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Hérisau

Plan à vol d'oiseau, détail d'une planche de la Topographia Helvetiae, Rhaetiae et Valesiae (1642) de Matthaeus Merian (Universitätsbibliothek Bern, Sammlung Ryhiner).
Plan à vol d'oiseau, détail d'une planche de la Topographia Helvetiae, Rhaetiae et Valesiae (1642) de Matthaeus Merian (Universitätsbibliothek Bern, Sammlung Ryhiner). […]

Comm. AR, ancien distr. du Hinterland, à l'intersection des routes Saint-Gall-Toggenbourg et Gossau-Appenzell, comprenant, dans un paysage vallonné, le "village" de H. (all. Herisau), petit centre régional d'aspect urbain entouré de quartiers résidentiels et industriels, ainsi que de hameaux et de fermes isolées dans les zones foraines à caractère agricole. Siège du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, H. joue depuis 1876 le rôle de chef-lieu des Rhodes-Extérieures. Un petit tiers de la population du demi-canton y résidait dans la seconde moitié du XXe s. Le territoire communal, à la limite du Plateau et des Préalpes, s'étendait sur environ 50 km2, avant d'être réduit de moitié par le détachement de Schwellbrunn et de Waldstatt en 1648 et 1720. 837 Herinisauva. En 2003, H. fut la première localité suisse à porter le titre de "ville des Alpes de l'année".

Population de la commune de Hérisau

Année16671734178018131830
Habitants3 021 4 8165 9336 8637 014
      
Année18501870a18881900191019301950197019902000
Habitants8 3879 70512 93713 49715 33613 59913 40714 59715 62415 882
En % de la population cantonale19,2%19,9%23,9%24,4%26,5%27,8%28,0%29,8%29,9%29,7%
Langue          
Allemand  12 79213 24414 57413 38213 08312 54913 22013 816
Italien  781826651532301 422869537
Français  4642604349364949
Autres  21293721455901 4861 480
Religion, Confession          
Protestants8 1479 01311 34711 45712 48811 26310 8019 6748 6467 666
Catholiquesb2406051 5501 9862 7652 2572 4964 5665 3335 105
Autres0109405483791103571 6453 111
dont chrétiens-orthodoxes       2376411 006
dont communauté juive 1720282918207514
dont communautés islamiques       4175362
dont sans appartenancec       596121 207
Nationalité          
Suisses8 1899 48112 08212 42613 55012 78412 81912 12812 73112 535
Etrangers1982468551 0711 7868155882 4692 8933 347

a Habitants: population résidante; religion et nationalité: population "présente"

b Y compris catholiques-chrétiens de 1888 à 1930; depuis 1950 catholiques romains

c N'appartenant ni à une confession ni à un groupe religieux

Population de la commune de Hérisau -  auteur; recensements fédéraux

Jusqu'aux guerres d'Appenzell

Les premières traces d'activité humaine datent du Mésolithique (trois objets témoins). La colonisation des Alamans commença vers le VIIIe s. Les toponymes les plus anciens se concentrent à l'ouest de la Glatt, où se trouve le lieudit Schwänberg, premier site appenzellois dont il soit fait mention (probablement 821 suweinperac, à l'occasion d'une cession territoriale à l'abbaye de Saint-Gall) et où vivait jusqu'à la fin du XIVe s. un groupe d'hommes libres, soumis à une juridiction particulière. En revanche, le territoire sis à l'est de la Glatt, avec l'église et le futur village de H., semble relever au début du IXe s. déjà de la seigneurie foncière de l'abbaye de Saint-Gall. Un sanctuaire dépendant de l'abbaye est mentionné dès 907. Les châteaux forts d'Urstein, Rosenberg et Rosenburg, construits entre le XIe et le XIIIe s., ont dû jouer un rôle dans les défrichements. Ils étaient propriété des seigneurs de Rorschach (Rosenberg), issus de la noblesse ministériale saint-galloise. Le droit d'investiture de l'église de H. (Saint-Sauveur, puis Saint-Laurent; changement intervenu entre 1225 et 1415) passa au XIIe s. de l'abbé de Saint-Gall à l'évêque de Constance. Un curé est mentionné en 1208, un domaine (Kelnhof) en 1282. Avec celle d'Appenzell, la cure de H. était la plus lucrative du canton.

