suisse, mais cette proportion diminuera au fil du temps: encore 4,17% en 1850, 3,86% en 1900, 3,36% en 1950 et 3,33% en 2000. Le rang qu'il occupe parmi les cantons recule (huitième en 1836, treizième en 1960, quatorzième en 1970), puis se stabilise (douzième en 2000). La population du canton est multipliée par 1,88 de 1811 à 1910, ce qui est inférieur à la croissance nationale (multiplication par 2,13). La forte natalité, qui ne commence à fléchir qu'à partir de 1910 (33,6‰), et la baisse de la mortalité depuis 1850 (20,5‰ en 1910) engendrent dès 1880 un fort excédent naturel.

Image votive implorant la protection de la Vierge pour des émigrants partis d'Estavayer le 4 juillet 1819 tenter leur chance au Brésil, aquarelle anonyme © Musée d'art et d'histoire Fribourg.
Image votive implorant la protection de la Vierge pour des émigrants partis d'Estavayer le 4 juillet 1819 tenter leur chance au Brésil, aquarelle anonyme © Musée d'art et d'histoire Fribourg.
Première page du registre mortuaire de 292 colons partis fonder Nova Friburgo le 4 juillet 1819, dressé en octobre 1821 par Jacob Joye, de Villaz-Saint-Pierre, premier curé de la colonie brésilienne (Archives de la paroisse catholique de Saint-Martin, Fribourg; photographie Tilman Kehren).
Première page du registre mortuaire de 292 colons partis fonder Nova Friburgo le 4 juillet 1819, dressé en octobre 1821 par Jacob Joye, de Villaz-Saint-Pierre, premier curé de la colonie brésilienne (Archives de la paroisse catholique de Saint-Martin, Fribourg; photographie Tilman Kehren). […]

La population fribourgeoise n'augmente toutefois pas dans les mêmes proportions à cause de l'émigration. Celle-ci est liée au service à l'étranger jusqu'en 1848, date à laquelle il est aboli. Le départ vers Nova Friburgo au Brésil est un cas particulier: fuyant la misère des années 1816-1817, les émigrants trouvent la pauvreté sous les tropiques. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, l'émigration civile s'amplifie pour atteindre des niveaux considérables en 1900-1910; les Fribourgeois s'installent massivement à Genève. Les difficultés de l'agriculture et le développement tardif de l'industrie expliquent cette hémorragie, facilitée par le nouveau réseau ferroviaire (chemins de fer). En 1910, la population est encore largement rurale. Quant aux villes, seule la capitale dépasse les 10'000 habitants: elle compte alors 20'993 âmes (5117 en 1798), soit 15% de la population du canton, donc bien plus qu'en 1798 (8%), et se place loin devant Bulle (4035 habitants) et Guin (3956 habitants). L'émigration, qui absorbe entre le tiers et la moitié de l'accroissement naturel, est freinée jusqu'en 1910 par la politique économique du régime Python; après cette date, elle s'accélère, favorisée par les brassages de population dus à la guerre et à la mobilisation.

Les années 1910-1960 sont marquées par un faible accroissement, les décennies 1920-1930 et 1950-1960 étant caractérisées par une quasi- stagnation. Le canton effectue sa transition démographique tout en conservant un excédent naturel situé autour de 1% par an. L'émigration s'accroît encore. La composition de la population se modifie: de 1910 à 1960, la part des Fribourgeois recule de 86 à 77%, celle des Confédérés passe de 10 à 19% et celle des étrangers reste stable à 4%. Les Fribourgeois qui résident hors de leur canton sont de plus en plus nombreux: 23'714 en 1910, 52'489 en 1941 et 88'892 en 1960. Cette perte de substance amène les autorités à réagir par une vigoureuse politique d'industrialisation dès les années 1950. Les effets en sont encore peu perceptibles dans le recensement de 1960, mais évidents ensuite: la population augmente beaucoup plus vite et le bilan migratoire, sauf lors de la récession des années 1970, est positif, largement grâce à la main-d'œuvre étrangère. L'accroissement profite surtout aux villes, dans le cadre de la politique de «décentralisation concentrée». L'agglomération centrée sur le chef-lieu, avec notamment Villars-sur-Glâne, Marly et 23 autres communes, groupe 95'000 habitants en 2000, soit 40% des Fribourgeois. L'agglomération bulloise compte 14'552 habitants (6% du canton). Beaucoup plus loin suivent Morat (5578 habitants), Estavayer-le-Lac (4437), Châtel-Saint-Denis (4389) et Romont (3964). Les communes du nord-est comme Schmitten (3280 habitants) et Bösingen (3117 habitants) regardent vers Berne, la ville fédérale attirant aussi des navetteurs venus du Grand-Fribourg; Wünnewil et Flamatt (ensemble 4916 habitants) font partie de l'agglomération bernoise.

