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Autorités communales

Autorités exerçant, sur le plan communal, des compétences de nature exécutive, législative ou judiciaire.

Moyen Age et époque moderne

La formation des Communes au Moyen Age entraîna celle de cercles dirigeants, car il y avait des affaires à gérer, des problèmes à résoudre et des décisions à appliquer. Au début, on reprit les structures existantes, héritées du régime féodal en perte de vitesse, et il est souvent difficile de savoir si les personnes qui agissent pour la collectivité, Amman, Avoyer, maire, le font au nom de la commune ou du seigneur. Selon une habitude prise par exemple lors des séances du tribunal seigneurial, les hommes de la ville ou du village, du moins ceux qui remplissaient certains critères (âge, aptitude au service militaire, propriété d'une maison), se rassemblaient autour de personnes d'expérience et se mirent à traiter de plus en plus librement de leurs affaires. Ces Assemblées des communiers et Landsgemeinde acquirent un rôle et un pouvoir politiques, en particulier parce qu'elles servaient de cadre aux Elections.

Les contrôleurs des comptes de Zurich en réunion à l'hôtel de ville au XVIIe siècle. Gravure anonyme (Zentralbibliothek Zürich).
Les contrôleurs des comptes de Zurich en réunion à l'hôtel de ville au XVIIe siècle. Gravure anonyme (Zentralbibliothek Zürich). […]

Visant surtout le maintien de la paix, les compétences exécutives attribuées à des individus se renforcèrent vite en un véritable pouvoir. L'affaiblissement de l'autorité seigneuriale, l'essor démographique et économique, l'acquisition de territoires sujets (bailliages) accrurent les tâches des dirigeants. L'amman, l'avoyer, le maire, le syndic durent s'entourer, comme dans les tribunaux de droit coutumier, d'assesseurs qui formèrent un conseil (parfois dit Conseil hebdomadaire vu ses réunions fréquentes, ou plus tard Petit Conseil), chargé soit de préparer les réunions de l'assemblée, soit de décider lui-même. En ville, le Petit Conseil devint le centre du pouvoir, réservé aux élites. A son côté apparurent à la fin du Moyen Age des Conseils plus représentatifs des bourgeois, des villageois ou des corporations (Grand Conseil, Conseil des Soixante, des Deux-Cents, etc.), parfois divisés (Double, voire Triple Conseil) ou curieusement composés (Rät' und Landleute à Nidwald). Le Petit Conseil comportait diverses charges, par exemple celles de Lieutenant, Trésorier, Banneret, premier prévôt des corporations (Maître de corporation), maisonneur, Intendant de l'arsenal. Il était assisté de commissions consultatives, comme le Conseil des Treize à Bâle ou les seizeniers à Berne, et d'organes d'exécution (Huissier). Sous une grande diversité de dénominations et de compétences, les autorités urbaines et campagnardes présentent des structures analogues (pour les détails voir les articles des communes et des cantons).

L'origine des institutions communales est à chercher dans la Paroisse, souvent dans les Confréries de laïcs, cadres d'une première administration autonome. La limitation de l'accès au droit de cité entraîna une différentiation entre commune et Communauté aux buts plus restreints, ainsi que la création d'autorités spécifiques.

Les structures institutionnelles ne purent empêcher, sinon sur un plan purement formel, le rétrécissement constant des cercles dirigeants qui marqua, à l'époque moderne, non seulement la vie politique des cantons, mais aussi celle, moins bien connue, des communes rurales. Dans les cantons-villes par exemple, les délibérations du Conseil furent soumises au secret et l'on nia toute responsabilité de "Leurs Excellences" devant le peuple. Les sièges de conseiller étaient attribués à vie ou vendus (Vénalité des offices) et pratiquement héréditaires à cause de la Cooptation. Les communes sujettes, si tant est qu'on leur demandât leur avis, ne pouvaient se prononcer contre les intérêts du souverain (Autorité politique).

XIXe et XXe siècles

République helvétique et Médiation

La Constitution helvétique de 1798, imitée de celle de la France du Directoire, imposa un système complexe, mais qui nivelait autoritairement les particularités locales. Les communes perdirent leur autonomie pour devenir des cercles électoraux et de simples unités administratives. Promulgués sous un régime éphémère, ces changements ont eu pourtant des effets jusqu'à nos jours.

