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Etrangers

L'étranger est celui qui n'appartient pas à une communauté déterminée (nation, Etat, commune, famille...). Cette définition négative implique des significations très variables selon les époques, puisque le sentiment d'identité et d'appartenance à une communauté a considérablement varié au cours des siècles. Ainsi l'étranger au sens que nous donnons aujourd'hui à ce terme n'apparaît qu'avec la formation des Etats nationaux.

Statut juridique: de la République helvétique au Code civil suisse

Avant 1798, les étrangers, ou aubains selon la terminologie de l'ancien droit français, relevaient, d'une manière générale, de la souveraineté des cantons et de leurs alliés (Etrangers aubains). En 1798, la création d'un Etat unitaire ― la République helvétique ― et l'application des principes de 1789 permirent pour la première fois l'apparition d'une citoyenneté helvétique et ne firent plus dépendre la jouissance des droits fondamentaux (Droits de l'homme) et libertés de l'appartenance à un corps ou à un groupe (Droit de cité). Selon la loi du 29 septembre 1798, les étrangers étaient assimilés aux citoyens, sauf pour les droits politiques; l'autorisation de s'établir en Suisse leur était donnée par le Directoire, moyennant production d'un acte d'origine et d'un certificat de bonnes mœurs. Les juifs de Lengnau (AG) et Endingen, incomplètement émancipés, jouiront aussi du statut d'étranger. Le maintien de la commune "bourgeoise" à côté de la commune "politique" impliquait des inégalités entre citoyens "communiers" et "non communiers" (Suisses et étrangers), principalement en matière d'assistance; elles subsisteront jusqu'au XXe s. La loi du 24 novembre 1800 attribua aux Chambres administratives des cantons la délivrance des autorisations de séjour et d'établissement; les étrangers qui les demandaient devaient s'acquitter d'une taxe et éventuellement verser une caution.

L'acte de Médiation de 1803 redonna aux cantons la faculté de légiférer à l'égard des étrangers; le cas des Français fut toutefois réglé par le traité d'alliance du 27 septembre 1803 qui prévoyait, sous condition de réciprocité, la liberté d'établissement et l'octroi des droits civils. Le Pacte fédéral de 1815 abandonna aux cantons tout ce qui concernait les étrangers; il en alla de même des constitutions de 1848 et 1874, à l'exception de l'article 70 donnant le droit à la Confédération d'expulser l'étranger qui compromettrait la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (Bannissement). Avant 1848, le ressortissant d'un autre canton était encore considéré comme un étranger.

Le Code civil suisse de 1912 fixa enfin pour tout le pays la situation juridique des étrangers: égalité civile complète et inconditionnelle avec les Suisses. Auparavant les lois cantonales étaient souvent muettes ou se bornaient à prévoir un régime de réciprocité. En effet, des traités bilatéraux garantissaient aux ressortissants des Etats contractants la liberté d'établissement et la liberté du commerce et de l'industrie (traités entre la Sardaigne et douze cantons du 12 mai 1827; entre la France et dix-huit cantons du 30 mai 1827). Dès 1848, des traités de libre établissement furent conclus par la Confédération avec de nombreux pays. En outre, la jurisprudence du Tribunal fédéral reconnut constamment à l'étranger l'égalité civile (Immigration).

La liberté de séjour et d'établissement en Suisse était soumise à la présentation de papiers d'identité et d'un certificat de bonnes mœurs, cette dernière condition n'étant pas requise pour les pays limitrophes, sauf pour l'Allemagne jusqu'en 1911. Les cantons demeuraient libres d'admettre ou de refuser ceux qui ne satisfaisaient pas à ces conditions, déserteurs, réfugiés politiques qui ne pouvaient bien évidemment pas se procurer les documents nécessaires. L'assistance publique étant, en Suisse, du ressort de la commune bourgeoise et du canton, les étrangers ne pouvaient en bénéficier. L'indigence constituait donc un motif d'expulsion, sauf si l'Etat d'origine consentait à accorder une assistance suffisante.

Les effectifs avant 1914

Dès le début du XIXe s., la proportion d'étrangers par rapport à la population totale fut plus importante en Suisse que dans les autres pays européens. Cela tient à l'apport des régions frontalières, à la situation centrale et à l'exiguité de la Suisse. Malgré les limitations de 1803 et 1815, il fut plus facile de se déplacer et de s'établir qu'avant 1798. En 1836-1839, les cantons de Bâle-Ville et de Genève, centres naturels d'un bassin géographique essentiellement situé au-delà de la frontière, comptaient la plus forte proportion d'étrangers, 21,5% et 20,2% (2,5% pour l'ensemble de la Suisse).