L'excédent naturel diminue fortement dès 1970; seul le bilan migratoire positif explique le dynamisme démographique des décennies 1970-2000. Ce bilan montre un apport de 32'738 personnes de 1980 à 2000, 56% d'étrangers. La population étrangère est passée de 4168 (1950) à 32'938 personnes (2000), mais sa part est modeste par rapport à celle d'autres cantons (2,6% en 1950, 13,6% en 2000) et reste inférieure à la moyenne suisse. La composition de cette population étrangère s'est modifiée: la part des Européens a reculé de 93% (1950) à 86% (2000). En 1950, Italiens (39%), Français (23%) et Allemands (15%) dominaient, alors qu'en 2000, les groupes principaux viennent du Portugal (25%), de l'ex-Yougoslavie (19%), d'Italie (11%), de France (9%) et d'Espagne (7%). Les Africains constituent 6% des étrangers, les Asiatiques et les Américains chacun 4%.

Evolution démographique du canton de Fribourg 1836-2000

AnnéeHabitantsEtrangersCatholiquesFrancophonesStructure par âge (60 ans et plus)PériodeAccroisse-mentaExcédent naturelaSolde migratoirea
183691 1452,1%       
184295 611    1842-1850  -1,8‰
185099 8911,3%87,8%  1850-18604,3‰3,4‰0,9‰
1860105 5231,8%85,3% 7,6%1860-18704,4‰6,5‰-2,1‰
1870110 409b2,2%84,8% 8,6%1870-18804,0‰6,6‰-2,6‰
1880114 994b1,9%84,2%68,7%9,4%1880-18884,5‰9,3‰-4,8‰
1888119 4551,9%84,3%68,5%9,7%1888-19006,0‰9,8‰-3,8‰
1900127 9513,4%84,8%68,3%9,6%1900-19108,8‰13,1‰-4,3‰
1910139 6545,2%86,1%67,7%9,1%1910-19202,4‰10,4‰-8,0‰
1920143 0553,8%86,2%67,6%8,8%1920-19300,1‰12,1‰-12,0‰
1930143 2303,0%86,4%66,7%9,9%1930-19415,4‰9,1‰-3,7‰
1941152 0531,9%86,3%66,8%11,0%1941-19504,8‰11,8‰-7,0‰
1950158 6952,6%86,4%65,7%11,8%1950-19600,3‰9,2‰-8,9‰
1960159 1944,0%86,3%63,4%13,5%1960-197012,4‰9,7‰2,7‰
1970180 3099,3%85,8%60,3%15,0%1970-19802,7‰5,0‰-2,3‰
1980185 2467,7%83,2%61,4%17,1%1980-199014,2‰3,7‰10,5‰
1990213 57112,6%79,3%61,0%17,1%1990-200013,0‰5,2‰7,8‰
2000241 70615,3%70,4%63,2%17,0%    

a Taux moyen annuel

b Population «présente»

Evolution démographique du canton de Fribourg 1836-2000 -  Statistique historique de la Suisse; recensements fédéraux; Office fédéral de la statistique

Economie

En 1803, l'agriculture occupe près des trois quarts des bras, l'artisanat un cinquième. Le canton atteint l'autosuffisance céréalière, tout en exportant des fromages et du bétail. L'apogée de cette économie agraire se situe vers 1850-1870, mais la crise économique des années 1873-1895 révèle sa fragilité. L'agriculture représente toujours 53% des actifs en 1910, alors que l'artisanat et l'industrie en occupent 27% et les services 20%. Au milieu du XXe siècle encore, Fribourg compte un nombre de paysans double de celui de la moyenne nationale et figure dans les dernières places du revenu par habitant. En 2000, le secteur primaire occupe environ un actif sur dix, le secondaire un sur quatre et le tertiaire près de deux sur trois. Le revenu cantonal représente, en 2000, 2,4% du revenu national, alors que le canton compte 3,3% de la population du pays, ce qui reflète un manque d'emplois très qualifiés et d'entreprises à forte valeur ajoutée, ainsi qu'une population jeune en bonne partie encore en formation.

Voies de communication

La gorge de la Sarine et le viaduc ferroviaire de Grandfey sur la ligne Fribourg-Berne. Photographie de chantier, 26 octobre 1925 (Service des biens culturels, Fribourg).
La gorge de la Sarine et le viaduc ferroviaire de Grandfey sur la ligne Fribourg-Berne. Photographie de chantier, 26 octobre 1925 (Service des biens culturels, Fribourg). […]

L'Etat a veillé, malgré des moyens limités, à la création de bonnes routes formant un réseau de plus en plus dense. Le procédé macadam est utilisé dès 1830, le cylindrage dès 1910 et le goudronnage après 1918. Les principaux ouvrages d'art sont souvent des ponts suspendus comme ceux de la capitale (celui de Zähringen de 1832 à 1834 et celui du Gottéron de 1839-1840), qui seront remplacés par des ouvrages en béton armé. Le canton intervient en 1856 dans la question de la voie ferrée Berne-Lausanne en obtenant le tracé par le chef-lieu, au détriment de la ligne de la Broye. Il injecte dans la construction de cette ligne et de ses embranchements (Bulle-Romont, Palézieux-Lyss, Fribourg-Yverdon) plus de 45 millions de francs. La réalisation de lignes secondaires électrifiées dès 1890 (Fribourg-Morat-Anet, Châtel-Bulle-Montbovon, Bulle-Broc et Tramways de Fribourg) nécessitera un nouvel apport de fonds publics. L'Etat soutiendra la fusion de trois lignes régionales et du réseau d'autobus développé à partir de 1914 en une compagnie Gruyères-Fribourg-Morat ou GFM, dont il contrôle presque tout le capital (1942). Les GFM fusionnent en 2000 avec les Transports en commun de la ville de Fribourg pour former les Transports publics fribourgeois ou TPF. Le canton réussit à faire mettre sur un pied d'égalité, par les autorités fédérales, l'autoroute A12 (1981) passant par la capitale et la A1 (2001) par Morat et utile à l'ouest du canton. Le mode d'habitat et la constitution de grands centres commerciaux ont fortement contribué à augmenter la demande en transports privés ou publics.

