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Petit commerce

Commerce de détail

Le petit commerce ou commerce de détail consiste à vendre, acheter ou échanger des marchandises par petites quantités. Par opposition au grand commerce qui joue sur les longues distances, le petit commerce a un rayon d'action généralement local, parfois régional. Il se distingue aussi du commerce en gros où les quantités sont importantes.

Marchand de poterie ambulant aux portes de Hauptwil. Détail d'une eau-forte aquarellée de Johann Jakob Aschmann, vers 1780 (Zentralbibliothek Zürich, Graphische Sammlung und Fotoarchiv).
Marchand de poterie ambulant aux portes de Hauptwil. Détail d'une eau-forte aquarellée de Johann Jakob Aschmann, vers 1780 (Zentralbibliothek Zürich, Graphische Sammlung und Fotoarchiv).

Au XXIe s., seuls les consommateurs achètent au détail. Autrefois, le petit commerce se pratiquait souvent entre commerçants, par exemple entre un colporteur (Colportage) et un boutiquier sédentaire. Les lieux du petit commerce ont varié au cours des siècles: réunions périodiques (Foires, Marchés, Expositions), commerce ambulant ou locaux permanents (boutiques et auberges, puis grands magasins, enfin grandes surfaces). Le petit commerce, longtemps négligé par les historiens au profit du grand négoce, est indispensable à la survie et au développement des sociétés qui n'ont jamais vécu en autarcie complète. Même les paysans ont toujours dû trouver ailleurs certains produits indispensables. Outre l'approvisionnement, le petit commerce a également des fonctions sociales et symboliques. Il favorise les rencontres, la diffusion des objets, des idées et des modes. Il permet l'enrichissement de nombreux petits commerçants, même si celui-ci est plus diffus et plus modeste que celui résultant du commerce en gros. En temps de crise, il peut créer des emplois.

Dès la Préhistoire, de nombreux produits non fabriqués sur place, rares ou d'usage courant, sont commercialisés. On connaît de mieux en mieux les aires et les routes de diffusion de ce commerce, mais on ne sait guère qui le pratique, dans quel cadre et à quel rythme. Dans l'Helvétie gallo-romaine, les colons romains et les riches indigènes importent de nombreuses marchandises, chères et souvent venues de loin, mais il existe également un petit commerce de produits indigènes. Avec les grandes invasions, le petit commerce décroît sans disparaître; mais faute de documents, il est quasiment impossible de le repérer et de le distinguer du grand négoce. Au bas Moyen Age, il reprend de l'ampleur; la majorité des lieux du commerce public est alors située dans les villes, où les paysans sont obligés de se rendre. Toutefois un commerce purement rural, lié à la spécialisation régionale, existe dès cette époque au moins. Il peut prendre la forme d'échanges entre familles paysannes ou passer par l'intermédiaire de seigneurs ruraux tels les couvents.

Entre la fin du Moyen Age et le milieu du XIXe s., de plus en plus de personnes pratiquent le petit commerce. Malgré l'opposition des bourgeois soucieux de défendre les privilèges commerciaux urbains, on assiste à une densification et à une ruralisation des boutiques, des foires et même des marchés. Les rythmes de ces processus varient suivant les régions. Partout, des colporteurs indigènes ou étrangers sillonnent les campagnes. Le crédit joue un rôle essentiel, de même que la contrebande. Le volume des transactions du petit commerce est impossible à évaluer, mais il est supérieur à celui du commerce en gros. D'une part, la plupart des marchandises achetées en gros, à l'étranger ou dans le pays, sont tôt ou tard revendues au détail. D'autre part, de nombreux objets produits en petite quantité, sur place ou dans la région proche, sont vendus par le petit commerce avec un minimum d'intermédiaires ou sans leur intervention. Le volume du petit commerce est aussi plus élevé que celui du commerce extérieur, qui ne concerne qu'une partie de la production, parfois la plus prestigieuse. Les marchandises sont très diverses. Le gros bétail domine dans les foires rurales et dans la plupart de celles qui ont lieu dans les villes petites et moyennes (Commerce de bétail). Les marchés sont surtout destinés à l'approvisionnement en céréales (Marché agricole). On peut aussi acheter au marché ou à la foire des denrées alimentaires, des objets d'usage courant (vêtements, ustensiles de ménage, outillage) ou plus rares. Les boutiques proposent du tabac, du café et du sucre. On y trouve aussi des produits très variés, où domine la mercerie. A la fin du XVIIIe s., l'éventail des professions actives dans le petit commerce est vaste: bouchers, aubergistes ou boulangers; artisans appartenant à des corporations, qui ne peuvent généralement vendre que les objets qu'ils fabriquent tandis que les autres offrent toutes sortes de marchandises (Artisanat); boutiquiers spécialisés; colporteurs, qui sont souvent aussi des artisans ambulants; merciers ambulants relativement aisés; négociants enfin, qui sont censés pratiquer le seul commerce en gros mais font souvent aussi du petit commerce avec des objets qu'ils fabriquent ou qu'ils importent.