Vers 1200, le vaste territoire de la curia Herisouve, qui s'étendait sans doute jusqu'à la Schwägalp en s'élevant du nord au sud, était exploité de diverses manières. Si la céréaliculture dominait sur les terres basses, on pratiquait plutôt l'élevage aux altitudes moyennes et dans les alpages, où la production de fromage se développa. Au bas Moyen Age, comme dans tout le pays d'Appenzell, l'agriculture se tourna vers le marché et l'élevage prit une importance prépondérante. Des bailleurs de fonds de la ville de Saint-Gall, alors en plein essor, favorisèrent ce changement.

Aux XIIIe et XIVe s., H. formait au sein de l'administration abbatiale une mayorie dont la zone d'influence comprenait tout le Hinterland appenzellois à l'ouest de l'Urnäsch, de l'actuelle limite cantonale au nord jusqu'à la Schwägalp. Les seigneurs de Rorschach (Rosenberg) en étaient les détenteurs depuis 1277 environ; ils renforcèrent leur pouvoir au début du XIVe s. en acquérant l'impôt de l'avouerie de H. et le patronage de l'église. Plusieurs entités coexistaient sur le territoire de H.: les hommes libres établis à l'ouest de la Glatt relevaient du bailliage libre (Freivogtei) de Haute-Thurgovie (à la fin du XIVe s. on mentionne en outre un bailliage libre de Schwänberg), tandis que les autres habitants des deux rives de la Glatt relevaient de l'avouerie impériale de H. Ces juridictions changèrent plusieurs fois de propriétaires. Elles finirent par revenir aux mains de l'abbé de Saint-Gall, avec la mayorie, entre 1381 et 1398.

Banneret portant le drapeau de la rhode avec les armes du bourg et saint Laurent. Copie d'un document du début du XVIe siècle dans la chronique réalisée vers 1818 par Johannes Fisch (Staatsarchiv Appenzell Ausserrhoden, Hérisau, Ms. 24).
Banneret portant le drapeau de la rhode avec les armes du bourg et saint Laurent. Copie d'un document du début du XVIe siècle dans la chronique réalisée vers 1818 par Johannes Fisch (Staatsarchiv Appenzell Ausserrhoden, Hérisau, Ms. 24). […]

Cette concentration des pouvoirs au profit du seigneur foncier pourrait avoir favorisé la formation de la commune de H., mentionnée dès 1400 environ, sous le nom de Kirchhöri (paroisse), mais elle renforça aussi le mouvement d'opposition à l'abbaye de Saint-Gall, qui culmina dans les guerres d' Appenzell. Les gens d'Urnäsch agirent pour leur propre compte, au moins depuis leur adhésion, avec d'autres communautés (lendlin) appenzelloises, à la Ligue des villes souabes (1377); ils firent cependant encore partie de la paroisse de H. jusqu'en 1417. En 1401, apparaissant pour la première fois comme une localité indépendante, munie de son propre sceau (S[igillum] Universitatis Terre de Herisow), H. conclut avec d'autres communautés de l'Alte Landschaft saint-galloise une alliance contre l'abbaye. En 1403, le village, qui s'était jusque-là tenu à l'écart des séparatistes appenzellois, se rangea de leur côté et resta en lutte contre l'abbé, contrairement à ses alliés de 1401, dont il se sépara. Il subit alors des actes de guerre et des destructions, notamment dans les anciens châteaux forts de Rosenberg et Rosenburg. Des arbitrages confédérés confirmèrent en 1421 l'appartenance de H. au pays d'Appenzell (droit qui fut refusé en revanche au territoire voisin de Gossau) et en 1433 sa soumission à la juridiction correspondante.