Agriculture

L'agriculture et la sylviculture font donc vivre près des trois quarts de la population vers 1810. Les Préalpes sont le domaine de l'élevage et des fromages, la zone des collines abrite des prairies et des cultures, et les zones basses près des lacs de Neuchâtel et de Morat sont réservées aux emblavures. Les exportations de bétail, de fromage et de bois suffisent à équilibrer les importations. Juridiquement, l'agriculture subit une grande mutation. Il y a tout d'abord une lente libération des charges féodales déclarées rachetables en 1803 et 1804, mais à des taux onéreux. Le rachat ne sera obligatoire que depuis 1838 et 1844 et il endettera les paysans pour quatre décennies; la loi sur le rachat des dîmes date de 1833. La liberté d'enclore (enclosures, 1808), la suppression des droits de parcours (1809), le recul des droits d'usage et le partage des biens communaux sont des signes du nouvel individualisme agraire (paysannerie).

Pour répondre à la hausse de la population, les paysans augmentent leur production en étendant la surface cultivée, en débroussaillant et en drainant des terrains. La jachère est supprimée, les assolements sont plus longs (6 à 9 ans) et plus diversifiés et de nouvelles cultures s'imposent (pomme de terre, colza). L'outillage s'améliore lentement. Un réseau de caisses d'épargne citadines, puis la Caisse hypothécaire du canton de Fribourg (1853) fournissent du crédit. L'amélioration des routes cantonales et le premier réseau ferroviaire helvétique favorisent la diffusion des produits fribourgeois. De riches propriétaires-agronomes fondent en 1848 la Société fribourgeoise d'agriculture (sociétés d'agriculture). Cette croissance extensive amène une relative aisance dans les années 1850-1870.

L'équilibre régional se modifie au détriment des zones montagneuses: le fromage est de plus en plus fabriqué en plaine. Cette période heureuse prend fin après 1870 avec la grande crise mondiale et l'arrivée massive de produits agricoles étrangers. Vu la chute des prix des céréales, les emblavures reculent beaucoup (20% du sol en 1907); la pomme de terre et la betterave sucrière se consolident. Mais l'élément essentiel est l'avancée de l'élevage bovin qui s'appuie sur le progrès des cultures fourragères, lié à l'emploi d'engrais minéraux. Les exportations de viande et la production de lait (33 millions de kg en 1880, 111 millions en 1910) progressent. Ce lait (industrie laitière) alimente des fabriques de lait condensé et des chocolateries.

Forts de ce nouvel essor, les paysans créent la Fédération des sociétés fribourgeoises d'agriculture (1894) qui adhère à l'Union suisse des paysans (1897). Une lutte intense s'engage pour défendre un prix élevé du lait. Les exploitations se concentrent peu à peu (9,7 ha de moyenne en 1900, mais 50% d'entre elles ont moins de 5 ha et seulement 10% plus de 20 ha). Les autorités cantonales réagissent à la crise de 1873 et commencent à verser des subventions aux agriculteurs. Elles créent une école de fromagerie (Grangeneuve) et une station laitière (1888), puis des cours agricoles (1891). La Première Guerre mondiale amène une prospérité artificielle et éphémère dans les campagnes.

Paysan en chemin vers la tannerie avec une peau de veau séchée. Photographié en ville de Fribourg par Jacques Thévoz, 1951 © Bibliothèque cantonale et universitaire Fribourg, Fonds Jacques Thévoz.
Paysan en chemin vers la tannerie avec une peau de veau séchée. Photographié en ville de Fribourg par Jacques Thévoz, 1951 © Bibliothèque cantonale et universitaire Fribourg, Fonds Jacques Thévoz. […]

Le retour de la concurrence étrangère, la trop grande spécialisation dans des produits laitiers mal commercialisés et une épidémie de fièvre aphteuse (1919-1920) génèrent un marasme durable, aggravé par la crise de 1929. Les autorités cantonales transforment Grangeneuve en centre de recherche et d'enseignement (1919 et 1922) et soutiennent la mécanisation des exploitations. Dans les années 1930, l'Etat prône toujours une agriculture autarcique en pratiquant notamment «la colonisation intérieure», position confortée par l'effort agricole durant la Deuxième Guerre mondiale (plan Wahlen). Les paysans, regroupés dans l'Union des paysans fribourgeois (1929), voient leur rôle reconnu par le canton et la Confédération (loi de 1952). La loi fédérale sur l'aide aux investissements en région de montagne de 1974 (LIM) et le contingentement laitier confirment le rôle croissant des pouvoirs publics. Les agriculteurs modernisent leurs exploitations qui diminuent en nombre: 12'664 en 1939, 5436 en 1985, 4493 en 1996 et 3763 en 2001. Les années 1990 marquent le recul de l'aide publique et l'ouverture des frontières, qui obligent les paysans à devenir des entrepreneurs. L'agriculture pèse encore d'un poids certain dans le canton. Alors que celui-ci représente 3,3% de la population suisse, il compte 5,5% des exploitations agricoles, 7,2% de la surface agricole, 7,9% des bovins et encaisse 6,7% des paiements directs.