Selon la législation de la République helvétique, 100 citoyens (au minimum) d'un village, d'une ville ou d'un quartier, dès l'âge de 20 ans révolus, formaient l'assemblée générale, chargée d'approuver la Constitution et de nommer les électeurs. Elle était convoquée par le préfet national qui, nommé par le Directoire, installait dans chaque district un sous-préfet ou préfet de district, lequel désignait les Agents nationaux, administrateurs du village ou du quartier. Ces agents nommaient à leur entrée en charge deux assistants; ils devaient exécuter les ordres de leurs supérieurs et maintenir la paix publique.

La loi du 15 février 1799 créa les communes d'habitants en vertu du principe d'égalité et celles de Bourgeoisie pour respecter les droits acquis. L'assemblée générale des habitants élisait au bulletin secret une Municipalité, de trois à onze membres selon la taille de la commune, aux tâches très variées: ordre public, routes, éclairage public, guet, lutte contre le feu, police, marchés, auberges, poids et mesures, état civil, logement des soldats. L'agent national et le sous-préfet pouvaient assister aux séances de la municipalité et exercer un contrôle direct. La haute surveillance incombait à la Chambre administrative cantonale.

La commune bourgeoise administrait les biens communaux et gérait l'assistance publique. Son assemblée générale contrôlait les comptes annuels, fixait l'impôt éventuel, décidait les ventes et achats d'immeubles et élisait une Chambre de régie de quinze membres au plus. Les charges (trésorier, administrateur de l'assistance, inspecteurs des bâtiments, des forêts) pouvaient être cumulées dans les petites communes, tandis que les grandes établissaient des commissions (de gestion, des travaux, des biens de l'assistance, des immeubles, des forêts, par exemple).

Les communes des deux types subsistèrent sous la Médiation. Dans quelques cantons, dont les Grisons, elles retrouvèrent vite leur ancienne autonomie.

Restauration et Régénération

Après la chute du régime de la Médiation (1814), la situation évolua très différemment selon les cantons. Les anciennes villes corporatives et les cantons campagnards revinrent à l'organisation d'Ancien Régime, alors que les nouveaux cantons comme Argovie, Thurgovie, Saint-Gall et Vaud s'opposèrent à la création de privilèges locaux ou personnels. Cependant les deux types de communes se maintinrent généralement; les Grisons confirmèrent l'autonomie communale dans leur Constitution de 1820.

A l'époque de la Régénération (dès 1830), le politologue Ludwig Snell, s'appuyant sur Benjamin Constant et Heinrich Friedrich Karl vom und zum Stein, revendiqua pour les communes une liberté interne, conçue comme un élément de la Séparation des pouvoirs dans le sens vertical. L'autonomie communale progressa en particulier en Thurgovie et à Saint-Gall, tandis que Vaud, Argovie, Bâle-Campagne et les anciens cantons à régime patricien de Berne, Soleure, Fribourg et Lucerne conservèrent aux autorités locales un statut subordonné. Zurich institua un système mixte: le peuple élisait au suffrage indirect les conseils de commune et de district, mais leurs présidents étaient nommés par le Conseil d'Etat. Les prémisses d'une autonomie communale se développèrent surtout dans les régions où ne dominaient ni un gouvernement autoritaire, ni un libéralisme trop radical, ni l'influence centralisatrice de la France.

L'Etat fédéral

Selon l'article 6 de la Constitution fédérale de 1848, les cantons restaient souverains et libres de choisir leur organisation interne, pourvu qu'ils assurent l'exercice des droits politiques d'après des formes républicaines, qu'elles soient représentatives ou démocratiques. Or l'article 41 garantissait à tout citoyen suisse établi et de religion chrétienne des droits politiques sur le plan cantonal, mais non sur le plan communal. Ainsi de multiples formes de communes purent subsister et se développer en vertu des législations et constitutions cantonales, sous l'égide du droit fédéral. Là où les communes bourgeoises avaient servi d'organe électoral pour la désignation des autorités cantonales, on créa de nouvelles communes d'habitants, qui reçurent en outre diverses tâches administratives (police, école notamment). Si l'organisation des communes relevait du droit cantonal, leur autonomie découlait de l'article 5 de la Constitution fédérale.