Après 1848, l'essor économique, les besoins de l'industrie, des travaux publics et du bâtiment, le développement des chemins de fer et les facilités accrues de déplacement, les progrès de la liberté d'établissement augmentèrent considérablement les pourcentages: 3% en 1850, 5,7% en 1870, 11,6% en 1900, 14,7% en 1910. Le Luxembourg mis à part, aucun pays européen ne connut de telles proportions. Il faut toutefois tenir compte du fait que les enfants nés en Suisse d'étrangers conservent la nationalité de leurs parents (droit du sang ou jus sanguinis). Comme les naturalisations étaient coûteuses et difficiles et leurs avantages pas toujours évidents, la qualité d'étranger se transmettait de génération en génération, contrairement aux pays qui, comme la France, pratiquent le droit du sol ou jus soli. En 1910, plus du tiers des étrangers étaient nés en Suisse, dont un peu plus de la moitié avaient moins de 15 ans.

La population étrangère se distinguait par son taux d'activité supérieur (surtout dans le secteur secondaire), par sa forte proportion de salariés, par la part importante des classes d'âge en état de travailler. Cette composition sociale explique la répartition géographique et la concentration dans les régions industrialisées et frontalières: en 1910, neuf cantons seulement hébergaient près de 80% des étrangers lesquels représentaient 40,4% de la population à Genève, 37,6% à Bâle-Ville, 28,2% au Tessin, 19% en Thurgovie et 17,6% à Saint-Gall. Dans les villes, la proportion était de 50,5% à Lugano, 46,1% à Arbon, 42% à Genève, 41,5% à Rorschach, 37,8% à Bâle, 33,9% à Schaffhouse, 33,8% à Zurich.

Les réfugiés politiques ne constituaient, sauf exception (1849), qu'une faible proportion des étrangers. Jusqu'en 1914, ces derniers jouèrent un rôle primordial dans l'enseignement secondaire et supérieur. En 1833 et 1834, par exemple, les nouvelles universités de Zurich et de Berne recrutèrent presque exclusivement des professeurs allemands. A Fribourg, à la veille de la Grande Guerre, seuls vingt-deux professeurs sur septante-six étaient suisses.

Les diverses immigrations nationales avant 1914

Jusqu'en 1914, plus de 95% des étrangers provenaient des Etats frontaliers, mais la répartition entre ceux-ci se modifia passablement.

L'immigration allemande

Les ressortissants des divers Etats allemands formèrent jusqu'en 1914 le pourcentage le plus élevé, même s'il baissa à la fin du XIXe s.: environ 35% en 1830, 48,9% en 1888 et 39,7% en 1910. Ils étaient environ 20 000 en 1830 et 40 000 en 1848. Plus de la moitié étaient des ouvriers artisans, effectuant souvent leur tour d'Europe. Ils constituaient dans quelques villes une proportion importante des tailleurs, des cordonniers, des charpentiers. Dès la fin des années 1830, ils formèrent des associations d'instruction et de loisirs (Associations ouvrières allemandes) où les républicains de la Jeune Allemagne et Wilhelm Weitling recrutèrent leurs adeptes. Quelque 20% des immigrés allemands étaient à la tête d'entreprises industrielles et commerciales ou exerçaient des professions libérales et intellectuelles. Les lois antisocialistes de Bismarck (1878-1890) chassèrent nombre de militants vers la Suisse. L'organisation ouvrière socialiste allemande joua un rôle important au sein de l'Union syndicale et du Parti socialiste suisses; elle formera l'aile gauche de ce dernier après 1913.

La tendance nationale et démocratique, encore dominante au lendemain de 1849, se transforma après 1871 en un nationalisme germanique exclusif, cultivé par de nombreuses associations. Il suscita des réactions négatives soit à l'égard des Allemands (émeutes de la Tonhalle à Zurich en 1871), soit envers les Suisses dont la conception de l'Allemagne demeurait celle d'avant l'unité (Gottfried Keller, Ferdinand Vetter).

L'immigration française

Les Français, établis à 90% en Suisse romande (56% dans le seul canton de Genève) constituaient un groupe stable, bien intégré, dont la croissance était lente et dont la composition sociale était proche de celle de la population suisse. Leur républicanisme et la francophilie dominante dans cette région facilitaient encore les rapports. Leurs organisations, sociétés de secours mutuels et d'entraide, fanfares, s'inséraient dans la vie locale. A Genève, vers 1900, les socialistes français formèrent un Cercle d'études sociales qui organisait la propagande dans les départements voisins et fut même à la tête de la Fédération socialiste de l'Ain et des deux Savoies. A droite, des "groupes franco-suisses d'Action française" se réunirent à Genève et à Lausanne dès 1911.