Hérisau dans le canton d'Appenzell, jusqu'à la scission (1421-1597)

La rhode de H. occupait dans le pays d'Appenzell le premier rang pour la population et le troisième pour la superficie. N'y étant pas solidement intégrée, elle défendit essentiellement ses intérêts particuliers et, jusqu'en 1597, ne fournit que quatre landammans. Les frontières avec la principauté abbatiale de Saint-Gall furent clarifiées en 1459 (au nord avec l'Alte Landschaft) et en 1539 (à l'ouest avec le comté du Toggenbourg). Les principales redevances dues à l'abbaye furent rachetées en 1461-1463 et les autres, notamment grâce aux pensions du service étranger, entre 1517 et 1566. Au XVIe s., H. s'organisa en quatre fractions (Scharen), compétentes en matière de service militaire, de police, de lutte contre le feu et d'assistance. Durant la seconde moitié du XVe s., on augmenta le nombre de bénéfices et l'on éleva trois nouveaux autels, dont l'un était sans doute entretenu par la confrérie de Sainte-Anne. Entre 1516 et 1520, l'église fut magnifiquement reconstruite par l'architecte Lorenz Reder, de Spire, mais on garda le clocher du XIVe s. Le hameau de Wilen avait une chapelle. Autour de l'église se développa une bourgade qui comprenait déjà, au XVIe s., plus de quarante maisons. Une foire annuelle, qui se tenait à la Saint-Laurent, jour de la fête patronale, est attestée dès 1518 et un marché hebdomadaire dès 1537 (halle construite entre 1533 et 1537).

La Réforme s'imposa à H. plus tard que dans le reste des Rhodes-Extérieures. A Johannes Dörig, pasteur luthérien zélé (1516-1522), succéda Joseph Forrer qui, nommé par l'évêque de Constance, empêcha jusqu'en 1529 l'adoption de la foi nouvelle. Une communauté d'anabaptistes se serait réunie de 1525 à 1529 dans une ferme de Sturzenegg. Après 1531 et à la fin des années 1580, lorsque les conflits confessionnels s'envenimèrent, H. prit une attitude conciliante. Après 1588, des dirigeants politiques protestants quittèrent le village d'Appenzell, où se menait activement la Contre-Réforme, pour s'installer à H. Les derniers autels et les croix funéraires, vestiges d'avant la Réforme, furent supprimés entre 1603 et 1605. Les catholiques avaient déjà dû quitter H.; les juifs, eux, en furent expulsés en 1622.

L'essor de la bourgade (1597-1830)

Une rivalité économique et politique opposait H. à Trogen (qui réussit à devenir en 1597 le chef-lieu du nouveau canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures); elle fut apaisée en 1647 par le dédoublement du gouvernement et du Petit Conseil. Sous la République helvétique, H. sera le chef-lieu d'un district homonyme. En 1601, on construisit l'hôtel de ville, où se réunissaient non seulement les autorités communales, mais aussi, en alternance avec Trogen, le double Landrat, le Grand Conseil, le consistoire cantonal et, en alternance avec Hundwil et Urnäsch, le Petit Conseil "d'au-delà de la Sitter". Schwellbrunn se sépara en 1648 pour former une commune et Waldstatt fit de même en 1720. Ainsi amputé au sud-ouest, H. dut à chaque fois redéfinir ses quatre fractions; cette organisation, révisée vers 1780 (le centre, considérablement agrandi, formant une cinquième section) sera abandonnée en 1808.

La plus haute instance, pour les affaires intéressant l'ensemble de la Kirchhöri, était l'assemblée des communiers (future assemblée communale). Elle élisait, au début de mai, ses capitaines et conseillers (ainsi que ses délégués au double Landrat, dès 1723); elle désignait à la Saint-Martin divers fonctionnaires. De 1738 environ à 1850, onze des vingt-deux conseillers devaient provenir du bourg et onze des hameaux forains; la charge de capitaine était aussi pourvue doublement. La présidence des autorités communales revenait, le cas échéant, au plus haut magistrat cantonal résidant sur place. Les propriétaires d'immeubles sis dans les limites de l'inspection du feu (Feuerschaubezirk) s'organisèrent au XVIe s. en une "corporation" bourgeoise, dirigée par les conseillers du bourg, qui se chargea de la lutte contre les incendies, de la police des constructions, de questions de sécurité, de l'adduction d'eau. Une administration particulière gérait les vastes biens communaux de la Nordhalde, dont les droits passèrent toutefois au XVIIIe s. à des particuliers ou furent acquis par la commune qui les attribua en 1799 à la bourse des pauvres. Il faut mentionner en outre les établissements communaux affermés, comme la tuilerie du Mauchler (jusqu'en 1843), la tannerie, l'abattoir, les bains et la taverne dite Schützenstube. Jusque vers 1830, l'économie et la politique étaient contrôlées par quelques familles, tantôt apparentées, tantôt rivales.

