ArthurHoffmann

19.6.1857 (et non le 18.6) à Saint-Gall,23.7.1927 à Saint-Gall, protestant, de Saint-Gall. Juriste, politicien saint-gallois, membre du Parti radical-démocratique (PRD), conseiller aux Etats, conseiller fédéral.

Le conseiller fédéral Arthur Hoffmann. Photographie d'Otto Rietmann, 1915 (Kantonsbibliothek Vadiana St. Gallen, VSRG 80039).
Le conseiller fédéral Arthur Hoffmann. Photographie d'Otto Rietmann, 1915 (Kantonsbibliothek Vadiana St. Gallen, VSRG 80039).

Arthur Hoffmann appartenait à une famille de la ville de Saint-Gall, dont étaient issus des avocats et des politiciens radicaux réputés. Son père, Karl Hoffmann, avait repris l'étude de son beau-père, Johann Baptist Gruber, qui joua un rôle important dans l'ascension des radicaux saint-gallois. Après avoir fait une carrière politique en tant que député libéral au Grand Conseil saint-gallois et au Conseil des Etats, Karl Hoffmann fut élu en 1881 au Conseil fédéral, mais se désista. La mère d'Arthur Hoffmann, Sabine Elisabeth née Steinlin, était issue d'une ancienne famille bourgeoise de Saint-Gall; le père de cette dernière, Georg Leonhard Steinlin, administrateur de l'hôpital, fut également membre du Grand Conseil saint-gallois. Arthur Hoffmann épousa en 1884 Frieda Clementine Moosherr, fille du médecin Hermann Ulrich Moosherr de Saint-Gall et Bürglen (TG). Le couple eut deux filles et un fils.

Après avoir obtenu sa maturité à l'école cantonale de Saint-Gall, Hoffmann étudia le droit aux Universités de Genève, Munich, Leipzig, Strasbourg et Zurich (1876-1880), où il obtint son doctorat en 1880. La même année, il rejoignit l'étude de son père, qu'il dirigea à partir de 1890, d'abord seul, puis avec le futur conseiller national Robert Forrer. Conformément à la tradition familiale, Hoffmann s'engagea au Parti radical-démocratique (PRD) qu'il contribua à centraliser plus fortement et dont il présida les sections du canton et de la ville de Saint-Gall.  

Portrait de groupe du «bureau» de la quatrième Constituante saint-galloise avec Arthur Hoffmann (en haut à gauche). Photographie de l'atelier Gebrüder Täschler, lithographie de Philipp Arlen, vers 1889 (Staatsarchiv St. Gallen, BMCG 03).
Portrait de groupe du «bureau» de la quatrième Constituante saint-galloise avec Arthur Hoffmann (en haut à gauche). Photographie de l'atelier Gebrüder Täschler, lithographie de Philipp Arlen, vers 1889 (Staatsarchiv St. Gallen, BMCG 03). […]

Membre du Grand Conseil  de 1886 à 1891 (président en 1892, 1898 et 1904) et de la Constituante de Saint-Gall en 1889-1890, Hoffmann fut élu par le parlement cantonal au Conseil des États en 1896, où il siégea jusqu'en 1911. A la chambre haute, qu'il présida en 1902-1903, il se distingua particulièrement dans les domaines juridique et militaire. Il fut le rapporteur du projet de Code civil (CC, rédigé par Eugen Huber et adopté fin 1907) et de la loi fédérale de 1907 sur l'organisation militaire (OM), qui constituait la base juridique de la réforme militaire préconisée par le sommet de l'armée. Il fut également le rapporteur de la loi fédérale de 1911, qui complétait le CC par le Code des obligations.

