de fr it

Paix confessionnelle

Composée de plusieurs régions linguistiques, la Confédération est en outre, depuis la Réforme, divisée sur le plan confessionnel (Catholicisme, Protestantisme). La paix entre les forces politiques suisses, confessionnellement influencées, marqua une étape importante vers l'Etat moderne.

Les paix nationales (1529, 1531, 1656 et 1712), poursuivant déjà les mêmes objectifs, établirent la parité confessionnelle aussi bien dans les cantons qu'entre eux et une certaine tolérance religieuse se mit en place sous diverses formes jusqu'au XVIIIe s. La liberté religieuse fut garantie pour la première fois dans la Constitution de la République helvétique de 1798 (art. 6). Après la guerre du Sonderbund (1847), la liberté des cultes fut expressément protégée dans la Constitution fédérale de 1848, mais uniquement pour les "confessions chrétiennes reconnues" et sous réserve de mesures appropriées pour "le maintien de l'ordre public et de la paix entre les membres des diverses communautés religieuses" (art. 44, devenu l'art. 50, al. 2, de la Constitution fédérale de 1874). Le but premier de cette disposition était plus d'établir la paix entre les deux grandes confessions que de conférer à chacun le droit de choisir librement sa foi. La Constitution fédérale de 1848 peut ainsi être considérée comme l'achèvement d'une période de conflits religieux, dont une manifestation tardive sera toutefois le Kulturkampf. Comme la fin de celui-ci coïncida avec l'élaboration de la Constitution fédérale de 1874, les articles relatifs à la religion y portent encore quelques caractéristiques d'un règlement de paix (Articles d'exception). La liberté individuelle de conscience et de croyance y était désormais garantie (art. 49, al. 1). Si la paix confessionnelle put s'établir durablement, ce fut notamment grâce à des personnalités visionnaires qui contribuèrent à l'intégration nationale. Guillaume-Henri Dufour, par exemple, général des troupes fédérales en 1847, sut diriger avec modération les opérations militaires - victorieuses - contre le Sonderbund. Après la fondation de l'Etat fédéral en 1848, des politiciens conservateurs catholiques, comme Philipp Anton von Segesser, luttèrent pour que les perdants de 1847 soient intégrés dans le nouvel Etat fédératif. Celui-ci offrit aux catholiques la possibilité d'assumer des responsabilités politiques dans les cantons conservateurs. Ils durent toutefois attendre encore plusieurs décennies avant d'accéder au pouvoir économique. La réserve restreignant la liberté religieuse fut reprise sans modification importante dans la Constitution fédérale de 1999 (art. 72, al. 2).

Au XXe s., le maintien de la paix confessionnelle ne fut plus lié à de telles "dispositions d'urgence", mais bien à la liberté de religion, concrétisée dans la parité et la neutralité religieuses. La première consiste à traiter les Eglises officielles historiques de manière égale et positive sur le plan matériel, dans la mesure où aucune particularité ne justifie une différenciation. La neutralité religieuse de l'Etat, en revanche, implique le transfert à ce dernier de domaines importants de l'organisation juridique, réservés jusqu'alors à l'Eglise, notamment l'instruction publique, l'état civil, les inhumations (art. 27, al. 2-4; art. 53; art. 54, al. 1-2 de la Constitution fédérale de 1874), en raison de la progression de la déchristianisation. Depuis le concile de Vatican II (1962-1965), l'œcuménisme a contribué à la paix confessionnelle.

Face à l'intensification des échanges interculturels et à la laïcité grandissante de la société, la paix confessionnelle évolue vers la paix entre religions et prend une nouvelle importance. Plusieurs secteurs sont concernés, comme l'instruction publique (question du foulard islamique), le droit de la construction et l'aménagement du territoire (autorisation des minarets), ainsi que la gestion des cimetières (aménagement d'espaces réservés dans les cimetières publics).

Sources et bibliographie

  • P. Saladin, Grundrechte im Wandel, 31982
  • R. Pfister, Kirchengeschichte der Schweiz, 3, 1984
  • A. Kölz, éd., Quellenbuch zur neueren schweizerischen Verfassungsgeschichte, 2 vol., 1992-1996
  • D. Kraus, Schweizerisches Staatskirchenrecht, 1993
  • R. Pahud de Mortanges, E. Tanner, éd., Les musulmans et l'ordre juridique suisse, 2002
Liens

Suggestion de citation

Christoph Winzeler: "Paix confessionnelle", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 20.05.2010, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/027306/2010-05-20/, consulté le 28.03.2024.