Arts et métiers, industries

Affiche publicitaire pour la fabrique de machines Gottfried Frey, spécialisée dans les installations de chauffage central. Lithographie d'A. Thellung, Zurich, vers 1900 (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Collection d'affiches).
Affiche publicitaire pour la fabrique de machines Gottfried Frey, spécialisée dans les installations de chauffage central. Lithographie d'A. Thellung, Zurich, vers 1900 (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Collection d'affiches).

Au début du XIXe siècle, seules la verrerie de Semsales (qui fermera en 1915) et la papeterie de Marly (fermée dans les années 1920) sont des entreprises industrielles. Le tressage de la paille est au stade protoindustriel (protoindustrialisation) et l'industrie est conçue comme une entreprise de lutte contre le paupérisme. La liberté du commerce et de l'industrie décidée au niveau suisse en 1798 est remise en cause dès 1803. Les régimes politiques successifs sont très réservés quant à une intervention étatique (1803-1881) et concentrent leurs efforts sur le réseau routier et ferroviaire. Quelques industries s'installent pourtant: l'horlogerie à Montilier, une fabrique d'engrais et des imprimeries à Fribourg, la condenserie Nestlé & Anglo Swiss à Guin. En ville de Fribourg, la régie créée à l'initiative du Neuchâtelois Guillaume Ritter en 1869 fait faillite en 1875: un barrage sur la Sarine fournissait l'eau courante à la ville et l'énergie aux industries (cartonnage, fonderie) installées sur le plateau de Pérolles.

La reprise économique de 1895 favorise une éclosion d'entreprises dans le secteur alimentaire (chocolateries, condenseries, lait en poudre, brasseries), dans le bois et les condensateurs électriques (industrie électrique); situées à Fribourg, Bulle-Broc et Morat, elles sont toutes de taille moyenne, à l'exception de la chocolaterie Cailler à Broc. Le nombre de fabriques (au sens de la loi de 1877) passe de 23 (1878) à 112 (1911) et celui des ouvriers de 700 à 4176, mais l'industrie fribourgeoise reste largement axée sur l'écoulement des produits agricoles. Les milieux d'entrepreneurs s'organisent en créant une Union cantonale des arts et métiers (1906) et la Société cantonale du commerce et de l'industrie (1909).

La guerre de 1914-1918 et la grève générale de 1918 marquent un coup d'arrêt à l'industrialisation du canton. Les autorités réagissent aux crises en ouvrant de grands chantiers, mais ne soutiennent pas directement l'industrie. La prise de conscience de la nécessité de l'industrialisation apparaît dans les années 1940 et se concrétise dans les années 1950. Des mesures d'exonération fiscale, la construction des autoroutes et de nouveaux barrages (Schiffenen en 1963), la création d'un organe de promotion économique témoignent de la nouvelle mentalité fribourgeoise. Fribourg offre des terrains et une main-d'œuvre bon marché qui attirent les industriels (Ciba et la photochimie en 1960) et les succursales des grandes banques suisses. La métallurgie et les machines rivalisent désormais avec les branches de l'industrie alimentaire, du bois et de la construction. La crise de 1973 montre toutefois la fragilité de ce tissu industriel. Les années 1980 et 1990 confirment que l'industrie n'est plus le moteur de la croissance à Fribourg. Occupant encore un bon quart des actifs (26,9% en 2000), elle a passé le relais du dynamisme aux services. L'Etat cherche à développer les secteurs porteurs comme l'électronique.

Structure de l'emploi dans le canton de Fribourg 1860-2000a

AnnéeSecteur primaireSecteur secondaireSecteur tertiairebTotal
186034 80456,2%12 58620,3%14 54523,5%61 935
1870c32 44466,4%11 70623,9%4 7289,7%48 878
1880c31 92061,2%13 98126,8%6 27212,0%52 173
188829 26857,0%12 78424,9%9 27318,1%51 325
190029 54051,8%16 19428,4%11 26819,8%57 002
191028 76648,8%16 22427,5%13 98323,7%58 973
192028 38546,6%17 22228,2%15 40025,2%61 007
193026 23444,6%17 05629,0%15 51226,4%58 802
194127 28443,1%17 97728,4%18 04728,5%63 308
195022 94835,4%22 36334,6%19 41930,0%64 730
196017 48227,2%26 31040,9%20 54731,9%64 339
197014 06517,9%35 42545,1%28 98837,0%78 478
198010 75513,0%31 55238,3%40 15748,7%82 464
19907 5167,1%34 51332,8%63 33560,1%105 364
2000d7 1075,8%28 19422,9%87 69071,3%122 991

a Sans la population occupée à temps partiel jusqu'en 1960

b Total de la dernière colonne moins les secteurs primaire et secondaire, y compris «inconnu»

c Population «présente»

d L'importance des «sans indication» (18 174) en 2000 rend difficile la comparaison avec les recensements précédents.