Plan du bourg dans son état de 1628, dessiné à la plume et à l'aquarelle vers 1819 par Johann Ludwig Merz (Museum Herisau).
Plan du bourg dans son état de 1628, dessiné à la plume et à l'aquarelle vers 1819 par Johann Ludwig Merz (Museum Herisau).
Plan du bourg dans son état de 1818, dessiné à la plume et à l'aquarelle vers 1819 par Johann Ludwig Merz (Museum Herisau).
Plan du bourg dans son état de 1818, dessiné à la plume et à l'aquarelle vers 1819 par Johann Ludwig Merz (Museum Herisau). […]

Au XVIIIe s., H. faisait partie des localités les plus peuplées de Suisse. Après avoir baissé au début du XVIIe s. en raison des épidémies de peste et de la séparation de Schwellbrunn, la population s'était accrue de plus de 60% entre 1650 et 1734, grâce à la prospérité de l'industrie de la toile. Une nouvelle hausse, entre 1750 et 1800, est liée à l'introduction du tissage du coton et du finissage. La croissance reposait en grande partie sur l'immigration, presque exclusivement en provenance d'autres communes des Rhodes-Extérieures. On chercha par diverses mesures à contrôler cet afflux: dès 1701, les arrivants devaient payer une taxe et restaient exclus de l'assemblée des communiers jusqu'à l'obtention de la bourgeoisie. Ils provoquèrent tout d'abord une densification de l'habitat dans les hameaux forains, où ils s'installaient de préférence et où l'on remarque encore aujourd'hui de nombreuses maisons de paysans-tisserands, construites au XVIIIe s. Mais après 1760, la croissance démographique se manifesta surtout dans le bourg et dans les quartiers industriels qui se développaient sur les rives de la Glatt et du Sägebach, d'autant que l'évolution économique poussait les élites, autrefois dispersées sur tout le territoire communal, à se replier vers le centre. Malgré des incendies dévastateurs (1559, 1606, 1812), l'agglomération autour de l'église s'agrandit rapidement: elle comptait quelque quatre-vingt-cinq bâtiments en 1646, mais déjà 250 en 1791. La disposition actuelle du noyau villageois remonte à la reconstruction de 1606. La plupart des maisons étaient alors en bois; la famille Wetter se distingua en faisant élever sur la place de l'église deux riches demeures en maçonnerie (1737). De nombreuses "maisons de fabricants", érigées dès 1750 le long des rues principales, sont encore debout et marquent la physionomie de la localité. Le territoire soumis à l'inspection du feu fut agrandi en 1787. Le nombre des fontaines publiques passa de quatre à douze au XVIIIe s. Des captages de sources lointaines furent réalisés dès 1808.

La toilerie, attestée dès 1515, et ses industries annexes prirent le pas, aux XVIe et XVIIe s., sur les activités agricoles, dont la principale était l'élevage. En effet, à partir du XIVe s. au plus tard, on avait peu à peu abandonné la céréaliculture (la production de grains pour le marché disparut complètement). Souvent, les éleveurs pratiquaient aussi le tissage à domicile; ce mélange, caractéristique des Rhodes-Extérieures, était courant dans les zones rurales de H. dès 1700 au plus tard. La bourgade parvint en outre à acquérir une position importante dans le commerce du fil (marché hebdomadaire attesté dès 1670), le finissage et la vente des toiles (contrôles de qualité attestés dès 1706). D'abord confinée dans un rôle de fournisseur des marchands de toile de la ville de Saint-Gall, elle s'affirma après 1650 comme une rivale. Vers 1660, des marchands locaux commencèrent à exporter des toiles vers Lyon. Les frères Ulrich et Bartholome Schiess exploitèrent dès 1666 une première blanchisserie (ils lui adjoignirent plus tard un moulin à papier). Vers 1737, on installa au bord de la Glatt un premier atelier d'impression sur étoffes. L'industrie textile se renforça encore après sa reconversion dans le traitement du coton (dès 1750). Des blanchisseries et des installations d'apprêtage virent le jour dans plusieurs sites périphériques, en particulier le long de la Glatt, où se développa un véritable quartier industriel avec diverses manufactures. Alors qu'il n'y avait que quatre marchands de fil à H. en 1579, on recensait en 1826 quarante-deux commerçants, quatre-vingt-quatre fabricants, un grand nombre de marchands de fil et de maîtres tisserands, ainsi que neuf blanchisseries, douze ateliers d'apprêtage, quatre de flambage, deux indienneries et deux teintureries. Il y avait en outre dix-sept moulins (huit scies, sept à grains et deux à papier). La variété de l'artisanat était digne d'une ville. De nombreux maîtres étaient membres de sociétés à caractère corporatif. On comptait 309 maîtres, 175 compagnons et 55 apprentis en 1826. H. était le principal centre commercial en Appenzell; son rayonnement s'étendait jusque dans la campagne saint-galloise et dans le Toggenbourg.