L'immigration italienne

Si la proportion des Français, comme celle des Allemands, baissa entre 1888 et 1910 (de 23,4% à 11,5%), celle des Italiens bondit dans le même temps de 18,2% à 36,7%, chiffres du reste sous-estimés; en effet, les recensements, s'effectuant en décembre, ne tiennent pas compte des saisonniers, dont l'évaluation oscille entre 50 000 et 90 000, suivant la conjoncture. C'est ainsi qu'aux 202 809 Italiens résidant en Suisse à la fin de 1910, il faudrait ajouter quelque 75 000 saisonniers employés jusqu'à l'automne.

On estime que les trois quarts des Italiens installés en Suisse provenaient du nord de la Péninsule, environ un quart de sa partie centrale et 1% du sud. En 1910, le Tessin en hébergeait à lui seul plus de 20%. Sans formation professionnelle, nombre d'entre eux s'engageaient comme terrassiers et manœuvres ou, plus jeunes, venaient apprendre le métier de maçon. Plus de 80% de la main-d'œuvre employée dans la dernière phase de construction des chemins de fer était italienne. Ces chantiers, de même que ceux des premières usines hydro-électriques, occupaient, pour plusieurs mois voire plusieurs années, de véritables colonies qui s'entassaient dans des logements de fortune. L'essor de la construction urbaine amena maçons, manœuvres et terrassiers italiens jusque dans les plus petites localités, où ils vivaient dans certains quartiers ou rues, y attirant des compatriotes (cafetiers, logeurs, etc.) et y créant de "petites Italies".

A partir de 1900, le nombre des Italiens employés dans les fabriques augmenta fortement. Dans le textile principalement, où les industriels recoururent à une main-d'œuvre féminine, qu'ils recrutaient souvent par l'intermédiaire d'associations italiennes. Des ordres religieux avaient ouvert, à proximité des usines, des homes féminins (Mädchenheime), véritables couvents que dénonceront les socialistes.

La population italienne se distinguait par sa grande jeunesse, une forte prépondérance masculine, surtout avant 1900, et un bas degré d'intégration. De tous les étrangers, c'étaient les Italiens des deux sexes qui épousaient le moins souvent des indigènes. Les relations avec la population autochtone furent souvent difficiles et les frictions fréquentes sur les chantiers ou dans certains quartiers, allant jusqu'à l'explosion sociale (émeutes de la Käfigturm à Berne en 1893, Italienerkrawall à Zurich en 1896). Avec les années toutefois, les immigrés furent de plus en plus nombreux à envisager de faire durablement leur vie en Suisse.

Affiche du syndicat italien imprimée à la Tipografia operaia de Lausanne, appelant les manœuvres et les maçons à une grande assemblée, vers 1900 (Musée national suisse, Zurich, LM-78314).
Affiche du syndicat italien imprimée à la Tipografia operaia de Lausanne, appelant les manœuvres et les maçons à une grande assemblée, vers 1900 (Musée national suisse, Zurich, LM-78314).

Les socialistes italiens réfugiés en Suisse tentèrent dès 1893 de syndicaliser leurs compatriotes. Après avoir formé, en 1897, avec les socialistes tessinois, une Union socialiste de langue italienne en Suisse, ils constituèrent en 1900 un parti socialiste italien en Suisse. Associations culturelles, de loisirs, amicales d'émigrés originaires d'une même province virent également le jour. Certaines étaient dans la mouvance socialiste, d'autres plus proches des représentants officiels de l'Italie: sociétés de secours, fanfares, Dante Alighieri, chambres de commerce, Opera Bonomelli (Opera di assistenza agli emigranti italiani, chrétienne, 1900), Umanitaria (socialiste, 1902). L'Etat italien, de son côté, créa en 1901 un commissariat à l'émigration, dont le premier représentant auprès de la légation de Berne sera Giuseppe De Michelis. Tant les organisations "officielles" que celles de la Bonomelli prônaient la défense et l'affirmation du sentiment national. Celui-ci était encore renforcé par la xénophobie dont les immigrés se sentaient l'objet. D'où la montée du nationalisme au sein de la colonie italienne en Suisse à la veille de 1914.

Etudiants et touristes

D'autres étrangers, moins nombreux, vinrent en Suisse pour des raisons autres qu'économiques. C'est le cas des étudiants qu'attiraient les universités helvétiques. Ce n'étaient pas des enfants d'immigrés, ceux-ci n'ayant généralement pas les moyens de fréquenter les aulas, mais des jeunes venus directement de leur pays natal et qui y repartaient, leurs études achevées. Leur proportion, pour l'ensemble des hautes écoles, passa de 37% de 1890 à 1895 à 43,9% en 1895-1900, 50,5% en 1900-1905, 57,8% en 1905-1910 et 49,2% en 1910-1915, ce qui représente pour les dernières années quelque 3500 personnes. Les facultés de médecine étaient les plus fréquentées, tout particulièrement par les jeunes Russes juifs, hommes et femmes (en 1905-1910, la part des étrangers y était de 68%). Autre exemple, l'université de Fribourg où, de 1895 à 1915, les étrangers furent plus nombreux que les Suisses.