Structure de l'emploi dans le canton de Fribourg 1860-2000 -  Recensements fédéraux; Statistique historique de la Suisse

Services

Le secteur tertiaire occupe 9% de la main-d'œuvre en 1811, 12% en 1870, 36% en 1970. Ce taux s'approchait de la moyenne nationale en 2000 (66,3%, Suisse: 67,5%). Les services ne dépassent l'industrie que dans la décennie 1970-1980. En 2000, les activités suivantes se partageaient les emplois du tertiaire: commerce (26%), santé et social (14,7%), enseignement (9,7%), immobilier et autres services (12,3%), hôtellerie et restauration (6,9%), administration publique (8,8%), transports et communications (8,3%) etc.

Le tourisme joue un rôle mineur. Les visiteurs de l'époque romantique viennent admirer le site de la capitale, le Grand Pont suspendu et les orgues de la collégiale de Saint-Nicolas. A la fin du XIXe siècle, bains ou paysages préalpins attirent les étrangers. L'engouement pour les sports d'hiver après 1945 suscite le développement de Charmey, du Moléson, des Paccots et du lac Noir.

Le secteur bancaire apparaît au XIXe siècle avec des caisses d'épargne dans les villes (Morat en 1824, Fribourg en 1829). Après l'échec de la Banque cantonale fribourgeoise (1850), née d'une initiative radicale, les conservateurs fondent la Banque de l'Etat de Fribourg (1892), alors que les grandes banques suisses ne s'installeront qu'après 1945 dans le canton. La Caisse d'assurance pour le bétail est créée en 1808, l'établissement d'assurance contre les incendies en 1812.

Société

Le principe de l'égalité des droits est instauré en 1798 et en 1803. La Médiation (1803-1813) et surtout la Restauration (1814-1830) voient le retour au pouvoir des anciennes élites patriciennes et nobles (patriciat, noblesse). Le cens électoral et les privilèges de naissance sont supprimés en 1831. Sous la Régénération (1831-1847), les dirigeants viennent de milieux plus larges (hommes de loi, entrepreneurs, riches paysans) tant chez les libéraux que chez les conservateurs, mais tous maintiennent le peuple à l'écart. Il en sera de même sous les régimes radical (radicalisme, 1848-1856) et libéral-conservateur (1857-1881), même si les citoyens sont amenés à voter la Constitution de 1857 qui leur accorde un rôle réduit. Sous la République chrétienne, le régime sait mobiliser les masses rurales et contrôler les villes, tout en écartant le peuple des centres du pouvoir réservé à une élite bien formée et fidèle.

Les grosses fortunes sont rares et basées sur des propriétés foncières et immobilières, à côté desquelles on trouve beaucoup de petites exploitations agricoles. Le canton connaît longtemps une grande pauvreté qui n'est pas limitée aux années de disette comme 1816-1817. Au milieu du XIXe siècle, 7% des Fribourgeois sont indigents et ce phénomène persiste jusque vers 1950, alimentant une forte «émigration de misère». Le législateur instaure d'abord une charité légale à charge des paroisses (1811) avant d'opter pour un droit à l'assistance financé par les communes (1850). La modestie des moyens de l'Etat et la mentalité dominante poussent le Grand Conseil à voter une loi qui confie les pauvres à la charité privée (1869). La loi de 1928 remet les pauvres à leur famille, puis à leur commune d'origine, celle de 1951 les renvoie à leur commune de domicile. La lutte contre la mendicité et le vagabondage est pratiquée de manière active par les autorités qui surveillent de manière sévère les heimatlos.

Le canton voit se développer au XIXe siècle une riche vie associative autour des sociétés de tir, de gymnastique, de chant et de musique instrumentale. La vitalité de la vie locale amène aussi à créer dans les villes des «sociétés de voisinage». Après 1850, les associations ouvrières et catholiques se développent, le syndicalisme chrétien-social (mouvement chrétien-social) luttant contre les syndicats socialistes (socialisme). Le XXe siècle voit se multiplier et se diversifier la vie associative: sociétés sportives (football, athlétisme), sociétés de jeunesse, sociétés de paysannes, sociétés de théâtre par exemple.

La société fribourgeoise a durablement relégué la femme au rôle de mère de famille. Les femmes jouaient pourtant un rôle important dans l'agriculture, rôle confirmé durant les deux conflits mondiaux. Georges Python lutte pour l'instruction des filles aux niveaux secondaire et universitaire. Le développement économique après 1950 accentuera le poids des femmes dans la vie active. En politique, l'opinion des hommes évolue: ils refusent l'accès des femmes à certaines fonctions publiques en 1952 et le suffrage féminin sur le plan fédéral en 1959, mais le Grand Conseil en accepte le principe en 1969 sur le plan cantonal. Le corps électoral accorde l'égalité politique aux femmes en 1971 sur les plans cantonal et fédéral (71% de oui).