Les écoles primaires étaient privées et payantes jusqu'en 1834. Les autorités locales se contentaient d'octroyer une autorisation de travail aux maîtres, de rémunérer le second pasteur (qui remplissait certaines tâches éducatives), de contribuer aux frais des examens annuels à Pâques et de subventionner l'écolage des pauvres. Johann Jakob Fitzi, formé par Pestalozzi, fonda une école réale privée en 1809. Un orphelinat ouvrit en 1769 et un foyer pour indigents en 1795. La vie intellectuelle se développa tardivement à H. et d'abord dans une élite restreinte. Une bibliothèque fut créée en 1775. Des sociétés de musique furent actives de 1776 à 1790 et de 1810 à 1816. Johannes Walser dirigea dès 1792 un atelier d'art, animé un certain temps par Gabriel Lory père (fermé en 1809). Le premier journal des Rhodes-Extérieures, l'Avisblatt für Herisau und Umgebung, parut à H. de 1805 à 1814.

De 1830 à nos jours

Depuis 1877, H. accueille les séances ordinaires du gouvernement et du parlement, abrite les principaux bureaux de l'administration cantonale et constitue donc, de fait, le chef-lieu d'Appenzell Rhodes-Extérieures. Jusqu'en 1914, ces institutions furent logées à l'hôtel de ville (sauf, de 1902 à 1914, le Conseil d'Etat et la chancellerie, qui se trouvaient dans le nouveau bâtiment de la poste). Elles furent ensuite déplacées dans l'immeuble de la Banque cantonale et du gouvernement (sur l'Obstmarkt). Place d'armes fédérale dès 1865 (caserne d'infanterie; arsenal en 1919), place bancaire (depuis 1866), H. abrite un hôpital régional (1879), la clinique psychiatrique cantonale (construite en 1906-1908) et le centre cantonal de formation professionnelle (1975). La séparation des pouvoirs fut mise en œuvre en 1859 par la création d'un tribunal communal (supprimé en 1972), par la dissolution en 1877 de la Kirchhöri, transformée d'une part en paroisse (protestante) et d'autre part en commune politique. Dès 1910, l'assemblée communale fut remplacée par des élections et des votations au bulletin secret. En 1975, le conseil communal (exécutif) fut professionnalisé et passa de vingt et un à sept membres, tandis que l'on créait un parlement local de trente et un membres, élus à la proportionnelle. La corporation bourgeoise passa en 1834 sous administration privée. Elle céda à la commune, avant 1875, ses compétences en matière de lutte contre le feu, de police et de guet, mais se chargea en échange de l'éclairage public du bourg et, progressivement, de l'ensemble du réseau d'eau. La commune reprit dans les années 1970 les écoles enfantines, les transports et l'éclairage publics. En revanche, on transféra au canton la police (1972) et l'hôpital régional (1993). L'élimination des déchets est assurée depuis 1971 par un organisme suprarégional (usine d'incinération de la ville de Saint-Gall). La gestion des établissements médicosociaux fut confiée en 2001 à une fondation créée à cet effet.

