Dans l'Eglise catholique, le terme de liturgie embrasse l'ensemble des offices divins: la célébration de l'eucharistie (messe) et des autres sacrements - baptême, confirmation, réconciliation (anciennement pénitence, confession), onction des malades (autrefois extrême-onction), mariage (Noces), ordre - les cérémonies conférant un mandat, la bénédiction de personnes ou d'objets, l'enterrement (Rites funéraires), de même que les heures monastiques, le dimanche (premier jour de la semaine) et les fêtes patronales de l'année liturgique. La liturgie et les pratiques pieuses (Piété populaire) qui l'accompagnent ont fortement marqué la vie des catholiques jusqu'à une époque récente (Catholicisme). On ne peut comprendre nombre de développements ecclésiastiques, culturels et sociaux sans en avoir connaissance.
Le territoire de la Suisse se trouve à la croisée de diverses influences liturgiques. C'est ainsi qu'à l'époque de l'Antiquité tardive, l'Italie du Nord a joué un rôle prépondérant, certaines vallées du Tessin suivant aujourd'hui encore le rite milanais ou ambrosien. Au haut Moyen Age, Sion entretenait d'étroites relations avec Aoste et la Tarentaise. Aux VIIIe et IXe s., le territoire situé au nord des Alpes fut gagné par la réforme liturgique carolingienne (liturgie romano-franque), avant que ne s'impose le rite romain au Moyen Age central. Des diocèses, des ordres religieux et des couvents (Monachisme) eurent droit à leur propre liturgie.
Si les informations sur la liturgie des premiers temps restent maigres (le baptistère de Riva San Vitale, vers 500, en donne quelques-unes), les sources médiévales sont nettement plus riches. Des abbayes influentes ont marqué de leur empreinte la vie liturgique, Saint-Maurice dans la vallée du Rhône, Luxeuil dans la Suisse du nord-ouest (Jura), Fulda, Reichenau, Rheinau et Pfäfers, Saint-Gall dès la première moitié du IXe s., plus tard aussi Disentis, Allerheiligen (Schaffhouse), Engelberg et Einsiedeln dans la Suisse alémanique actuelle. Dans de nombreuses villes, des communautés de chanoines influèrent la pratique liturgique (Chapitres cathédraux, Chapitres collégiaux). Le couvent de Saint-Gall eut une position dominante dans toute l'Europe par ses copies et ses adaptations de sacramentaires, de lectionnaires, d'antiphonaires et d'ordinaires. D'importants manuscrits liturgiques furent cependant produits par d'autres monastères, entre autres ceux de Rheinau, d'Einsiedeln et d'Engelberg. Au passage du XVe au XVIe s., le Manuale Curatorum du Bâlois Johann Ulrich Surgant influença durablement la liturgie pastorale en Suisse, en Allemagne du Sud et en Alsace (Pastorale).
Après le concile de Trente, les diocèses suisses introduisirent la réforme qui y avait été décrétée (Réforme catholique). La révision romaine des ouvrages liturgiques joua un rôle novateur. Les traditions propres à chaque diocèse furent fortement réduites, la liturgie largement unifiée et imposée à l'aide de statuts synodaux (Synodes) et de visites pastorales. A l'époque baroque, on resta fidèle aux livres liturgiques post-tridentins, mais la transformation architecturale des églises, à laquelle s'allièrent une multiplication des chants populaires, de nouvelles formes de musique sacrée et des exercices de piété, entraîna en fait un changement considérable de l'office divin.