Le 4 avril 1911, Hoffmann fut élu au Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale pour succéder au Bâlois Ernst Brenner, décédé en cours de mandat. Soutenu par l'ensemble des groupes parlementaires et faute d'adversaire, il fut élu dès le premier tour de scrutin avec 186 voix sur 195. Hoffmann dirigea d'abord le Département de justice et police, dans lequel il se consacra notamment aux mesures servant à accompagner l'introduction du CC le 1er janvier 1912, à la poursuite de l'unification du droit des obligations et à la création d'un tribunal administratif fédéral, qui ne fut toutefois réalisé qu'en 2007. En 1912, il reprit le Département militaire à l'occasion d'une redistribution des portefeuilles au sein du Conseil fédéral. Face au risque croissant de guerre, il soutint les objectifs de commandement et d'instruction des dirigeants de l'armée, qui misaient fortement sur la discipline et le drill (instruction militaire). Il s'engagea également en faveur de la mise en œuvre de la loi sur l'assurance militaire, entrée en vigueur en 1902.

Arthur Hoffmann inspecte des troupes aux Rangiers pendant la Première Guerre mondiale en compagnie de collègues du Conseil fédéral et d’officiers de haut rang. Photographie de Fritz Nabholz, réalisée entre 1914 et 1918 (Archives fédérales suisses, Berne, E27#1000/721#14093#835*).
Arthur Hoffmann inspecte des troupes aux Rangiers pendant la Première Guerre mondiale en compagnie de collègues du Conseil fédéral et d’officiers de haut rang. Photographie de Fritz Nabholz, réalisée entre 1914 et 1918 (Archives fédérales suisses, Berne, E27#1000/721#14093#835*). […]

Lors de la session d'hiver de 1913, le Parlement élut Hoffmann président de la Confédération par 180 voix contre 5. L'usage voulait que le président reprenne le Département politique fédéral (DPF) durant son année présidentielle, ce qui entraînait une rotation annuelle à la tête de ce dernier. Cette règle ayant été modifiée à la suite d'une réforme administrative, Hoffmann dirigea le DPF de 1914 à 1917. Au début de la Première Guerre mondiale, le soutien énergique d'Hoffmann en faveur d'Ulrich Wille contribua largement, le 3 août 1914, à l'élection de ce dernier au poste de général par l'Assemblée fédérale, malgré les réserves de la Suisse latine. Le même jour, le Parlement accorda les pleins pouvoirs au Conseil fédéral, ce qui accrut considérablement la marge de manœuvre d'Hoffmann en matière de politique étrangère. Le Conseil fédéral informa dans une déclaration officielle les principaux Etats belligérants que la Suisse resterait neutre. Dans ses déclarations publiques, Hoffmann se prononça avec éloquence en faveur d'une politique de neutralité stricte. Cette dernière était liée à des tâches humanitaires (rapatriement de civils internés par les belligérants, échange de prisonniers de guerre blessés, internement en Suisse de prisonniers de guerre nécessitant des soins) et à de nombreux mandats de puissance protectrice pour les Etats en guerre (bons offices). En 1916, les belligérants ignorèrent ou rejetèrent un appel officiel à la paix, activement soutenu par Hoffmann. 

Lettre de démission du conseiller fédéral Arthur Hoffmann, Berne, le 18 juin 1917 (Archives fédérales suisses, Berne, E2001A#1000/45#761*).
Lettre de démission du conseiller fédéral Arthur Hoffmann, Berne, le 18 juin 1917 (Archives fédérales suisses, Berne, E2001A#1000/45#761*). […]

Contrairement à ses déclarations publiques sur la neutralité absolue, Hoffmann mena une diplomatie secrète dans l'espoir de concilier les Etats de l'Entente et les Empires centraux et de faire ainsi un premier pas vers la paix. Trois tentatives de médiation échouèrent. Tandis que les pourparlers de 1916 entre l'Allemagne et des opposants français et ceux de début 1917 entre l'Allemagne et les Etats-Unis (sur le point d'entrer en guerre) restèrent secrets, les négociations visant une paix séparée entre l'Allemagne et la Russie, organisées avec l'aide de Robert Grimm, furent rendues publiques (affaire Grimm-Hoffmann). Le 3 juin 1917, à l’insu des autres conseillers fédéraux, Hoffmann se prononça sur les objectifs de guerre allemands, en se basant sur des indications du gouvernement allemand, dans un télégramme adressé à Grimm, qui se trouvait alors à Petrograd (Saint-Pétersbourg). La dépêche fut interceptée et publiée le 16 juin sous une forme falsifiée. Les puissances de l'Entente critiquèrent immédiatement la démarche de Hoffmann comme une violation de la neutralité. Des manifestations en Suisse romande et au Tessin exigèrent du gouvernement suisse le respect du principe de neutralité, tel que défini dans les Conventions de La Haye. Les tensions sur le plan international ne s'apaisèrent qu'avec la démission de Hoffmann le 18 juin 1917 et lorsque l'ensemble du Conseil fédéral se distança de sa tentative de médiation. Le libéral genevois Gustave Ador succéda à Hoffmann au Conseil fédéral. 