La démographie, entraînée par la prospérité de la broderie, connut entre 1850 et 1910 un essor supérieur à la moyenne du canton et de la Suisse. Parmi les chefs-lieux cantonaux non urbains à l'origine, H. est le seul qui franchit la barre des 10 000 habitants avant 1915. Cette troisième phase de croissance est due principalement à l'immigration extracantonale. Entre 1850 et 1920, la part des ressortissants d'autres cantons passa de 11,5 à 43% (49% en 1960), celle des étrangers de 2 à 12%, alors que celle des bourgeois chuta de 50 à 25,5%. Les nouveaux arrivants s'installaient surtout dans le bourg et dans les zones industrielles, auprès desquelles surgirent de véritables quartiers ouvriers. Après 1920, la crise économique entraîna une baisse démographique, la reprise ne s'annonçant qu'à partir de 1950. Entre 1950 et 1970, la proportion d'étrangers passa de 4,5 à 17% (21% en 2000). Après 1980, les ressortissants de l'ex-Yougoslavie devinrent la plus importante communauté, dépassant celle des Italiens. Les années postérieures à 1970 sont marquées par de fortes fluctuations. En 1990, seuls 34% des habitants étaient natifs de H. Cette situation suscita diverses réactions, dès 1965 (associations de quartier, fêtes villageoises). En raison de la mobilité individuelle croissante, H. s'intégra progressivement à l'agglomération saint-galloise, dès 1985, ce qui affaiblit sa position traditionnelle de centre régional. Dans les années 1980, le nombre des navetteurs augmenta fortement (de 1500 à 2550 env.), les uns gagnant et les autres quittant chaque jour H., en parts presque égales; mais les premiers finirent par l'emporter (comme avant 1960) et cette évolution s'accentua dans les années 1990.

La physionomie du bourg subit de grands changements après 1835. Le tracé de trois nouvelles rues partant du centre (rues de la Poste, de la Caserne et de la Gare), le développement des zones industrielles (Nordhalde, rives du Sägebach et de la Glatt) et la construction des voies ferrées ont modifié les structures de l'agglomération. Pour remplacer la première gare (au centre du bourg, 1875) et éliminer sa disposition en cul-de-sac, on entreprit une vaste planification de zones à bâtir et l'on construisit un impressionnant viaduc sur la Glatt (1907-1910). Les quartiers d'habitation prévus aux environs de la nouvelle gare furent en partie réalisés, mais la crise économique mit un terme à ces grands projets d'urbanisme. Dans le centre, des bâtiments en pierre supplantèrent les traditionnelles maisons de bois. Il faut mentionner la nouvelle poste (1899-1902), dont la coupole rappelle celle du Palais fédéral, et le bâtiment de la Banque cantonale et du gouvernement (1912-1914), sur l'Obstmarkt promu carrefour principal. Une politique ambitieuse fit créer en 1901 un service d'urbanisme et amena l'adhésion à l'Union des villes suisses. Dès 1905, H. devint un poste avancé de l'architecture Heimatstil. Enrichis par l'industrie à domicile, les hameaux forains prirent part, dès 1880, au boom de la construction. La crise de la broderie mit fin à la haute conjoncture dans le bâtiment; entre 1918 et 1943, l'aspect de l'agglomération se figea. L'activité reprit vivement après 1950, pour répondre à une forte demande de logements. Des zones industrielles furent converties en quartiers d'habitation, et l'on créa de nouveaux lotissements dans des zones vertes de la périphérie. En même temps, le centre devenait un petit pôle commercial, au détriment du logement. On construisit surtout des locatifs jusqu'en 1975, puis, dès 1979, des villas familiales. Se déployant dans un site à la topographie compliquée, le centre, jusque-là bien circonscrit, se développa de manière confuse et tentaculaire.

Inauguration de la ligne du Bodensee-Toggenburg-Bahn le 1er octobre 1910 (Museum Herisau).
Inauguration de la ligne du Bodensee-Toggenburg-Bahn le 1er octobre 1910 (Museum Herisau). […]