Langues et religions dans le canton de Fribourg en 2000
Langues et religions dans le canton de Fribourg en 2000 […]

Le dualisme linguistique devient un problème après 1950. Les habitants du canton ont longtemps parlé les patois francophones et les dialectes alémaniques de la Singine, du Moratois et de la région du Jaun. L'invasion des armées du Directoire (invasion française) donne pour la première fois au français une position dominante, les Alémaniques souffrant d'un complexe d'infériorité économique et sociale. Si des Moratois sont devenus conseillers d'Etat au XIXe siècle, il faut attendre 1946 pour voir le premier Singinois au gouvernement. Le développement économique et le brassage des populations amènent des résultats paradoxaux, soit un recul des germanophones dans leur fief de la capitale (35% en 1900, 23% en 2002) et une avance dans les communes de l'agglomération. De 1880 à 2000, la part des francophones a reculé de 11% et celle des germanophones de 4% au profit des communautés étrangères. La création et les actions de la Deutschfreiburgische Arbeitsgemeinschaft (1959, communauté de travail alémanique fribourgeoise) ont contribué à l'égalité complète des deux langues sur le plan constitutionnel, mais ont aussi suscité la formation de la Communauté romande du Pays de Fribourg (1985), groupements qui s'affrontent en matière de territorialité des langues, de statut linguistique des communes et de lieu de scolarisation des enfants appartenant à une minorité linguistique locale.

Vie religieuse, formation et culture

Confessions et religions

L'unité confessionnelle disparaît en 1803 avec l'incorporation du Moratois réformé (protestantisme), petite minorité (9% en 1911) dans un monde catholique. Les remises en cause dues à la République helvétique, aux débuts du régime libéral (1830-1834) et au régime radical (1848-1856), ne durent pas face au fort sentiment religieux des Fribourgeois. L'arrivée d'un grand nombre de prêtres émigrés pendant la Révolution et de membres des congrégations françaises chassées par les lois Combes (1903) complète l'action du clergé et des congrégations autochtones qui s'appuient sur une religiosité populaire et baroque. Le peuple est fortement encadré dans des structures paroissiales et des œuvres couvrant tous les registres: dévotions, jeunesse, charité, syndicats, banques, culture et presse. Le chanoine Joseph Schorderet incarne, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'apogée de ce catholicisme ultramontain (ultramontanisme) qui investit la politique. L'élite conservatrice exerce une emprise très forte sur la culture cantonale et crée des régimes dits de chrétienté: gouvernement Louis Fournier (1840-1847) qui adhère au Sonderbund et «République chrétienne» de Georges Python. Ce dernier combine l'associationnisme et la presse catholique pour mobiliser l'électorat et s'appuie sur les élites issues de l'Université de Fribourg (1889), qui s'est résolument voulue catholique. S'inspirant du corporatisme, le régime de Joseph Piller (1933-1946) veut un Etat chrétien, une démocratie privilégiant l'autorité et un fédéralisme vivace au niveau suisse. Après 1945, le concile Vatican II, les mutations socioéconomiques et la sécularisation de la société réduisent fortement l'importance des forces religieuses dans le canton et l'on trouve des croyants dans tout le spectre politique cantonal. Vatican II a amené plus de participation des fidèles à la vie de l'Eglise, notamment par la création d'un conseil presbytéral (évêque et clercs) et d'un conseil pastoral incluant des laïcs, bientôt relayés par un synode diocésain (1972-1975). De grands pas ont été faits vers l'œcuménisme.

Ni séparation, ni union, c'est ainsi que l'on peut définir les rapports entre l'Etat fribourgeois et l'Eglise catholique. La Constitution de 1857 reconnaît la liberté de conscience et de croyance, le catholicisme étant toutefois encore la religion de la majorité du peuple fribourgeois. Celui-ci dépend du diocèse de Lausanne, devenu diocèse de Lausanne et Genève en 1819, de Lausanne, Genève et Fribourg en 1924. Divers accords règlent les rapports entre Eglise et Etat (1858, 1867, 1924). La révision de la Constitution de 1982 accorde un statut de droit public aux confessions catholique et réformée et un statut de droit privé aux autres confessions et religions. Elle a débouché sur une loi concernant les rapports Eglise-Etat (1990) et la mise en place d'un statut ecclésiastique (1997).

Affiche pour le 20e congrès international de Pax romana en 1946, réalisée par Oscar Cattani (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
Affiche pour le 20e congrès international de Pax romana en 1946, réalisée par Oscar Cattani (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste). […]

La religion réformée est d'abord cantonnée dans le Moratois (1803-1847), où elle s'organise en créant un conseil ecclésiastique (1804). Cette minorité s'accroît grâce à l'immigration de paysans bernois en Singine et d'ouvriers et d'artisans dans la capitale. Elle représente près de 16% des Fribourgeois en 1880, oscille ensuite entre 13 et 15% (15,2% en 2000). La loi de 1854, modifiée en 1874, 1966 et 1979, crée un synode et un conseil synodal. Une constitution ecclésiastique est adoptée en 1997. Des écoles réformées privées apparaissent hors du Moratois dès les années 1830. La communauté israélite (judaïsme), constituée en 1895, avec synagogue au chef-lieu, a décliné au XXe siècle. L'arrivée des orthodoxes (0,8% de la population en 2000) et des musulmans (3%) est liée à l'immigration de travailleurs étrangers.