Avec le vicaire général Ignaz Heinrich von Wessenberg, le diocèse de Constance joua un rôle dirigeant dans la création d'une liturgie des Lumières. Elle consistait en un culte plus ouvert et plus proche du peuple, avec l'introduction partielle de la langue vernaculaire. La proclamation de la parole de Dieu, la prédication et l'instruction furent développées, l'accent fut mis sur les droits des diocèses et des paroisses face au Saint-Siège. Cette évolution n'alla pas sans engendrer le malentendu que l'office divin n'était qu'une invitation à se comporter moralement. Dans la seconde moitié du XIXe s. (Kulturkampf), les diocèses suisses, comme d'autres, s'appuyèrent de nouveau sur le Saint-Siège et les rites romains en matière de liturgie. La Suisse a pris peu d'initiatives propres dans le mouvement international qui s'est affirmé depuis le début du XXe s jusqu'au deuxième concile du Vatican.
Les rituels diocésains (Genève en 1473, Bâle en 1488, Lausanne en 1493, Coire en 1503), développés pour tous les diocèses (à l'exception de celui de Sion) jusqu'à Vatican II, et, depuis la seconde moitié du XIXe s., les livres de prières et de chants (Chant d'Eglise) de chaque diocèse sont d'importantes sources d'information sur les particularités régionales et locales de la vie liturgique. Une version unique pour tous les diocèses suisses alémaniques fut publiée en 1966 (nouvelle édition complètement révisée en 1998). Au XIX e s. déjà, de nombreux missels populaires avaient paru en Suisse alémanique. Au XXe s., le "Bomm" (1927) fut le missel le plus influent, avec le "Schott" du père Anselm Schott. Produit de l'édition suisse (Benziger à Einsiedeln), dû à l'abbé Urbanus Bomm, il rencontra un large écho et marqua la conscience liturgique jusqu'à Vatican II. Il en alla de même en Suisse romande avec les "missels des fidèles", généralement de provenance française.
Les décisions de Vatican II prônant une vaste réforme de la liturgie, qui incluait l'usage de la langue locale, furent rapidement adoptées en Suisse dès 1964 par la Conférence des évêques suisses, par les évêques diocésains et par les paroisses avec le soutien des instituts liturgiques. Depuis lors, la célébration se fait de manière identique dans les trois grandes langues nationales sur la base de missels communs aux trois aires linguistiques. La traduction de certains livres liturgiques en rhéto-romanche provient d'une initiative privée. Parmi les artisans marquants du renouveau liturgique après Vatican II et de la recherche sur la liturgie, il convient de nommer Anton Hänggi. Pour certaines petites communautés schismatiques (notamment le séminaire d'Ecône en Valais), le refus de la réforme liturgique symbolise le rejet du concile lui-même.
Les changements dans l'Eglise et la société se reflètent nettement dans la liturgie. On remarquera les innovations dans l'office divin, une accentuation marquée des responsabilités de chaque Eglise particulière et de l'autonomie liturgique des paroisses ou des laïcs (hommes et femmes), parfois à l'encontre du droit canon. L'absolution collective dans le sacrement de la pénitence (depuis 1974), l'édition autonome d'une Célébration œcuménique du mariage (1994, all. 1993, 22001), de même que le livre liturgique pour la Suisse alémanique Die Wortgottesfeier (1997) sont des particularités du catholicisme suisse. Des propres régionaux ou concernant des ordres religieux ont vu le jour pour le calendrier des fêtes, le missel et la liturgie des heures. L'engagement œcuménique en matière de liturgie mérite d'être relevé (OEcuménisme) lorsqu'on compare les Eglises suisses avec celles d'autres pays. Depuis la fin des années 1960, en raison notamment du manque de prêtres, la collaboration et même la direction liturgique des laïcs se sont imposées.
Nombre de questions soulevées par cette évolution exigent un éclaicissement théologique rapide. L'université de Fribourg centralise les recherches. A la première chaire de science liturgique en Suisse (1900-1912) en a succédé une autre, créée en 1956. Depuis 2001, l'université de Lucerne possède également sa chaire de science liturgique qu'elle partage depuis 2006 avec la haute école de théologie de Coire. Une étude d'ensemble sur l'histoire de la liturgie en Suisse fait encore défaut.