Le développement économique se poursuivit jusqu'en 1940 au rythme des fluctuations de l'industrie textile. La broderie et ses activités auxiliaires dominèrent entre 1865 et 1920. H. devint en outre le plus important centre de l'industrie du finissage en Suisse orientale. Il y avait en 1900 huit blanchisseries, dix ateliers d'apprêtage, quatre de flambage, deux teintureries, une retorderie, plusieurs broderies mécaniques et treize maisons de commerce actives dans le textile. On mentionnera aussi les fabriques Suhner (câbles) et Walke (papiers de couleur, la première en son genre en Suisse), deux ateliers de lithographie et d'estampe, une imprimerie. De gros efforts furent consentis au XIXe s. pour promouvoir les transports, l'économie forestière (importants reboisements, création de pépinières) et l'élevage (construction de plusieurs fromageries de plaine). Le marché hebdomadaire au bétail (1792) devint au XXe s. le plus important marché aux veaux de Suisse orientale. La connexion au réseau ferroviaire fut établie en 1875 grâce à la première ligne à voie étroite de Suisse, Winkeln-H.-Urnäsch (une liaison vers Gossau remplace depuis 1913 le tronçon Winkeln-H.). S'y ajouta en 1910 le train à voie normale Romanshorn-Saint-Gall-H.-Wattwil. Un bureau de télégraphe ouvrit en 1857, une usine à gaz en 1867. On installa en 1883-1884 l'eau courante et un système d'hydrantes. Le réseau local du téléphone date de 1885, la salle de gymnastique de 1885-1886, le raccordement à la centrale électrique de Kubel de 1900 et la canalisation des égouts de 1907. Grâce à l'établissement thermal Heinrichsbad, H. fut de 1824 à 1873 un site touristique de réputation internationale.

La crise économique de l'entre-deux-guerres frappa H. de plein fouet; elle entraîna la fermeture de broderies et de petits et moyens ateliers de finissage. Cependant, les trois entreprises les plus importantes, l'apprêtage Cilander, la maison de commerce textile J.G. Nef et la fabrique de câbles Suhner & Co., parvinrent à s'agrandir. Dans le domaine du commerce de détail, l'ouverture en 1928 de la première filiale Migros de Suisse orientale échauffa les esprits. On comptait en 1939 soixante-huit guérisseurs et quarante-trois dentistes reconnus sur le plan cantonal (métiers en forte augmentation depuis 1930). Les autorités communales réussirent après 1945 à introduire dans l'économie locale une diversification bénéfique. La métallurgie et les machines connurent un essor considérable. Les années 1965-1975 amenèrent une véritable rupture, avec la perte d'environ un tiers des emplois dans l'industrie, surtout dans le textile. Les services se développèrent durant la même période et rattrapèrent le secteur secondaire, ce qui permit un nouvel essor économique (les emplois à plein temps passèrent de 5636 à 6833 entre 1975 et 1991), freiné après 1995 par la récession.

Cependant, H. ne participa que marginalement au boom économique dont bénéficia l'ensemble de la Suisse après 1945. Suhner & Co. (Huber + Suhner en 1969), entreprise très performante dans les domaines de l'électrotechnique, du caoutchouc et des matières plastiques, fut la figure de proue de l'industrie de l'après-guerre dans les Rhodes-Extérieures. L'industrie textile, qui fournissait 59% des emplois en 1905, n'en offrait plus que 5% en 1995. La part de l'administration publique augmenta de manière significative entre 1955 et 1995 (de 11% à 20%), de même que le nombre de personnes occupées dans les domaines de la consultation, de la planification et de la défense d'intérêts (de 17 à 324 postes à plein temps). Avec plus de 8000 emplois en 2000 (dont la moitié dans le secteur tertiaire et 4% à peine dans l'agriculture), H. contribue massivement à faire du Hinterland appenzellois une zone économique résistant à l'attraction de la région Saint-Gall-Gossau. Les infrastructures communales présentèrent longtemps des lacunes, que l'on finit par combler en construisant des édifices scolaires, des équipements sportifs et culturels, la maison de retraite Heinrichsbad (1968-1970; augmentée d'un EMS et de logements protégés en 1980-1982), l'hôpital régional (1968-1972) et la station d'épuration (1971-1975, agrandie en 1997-1999). Le problème récurrent de l'approvisionnement en eau (géré par la corporation villageoise) fut réglé par le raccordement au réseau H.-Degersheim-Mogelsberg (1934), par des contrats passés avec la ville de Saint-Gall (1966), enfin par l'adhésion au réseau de distribution de la région saint-galloise, avec participation au captage lacustre de Frasnacht (1993). La production de gaz cessa en 1969 et H. fut relié au réseau de gaz naturel de Suisse orientale.