La formation

L'école devient au XIXe siècle un enjeu entre l'Eglise et les forces libérales (instruction publique). La collaboration entre l'Etat et l'Eglise l'emporte, sauf de 1848 à 1856. Le père Girard influence fortement les écoles de la capitale jusqu'en 1823. Son départ et le rappel des jésuites (1818) marquent le triomphe de la réaction. Après leur interdiction en 1848, les prêtres diocésains reprennent la responsabilité du collège Saint-Michel. Les régimes qui se succèdent tentent de stimuler les écoles primaires par des lois scolaires en 1834, 1848, 1874 et 1884. L'ouverture d'une école normale d'instituteurs (1859) installée dans l'ancien couvent d'Hauterive marque un progrès décisif. Des écoles secondaires, préparant à des apprentissages techniques, voient le jour dès 1825 dans les villes. L'enseignement professionnel se met en place avec l'école de fromagerie (1888), la station laitière (1889) et l'école des métiers (1896). L'Université de Fribourg ouvre ses portes en 1889. L'école fribourgeoise se transforme après 1950: création des classes enfantines (une année), du cycle d'orientation de trois ans qui remplace l'ancienne sélection des collégiens, ouverture d'un gymnase à Bulle, de gymnases pour jeunes filles à Fribourg (collèges Sainte-Croix et Gambach, devenus mixtes au cours des années 1970), mixité des classes, école cantonale de degré diplôme préparant aux professions paramédicales, Hautes écoles spécialisées.

La culture

Les affaires culturelles se résument, au XIXe siècle, aux Archives de l'Etat, au Musée d'histoire naturelle (1838) et à la Bibliothèque cantonale (1848). Un Musée industriel (1883) et le Musée d'art et d'histoire (1922) les rejoignent dans le chef-lieu, avant qu'une floraison d'institutions culturelles ne marquent le XXe siècle (Musée gruérien à Bulle en 1923, nouveau bâtiment en 1978, Musée du vitrail à Romont en 1981, Musée romain à Vallon en 2000).

Murist, le Café de l'Union. Huile sur bois réalisée par le peintre bullois Jean-Louis Tinguely, 1973 © Musée d'art et d'histoire Fribourg.
Murist, le Café de l'Union. Huile sur bois réalisée par le peintre bullois Jean-Louis Tinguely, 1973 © Musée d'art et d'histoire Fribourg. […]

La diversité linguistique et régionale du canton ne favorise pas l'émergence d'une «culture fribourgeoise». Le catholicisme et la ruralité ont longtemps caractérisé l'esprit fribourgeois traditionnel qui échappe aux duretés de la vie quotidienne lors de fêtes telles que la «bénichon» (bénédiction après les récoltes) ou le carnaval, surveillés par les autorités. Toutefois, malgré les difficultés matérielles, une section fribourgeoise de la Société suisse des beaux-arts voit le jour en 1867; elle s'allie à la Société des ingénieurs et architectes pour publier avec l'aide du libraire Hubert François Xavier Labastrou la revue Fribourg artistique à travers les âges (1890-1914). Les projets de vitraux de Saint-Nicolas réalisés par le Polonais Józef Mehoffer font sensation au début du XXe siècle. Après 1918, la Société de Saint-Luc renouvelle la construction des églises et leur décoration intérieure, notamment l'art du vitrail. La peinture fribourgeoise connaît un renouveau au XXe siècle avec plusieurs générations d'artistes ayant comme figures de proue Joseph Reichlen, Oswald Pilloud, Jean Crotti et Yoki Aebischer. La Société de musique (classique) naît en 1813, l'harmonie de la Landwehr en 1804, celle de la Concordia en 1882. Cette musique est diffusée par le facteur d'orgues Aloys Mooser, l'organiste Jacques Vogt ou le compositeur Joseph Bovet. Le côté provincial de Fribourg fait que ses artistes les plus illustres sont plus connus à l'étranger, comme la célèbre sculptrice Marcello au XIXe siècle, le sculpteur Jean Tinguely et le musicien Norbert Moret au XXe siècle. L'art traditionnel s'est maintenu, en particulier dans le renouveau des «poyas», peintures mettant en scène la montée à l'alpage.

Affiche pour la Ve Triennale Internationale de la Photographie, 1988, conçue par le graphiste Pierre Neumann à partir d'une photographie de Carl de Keyser, Delhi, sérigraphie d'Albin Uldry (Bibliothèque nationale suisse, Berne).
Affiche pour la Ve Triennale Internationale de la Photographie, 1988, conçue par le graphiste Pierre Neumann à partir d'une photographie de Carl de Keyser, Delhi, sérigraphie d'Albin Uldry (Bibliothèque nationale suisse, Berne). […]

Si les activités culturelles et la protection du patrimoine relèvent en priorité des affaires privées, canton et communes jouent de plus en plus un rôle de soutien et d'initiative, ainsi que de promotion de la culture et de la création, facilité par la loi de 1991 sur les affaires culturelles. L'Etat est partie prenante dans les projets intercantonaux de hautes écoles de musique et de théâtre. Politiques religieuse, scolaire et culturelle sont emblématiques des transformations subies, puis voulues par le canton dans la seconde moitié du XXe siècle. Autrefois souvent moqué pour son retard, Fribourg expérimente dans plusieurs domaines des voies nouvelles qui favorisent un dynamisme corroboré par de récentes projections démographiques (2004).