Les articles 3, 5 et 6 de la Constitution de 1848 passèrent sans modification dans celle de 1874. En revanche, le nouvel article 43 plaçait sur pied d'égalité tous les citoyens, bourgeois ou non (sauf pour la participation aux biens des bourgeoisies et des corporations). Pour la première fois, la Constitution de 1999 garantit dans son article 50 l'autonomie communale dans les limites fixées par le droit cantonal; elle précise que la Confédération doit tenir compte des conséquences de son activité pour les communes, notamment dans les villes, agglomérations urbaines et régions de montagne.

Le secrétaire communal. Huile sur toile d'Albert Anker, 1875 (Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne; photographie Jean-Claude Ducret).
Le secrétaire communal. Huile sur toile d'Albert Anker, 1875 (Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne; photographie Jean-Claude Ducret). […]

La liberté interne dont jouissent les communes suisses se traduit dans leur étonnante diversité. On ne peut dire d'avance si telle fonction (état civil, poursuites, justice de paix par exemple) incombe à un élu ou à un fonctionnaire communal, ou encore au canton. L'organisation démocratique s'impose partout, soit sous une forme directe soit avec un parlement communal; les détails relèvent des constitutions cantonales, des lois cantonales sur les communes et des ordonnances communales.

L'organe suprême (le souverain) est l'ensemble des citoyens disposant du droit de vote, qui expriment leur volonté dans l'assemblée communale ou dans les urnes. Ils élisent en général l'exécutif, le parlement s'il existe, voire d'autres membres des autorités ou certains fonctionnaires; ils votent les objets qui leur sont soumis, ont souvent le dernier mot en matière financière (budget, comptes, dépenses importantes) et interviennent dans l'administration. Les parlements sont généralement élus à la proportionnelle; ils comptent de neuf membres (dans quelques communes de Genève et Neuchâtel, cantons qui les ont rendus obligatoires) à cent vingt-cinq (Zurich). S'ils sont courants en Suisse romande, la Suisse alémanique ne les a institués que dans les communes très peuplées. Sous réserve de référendum et souvent selon le principe de subsidiarité, ils décident de toutes les affaires communales qui ne sont pas du ressort d'une autorité particulière.

L'autorité exécutive appartient à un Conseil (au nom variable) fonctionnant selon la règle de la Collégialité; à sa tête se trouve le Président de commune, le maire ou le syndic. Il compte de cinq à sept membres, parfois trois (canton de Genève) et jusqu'à trente (Soleure ou Granges). Il est élu à la proportionnelle dans les cantons de Zoug et du Tessin, dans 40-80% des communes bernoises, fribourgeoises, soleuroises, valaisannes et jurassiennes, ailleurs selon le système majoritaire, souvent avec un partage à l'amiable des mandats entre les partis.

Composées d'experts ou de représentants des partis et chargées de travaux préparatoires, les commissions (de gestion, des finances, d'impôt, des travaux, de l'assistance, scolaire, de circulation, d'aménagement du territoire, de l'environnement) ont parfois un pouvoir de décision. Des commissions ad hoc sont formées pour les objets qui demandent une large adhésion populaire.

Dans quelques cantons (Vaud et Neuchâtel dès 1959, Genève dès 1960, Bâle-Ville dès 1966), les femmes ont fait leurs premières expériences politiques au niveau communal. Elles ont été le plus souvent actives dans des domaines "féminins" (écoles, affaires sociales, santé) et dans les communes petites ou moyennes. Elles sont maintenant plus nombreuses dans les exécutifs urbains (22,2% en 1997) que dans ceux des communes rurales. En 1968, Genève a été la première grande ville où l'on a vu une femme entrer à l'exécutif. En 1997, une majorité féminine est devenue réalité dans une autre grande ville, Berne.

Autorités communales par ordre de grandeur (état 2005)a

Communes avec assemblée communale ou parlement b
Nombre d'habitantsjusqu'à 500500-1 9992 000-4 9995 000-9 99910 000-19 999plus de 20 000toutes les communes
Assemblée communale94,9%79,9%79,8%68,3%37,8%3,2%81,6%
Parlement5,1%20,1%20,2%31,7%62,2%96,8%18,4%
 
Nombre moyen de sièges dans les parlements communaux (selon les régions linguistiques)
Nombre d'habitantsjusqu'à 500500-1 9992 000-4 9995 000-9 99910 000-19 999plus de 20 000toutes les communes
Allemand27,034,532,753,336,052,337,7
Français37,436,640,639,753,351,238,8
Italien22,823,322,827,2  23,2
 