Drapeau d'une association culturelle ouvrière en 1900 (Museum Herisau).
Drapeau d'une association culturelle ouvrière en 1900 (Museum Herisau). […]

Conséquence de l'immigration, un grand nombre de catholiques s'installèrent à H., terre protestante. Leur proportion passa de 5 à 18% entre 1860 et 1910, puis de 18,5 à 31,5% entre 1950 et 1970. Ils fondèrent une paroisse en 1867, élevèrent une église en 1878-1879 (reconstruite en 1936-1937). Des enseignants catholiques ne sont tolérés que depuis 1958. Dans la paroisse réformée, des disputes entre orthodoxes et libéraux entraînèrent vers 1870 une scission qui se prolongea jusqu'en plein XXe s., et qui imposa une attribution paritaire des charges de pasteur. Les bains de Heinrichsbad, repris par une société de protestants orthodoxes en 1873, devinrent un établissement thermal chrétien ayant son propre pasteur. Dès 1887, divers mouvements religieux prirent pied à H.; l'Armée du Salut y eut l'un de ses premiers postes en Suisse alémanique. Une communauté protestante, fondée dans les années 1990, dirige depuis peu une école primaire privée, d'orientation chrétienne.

Au XIXe s., les opinions politiques se formaient dans le cadre des sociétés de lecture (dès 1830; dans les hameaux forains, elles se considéraient surtout comme des associations représentant les intérêts du lieu), de la Société du Grutli (1850), de la Société d'agriculture (1869) et des fédérations ouvrières. Après 1900, ce rôle revint aux partis, parmi lesquels le PRD occupa toujours une position dominante. Différents groupes sont à l'origine de processus de différenciation sociopolitique et idéologique: radicaux et libéraux s'opposèrent dans les années 1870; durant la première moitié du XXe s., le mouvement ouvrier socialiste, de même que les catholiques, se distancièrent délibérément de la majorité protestante et radicale, qui peinait à maintenir son unité. Ces déterminations idéologiques s'érodèrent à partir de 1960 et de jeunes citoyens critiques se rassemblèrent, de 1974 à 1993, dans l'Alliance des Indépendants, auquel succéda en 1992 le Forum Herisau. Cet organisme, proche des Verts, n'a pu consolider ses premiers succès. Il se voulait hors des structures politiques traditionnelles, auxquelles se réfère en revanche l'UDC, nouvelle force conservatrice au développement rapide depuis 1994. L'Appenzeller Zeitung, radicale, paraît à H. depuis 1852. Les publications concurrentes eurent généralement une carrière éphémère; l'Appenzeller Volkswacht, feuille socialiste publiée à H. entre 1906 et 1930 (jumelée dès 1914 avec la Volksstimme de Saint-Gall) est celle qui résista le plus longtemps. Dans le domaine culturel, où s'activaient de nombreuses sociétés, on se tourna durant l'entre-deux-guerres vers la défense du folklore appenzellois et du jodel. Ainsi, H. fut en 1925 le berceau du costume nouvellement créé des Rhodes-Extérieures, et dès 1927 on remit en vigueur la vieille tradition des masques de la Saint-Sylvestre (Silvesterklausen). L'ouverture d'une maison des jeunes en 1968 marque l'avènement d'un mouvement de jeunesse d'inspiration anglo-saxonne. Des initiatives comme les concerts classiques du Casino, les soirées de cabaret à l'Ancien Arsenal patronnées par l'Association Kultur is Dorf, les concerts de musique pop organisés depuis les années 1990 au Casino et à la Chälblihalle, ainsi que l'ouverture d'une bibliothèque en 1994 et d'un cinéma en 2000 (des projections avaient eu lieu déjà entre 1910 et 1984) témoignent d'une résistance à l'attraction culturelle de Saint-Gall. Instaurée vers 1845, la fête printanière de Gidio Hosestoss (personnage carnavalesque) est une coutume particulière à H., ainsi qu'à la commune voisine de Waldstatt, par imitation. La célébration du carnaval, autrefois condamnée par les protestants, a fait de grands progrès depuis les années 1980.

Sources et bibliographie

  • ACom
  • BCom
  • Musée de Hérisau
  • MAH AR, 1, 1973
  • INSA, 5, 123-223
  • T. Fuchs et al., Herisau, 1999
  • P. Witschi, Das Schwarze Haus am Glattbach, 1999
Liens
Notices d'autorité
GND

Suggestion de citation

Thomas Fuchs: "Hérisau", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 22.08.2008, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/001293/2008-08-22/, consulté le 19.03.2024.