Le commis voyageur et colporteur Fuchs, dessiné vers 1840 dans le volume 4 de la chronique manuscrite bernoise (Stadtbrunnenchronik) de Karl Howald (Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Mss.Hist.Helv.XXIb.364, p. 239).
Le commis voyageur et colporteur Fuchs, dessiné vers 1840 dans le volume 4 de la chronique manuscrite bernoise (Stadtbrunnenchronik) de Karl Howald (Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, Mss.Hist.Helv.XXIb.364, p. 239).

Victorieusement contestés dès l'Ancien Régime, les privilèges commerciaux urbains sont abolis par la révolution de 1798. Les changements fondamentaux de l'époque contemporaine se produisent pour la plupart après les années 1850. Le petit commerce se sédentarise (magasins de quartier, épiceries villageoises) et se spécialise (alimentation, mercerie, quincaillerie par exemple). Les intermédiaires jouent un rôle croissant. Les colporteurs et les artisans ambulants disparaissent lentement. Alors que les grandes foires deviennent des lieux d'exposition, les foires au bétail prolifèrent puis sont progressivement remplacées par des marchés-concours. Les boutiques de revente deviennent de plus en plus nombreuses au détriment des échoppes d'artisans. Les produits frais vendus par des marchands prennent le pas sur ceux directement offerts par les producteurs. Dès la fin du XIXe s., les bazars et les grands magasins se multiplient, surtout dans les villes, et créent des filiales. La vente par correspondance diffuse les marchandises dans tout le pays. De leur côté, les consommateurs se regroupent en coopératives d'achat (Coopératives de consommation).

Banc de mercerie à Locarno sur la Piazza Grande. Photographie de Rudolf Zinggeler, vers 1895 (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Archives fédérales des monuments historiques, Collection Zinggeler).
Banc de mercerie à Locarno sur la Piazza Grande. Photographie de Rudolf Zinggeler, vers 1895 (Bibliothèque nationale suisse, Berne, Archives fédérales des monuments historiques, Collection Zinggeler). […]

Dans la seconde moitié du XXe s., le commerce de détail se concentre et se déplace en périphérie des villes, dans les zones commerciales où s'installent les grandes surfaces. Malgré des tentatives de regrouper leurs forces (Usego), de nombreux magasins de quartier et petites épiceries villageoises ferment leurs portes dès les années 1950, ce qui n'est pas sans répercussion sur la vie sociale. Alors que, sous l'Ancien Régime, la participation d'une grande partie de la population au petit commerce était active, elle est passive au XXe s. Dans la société de consommation, la majorité des gens vend sa force de travail mais n'a plus de marchandises à échanger. A la fin du XXe s., on voit cependant resurgir d'anciennes formes de petit commerce comme la vente par petites annonces, les brocantes, les marchés de Noël ou les ventes à la ferme. Des petits magasins ou des stands s'installent autour des grandes surfaces. La vente sur le réseau informatique se développe. Les diverses formes du petit commerce, qui se sont succédé dans le temps et ont beaucoup changé au cours des siècles, ne suivent donc pas un développement linéaire. On observe souvent la coexistence de formes hâtivement jugées comme archaïques avec d'autres résolument tournées vers l'avenir.

Sources et bibliographie

  • H. Cottier, La crise du petit commerce, 1930
  • M. Voser, L'évolution structurelle du commerce de détail, 1969
  • A.-M. Dubler, Handwerk, Gewerbe und Zunft in Stadt und Landschaft Luzern, 1982
  • L. Berekoven, Geschichte des deutschen Einzelhandels, 1986
  • R.U. Kaufmann, Jüdische und christliche Viehhändler in der Schweiz 1780-1930, 1988
  • H. Jahier, Angleterre et Suisse romande, [microfiches], 1994
  • J. Auf der Maur, Von der Tuchhandlung Castell zur Weinhandlung Schuler, 1996
  • A. Radeff, Du café dans le chaudron, 1996
  • J. Tanner et al., éd., Hist. de la société de consommation, 1998
  • A. Radeff, «Gewürzhandel en détail», in Gewürze, 1999, 187-204
  • B. Keller, Von Speziererinnen, Wegglibuben und Metzgern, 2001
Liens

Suggestion de citation

Anne Radeff: "Petit commerce", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 03.11.2011. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/026300/2011-11-03/, consulté le 29.03.2024.