Nombre de sièges dans l'exécutif communalc
Nombre d'habitantsjusqu'à 500500-1 9992 000-4 9995 000-9 99910 000-19 999plus de 20 000toutes les communes
3 sièges11,2%2,6%1,9%3,3%4,5%11,1%5,3%
5 sièges79,5%57,2%40,7%28,5%10,6%48,1%57,0%
7 sièges8,5%33,3%40,4%45,0%57,6%25,9%28,8%
9 sièges 3,7%11,6%16,6%25,8%3,7%5,7%
10 sièges ou plus 1,0%4,6%6,6%1,5%3,7%1,8%
Taille moyenne de l'exécutif selon les régions linguistiques
Allemand5,05,96,77,27,86,16,1
Français5,05,96,25,85,56,05,6
Italien4,25,56,66,77,07,05,2
 
Professionnalisation dans l'exécutif communal (proportion de conseillers communaux)d
Nombre d'habitantsjusqu'à 500500-1 9992 000-4 9995 000-9 99910 000-19 999plus de 20 000toutes les communes
Bénévoles87,4%87,6%77,4%72,0%52,0%5,1%81,5%
A temps partiel12,5%12,2%20,5%24,0%42,1%45,6%16,7%
A plein temps0,0%0,3%2,1%3,9%5,9%49,4%1,8%

a A l'exception des données concernant les parlements communaux (base 2 775 communes), les valeurs indiquées proviennent d'une enquête effectuée au niveau national représentant 79,5% des 2 775 communes suisses (état 31.12.2004).

b N'ont pas été prises en compte un petit nombre de communes qui n'ont ni assemblée communale ni parlement ou qui disposent des deux instances politiques.

c N'ont pas été prises en compte un petit nombre de communes (1,3 pourcent) dont l'exécutif est composé de 6 ou 8 sièges.

d Les valeurs indiquées concernent 12 118 des quelque 16 200 sièges dans les exécutifs communaux suisses.

Autorités communales par ordre de grandeur (état 2005) -  Andreas Ladner, Reto Steiner et Hans Geser, Gemeindeschreiberbefragung 2005, Kompetenzzentrum für Public Management der Universität Bern und Soziologisches Institut der Universität Zürich

La diversité et la complexité des tâches exigent aujourd'hui, surtout dans les grandes communes, du temps et des compétences professionnelles. Dans les villes, les fonctions exécutives sont souvent occupées à plein temps ou presque (parfois une partie d'entre elles dans les communes moyennes). Avec l'influence de la nouvelle gestion publique et le souci de l'efficacité, les exécutifs tendent à se décharger de leurs tâches administratives pour se concentrer sur la direction stratégique (fixation d'objectifs, de seuil de productivité, contrôles de qualité). Les travaux au jour le jour, conçus de plus en plus comme des services à la clientèle et de moins en moins comme l'exécution d'ordres venus d'en haut, incombent exclusivement à l'Administration ou à des tiers mandatés. En réaction contre le glissement du pouvoir des élus vers les Fonctionnaires (par exemple les secrétaires communaux), ces derniers perdent de plus en plus leur statut particulier, remplacé par des contrats de travail révocables, de durée indéterminée, qui permettent aussi davantage de flexibilité. On ne saurait conclure sans mentionner la Coopération intercommunale.

Sources et bibliographie

Moyen Age et époque moderne
  • Peyer, Verfassung
  • P. Steiner, Die Gemeinden, Räte und Gerichte im Nidwalden des 18. Jahrhunderts, 1986
  • P. Blickle , «Friede und Verfassung"», in Innerschweiz und frühe Eidgenossenschaft, 1, 1990, 64-134
XIXe  et XXe siècles
  • E. Heiniger, Der Gemeinderat, 1957
  • P. Dahinden, Le partage des compétences entre l'Etat et la commune en droit suisse, 1979
  • A. Ladner, Politische Gemeinden, kommunale Parteien und lokale Politik, 1991
  • A. Kölz, Neuere schweizerische Verfassungsgeschichte, 1992
Liens
En bref
Contexte Conseil administratif, conseil communal, conseil général, conseil municipal, municipalité

Suggestion de citation

Peter Steiner; Andreas Ladner: "Autorités communales", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 04.07.2007, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/026447/2007-07-04/, consulté le 29.03.2024.