Hoffmann retourna à Saint-Gall, où il ouvrit un cabinet d'avocat. Il n'assuma plus de fonctions politiques, mais fut dès 1918 président du tribunal de cassation saint-gallois, de l'Union suisse des exportateurs de broderie et du conseil de la Haute école commerciale de Saint-Gall. De 1922 à 1927, il fut chargé par le Conseil fédéral du projet de révision du droit des obligations. Hoffmann fit partie de nombreux conseils d'administration, notamment de la Compagnie de l'Union-Suisse, des assurances Helvetia et du Crédit suisse avant son mandat de conseiller fédéral et, après 1917, des Chemins de fer fédéraux (CFF) et de la Maschinenfabrik Oerlikon (MFO). A l'armée, il obtint le grade de colonel. 

«Comme Achille». Caricature de Johann Friedrich Boscovits parue dans le Nebelspalter, 1917, no 26, après la démission du conseiller fédéral (Bibliothèque nationale suisse, Berne; e-periodica).
«Comme Achille». Caricature de Johann Friedrich Boscovits parue dans le Nebelspalter, 1917, n26, après la démission du conseiller fédéral (Bibliothèque nationale suisse, Berne; e-periodica). […]

Hoffmann, considéré par ses contemporains comme distant et réservé, défendit au sein de son parti un libéralisme conservateur. Politicien très respecté et couvert d'éloges avant son entrée au Conseil fédéral, il s'imposa rapidement comme un personnage clé du collège gouvernemental. Après sa démission, le respect se transforma en hostilité. La Suisse latine surtout reprocha à Hoffmann sa germanophilie, qui n'était toutefois pas plus marquée chez ce dernier que chez d'autres représentants de la bourgeoisie suisse alémanique. Les efforts de médiation du conseiller fédéral étaient motivés par son inquiétude face à la détérioration dramatique de l'approvisionnement de la Suisse en produits de première nécessité. Devant une telle situation, il émit le postulat d'un «droit de nécessité pour la paix» et d'un «droit à la paix», autorisant un Etat neutre à faire des efforts pour mettre un terme à la guerre. Convaincu par cette idée, il voulut jouer un rôle actif de médiateur, tout en négligeant le fait que son action favorisait les Empires centraux. Défendant une neutralité stricte en public, il mena dans les faits une diplomatie secrète. Se référant à cette contradiction, Paul Widmer qualifia en 2017 la politique étrangère d'Hoffmann d'ambivalente. 

Sources et bibliographie

  • Hoffmann, Arthur: Das Recht auf die Versicherungssumme bei der Lebensversicherung zu Gunsten Dritter, 1880.
  • Scherrer, Eduard: Bundesrat Dr. jur. Arthur Hoffmann, 1929 (Schweizerköpfe, 6-7).
  • Widmer, Paul: Bundesrat Arthur Hoffmann. Aufstieg und Fall, 2017 (avec liste des sources et ouvrages).
  • Ehinger, Paul: «Arthur Hoffmann», in: Altermatt, Urs (éd.): Das Bundesratslexikon, 2019, pp. 250-256.
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Suggestion de citation

Marcel Mayer: "Hoffmann, Arthur", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 14.03.2022, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/003991/2022-03-14/, consulté le 29.03.2024.