Sources et bibliographie

  • Archives de la Ville de Fribourg, Fribourg.
  • Archives de l'Etat de Fribourg, Fribourg.
  • Bibliothèque cantonale et universitaire Fribourg, Fribourg.
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  • Ruser, Konrad: Die Urkunden und Akten der oberdeutschen Städtebünde vom 13. Jahrhundert bis 1549, 2 vol., 1979-1988.
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  • Wildermann, Ansgar (éd.): La visite des églises du diocèse de Lausanne en 1453, 2 vol., 1993.
  • Utz Tremp, Kathrin (éd.): Quellen zur Geschichte der Waldenser von Freiburg im Üchtland (1399-1439), 2000.
Aperçu historiographique
  • La première chronique fribourgeoise, anonyme, date de 1400 environ et traite de Fribourg lors de la guerre de Sempach. Cette même guerre et celles de Bourgogne inspirent Hans Fries et Peter von Molsheim. Le soulèvement Chenaux en 1781 amène un François de Diesbach de Torny ou un Marie-François d'Alt à prendre la plume, mais leurs chroniques ne seront publiées qu'au XIXou au XXe siècle. Le premier ouvrage concernant le canton est le Dictionnaire géographique, statistique et historique du canton de Fribourg du magistrat Franz Kuenlin, paru en 1832, que le père capucin Apollinaire Dellion complète en 1884 dans son Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg. C'est le médecin radical Jean Nicolas Elisabeth Berchtold qui écrit la première histoire du canton, très orientée (3 vol., 1841-1852). Gaston Castella donne en 1922 un ouvrage qui s'arrête à 1857, Jeanne Niquille traite du XIXe siècle en 1941. Roland Ruffieux dirige l'Encyclopédie du canton de Fribourg (2 vol., 1977) et l'Histoire du canton de Fribourg (2 vol., 1981, éditions française et allemande). Michel Charrière et Anton Bertschy sortent en 1991 (éditions française et allemande) Fribourg, un canton, une histoire, destiné au grand public. De nombreux auteurs ont publié leurs travaux soit dans les Annales fribourgeoises (1913-) et dans la collection «Archives de la société d'histoire du canton de Fribourg», toutes deux publiées par cette société née en 1840, soit dans les Freiburger Geschichtsblätter (1894-) du Deutscher Geschichtsforschender Verein des Kantons Freiburg fondé en 1893. Roland Ruffieux a lancé en 1971 la série Etudes et recherches d'histoire contemporaine.
Séries et bibliographiesGénéralités
  • Castella, Gaston: Histoire du canton de Fribourg depuis les origines jusqu'en 1857, 1922.
  • Vevey, Hubert de: Armorial du canton de Fribourg, 3 vol., 1935-1943.
  • Vevey, Hubert de: Armorial des communes et des districts du canton de Fribourg, 1943.
  • Gross, François: Fribourg, 1977.
  • Ruffieux, Roland (dir.): Encyclopédie du canton de Fribourg, 2 vol., 1977.
  • Anderegg, Jean-Pierre: La maison paysanne fribourgeoise, 2 vol., 1979-1987.
  • Ruffieux, Roland (dir.): Histoire du canton de Fribourg, 2 vol., 1981.
  • Charrière, Michel; Bertschy, Anton: Fribourg. Un canton, une histoire, 1991.
  • Anderegg, Jean-Pierre: Les chalets d'alpage du canton de Fribourg, 1996.
  • Fedrigo, Claudio; Buchillier, Carmen; Foerster, Hubert (éd.): Fribourg sur les chemins de l'Europe, 2000.
  • Chardonnens, Alain: Du missel à l'ordinateur. Le canton de Fribourg d'après les récits de voyageurs. De Machiavel à Emile Gardaz, 2001.
  • Dousse, Michel; Fedrigo, Claudio (éd.): Fribourg vu par les écrivains. Anthologie (XVIIIe-XXe siècles), 2001.
  • Anderegg, Jean-Pierre: Une histoire du paysage fribourgeois. Espace, territoire et habitat, 2002.
Des origines au haut Moyen Age
  • Archéologie fribourgeoise. Chronique archéologique, 1980-1997.
  • Service archéologique cantonal: Le passé apprivoisé. Archéologie dans le canton de Fribourg, 1992 (catalogue d'exposition).
  • Cahiers d'archéologie fribourgeoise, 1999-.
Histoire politique du Moyen Age à la fin du XVIIIe siècle
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  • Maillard, André: La politique fribourgeoise à l'époque de la Réforme catholique (1564-1588), 1954.
  • Bugnon, Jean: Le canton de Fribourg dans la seconde moitié du XVIIIe siècle d'après des récits de voyageurs, mémoire de licence, Université de Fribourg, 1955.
  • Joho, Jean-Jacques: Histoire des relations entre Berne et Fribourg et entre leurs seigneurs depuis les origines jusqu'en 1308, 1955.
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Notices d'autorité
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Suggestion de citation

HLS DHS DSS; Denis Ramseyer; Pierre-Alain Vauthey; François Guex; Kathrin Utz Tremp; Georges Andrey; Jean-Pierre Dorand: "Fribourg (canton)", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 09.03.2023. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007379/2023-03-09/, consulté le 29.03.2024.