Le tourisme, même s'il ne concernait alors que les minorités bien nanties, amenait aussi nombre d'étrangers pour des séjours parfois très longs ou pour les premiers voyages organisés. La statistique hôtelière a enregistré les arrivées: de 2 280 000 en 1894, elles montèrent à 3 560 000 en 1905, culminèrent à 3 983 000 en 1913. La guerre fera chuter brutalement cet essor (2 832 000 en 1920). Ces chiffres sont à comparer avec ceux du début du XXIe s.: en 2010, on comptait 8 628 000 arrivées de touristes étrangers pour un total de 16 203 000. Pour les étrangers, on construira grands hôtels de luxe ou modestes pensions de famille, les stations climatiques attirant des clients de l'Europe entière.

La rupture de la Première Guerre mondiale

La guerre marqua la fin de la liberté de mouvement et d'établissement que l'on avait connue. Désormais la venue et le séjour des étrangers furent étroitement contrôlés et limités en fonction de considérations économiques et politiques. La population étrangère en Suisse, dont les classes d'âge de 15 à 40 ans étaient surreprésentées, fut particulièrement touchée par les mobilisations. En outre, l'incertitude et la crise économique de l'été 1914 incitèrent nombre d'étrangers à rentrer dans leur pays. De 1910 (552 011) à 1920 (402 385), leur effectif diminua de 27%. De 1919 à 1939, le développement économique fut modéré et ne fit plus appel à de gros effectifs de main-d'œuvre. De plus, les crises économiques de 1920-1922 et des années 1930 multiplièrent les chômeurs. Non seulement la Suisse cessa d'être un pôle d'attraction, mais encore les cantons, en vertu de nouvelles dispositions législatives, restreignirent ou refusèrent l'établissement de salariés étrangers. Aussi la population résidente étrangère passa-t-elle de 14,7% de la population totale en 1910 à 10,4% en 1920, 8,7% en 1930 (355 522) et 5,2% en 1941 (223 554). Vers 1930, les deux tiers de ces étrangers étaient en Suisse depuis plus de vingt ans; ils provenaient à 90% des Etats voisins.

Paradoxalement, c'est au moment où la population étrangère baissait que les thèmes de l'invasion et de la surpopulation étrangères furent utilisés, conjointement à l'expression d'un nationalisme étroit qui n'existait auparavant qu'à l'état latent. Pendant la Première Guerre mondiale, la division du pays entre sympathisants de l'un et l'autre camp, puis les tensions sociales croissantes culminant avec la grève générale de 1918, poussèrent à la recherche de boucs émissaires. La théorie classique du complot attribua les événements de 1918 à l'action d'agents bolcheviks tandis que le socialisme était stigmatisé à cause de son internationalisme et de sa composition multinationale.

Etrangers en Suisse 1880-2010
Etrangers en Suisse 1880-2010 […]

Dès 1917, le Conseil fédéral avait réglementé par ordonnances l'entrée, le contrôle et l'établissement des étrangers; il avait créé un Office central de police des étrangers, rattaché au Département fédéral de justice et police. De nouvelles ordonnances renforcèrent les prérogatives de l'Office et, en 1921, pour la première fois, lièrent permis d'établissement et permis de travail. En 1925, l'adoption de l'article 69ter de la Constitution donna définitivement à la Confédération "le droit de légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers". La loi fédérale de 1931 prit en considération les intérêts spirituels et économiques et le degré de surpopulation étrangère du pays. Cette dernière notion conduisit à diviser les étrangers en catégories dont certaines furent réputées inassimilables et que l'on écarta, tels les ressortissants des Etats balkaniques ou les juifs d'Europe orientale. On tint compte aussi du marché du travail local pour refuser les autorisations ou ne les accorder que pour une durée limitée.

Importance des colonies étrangères en Suisse 1880-2010

 188019101920193019411950196019701980199020002010
Population étrangère totale (nombres absolus)211 035552 011402 385355 522223 554285 446584 7391 080 076944 9741 245 4321 495 5491 766 277
se répartissant comme suit: 
Allemagne45,1%39,7%37,2%37,8%35,0%a19,4%16,0%10,9%9,3%6,9%7,5%14,9%
Autriche6,0%6,8%5,3%5,6% 7,7%6,5%4,1%3,4%2,4%2,0%2,1%
France25,4%11,5%14,2%10,4%10,9%9,6%5,4%5,1%5,0%4,2%4,2%5,4%
Italie19,7%36,7%33,4%35,7%42,9%49,1%59,2%54,0%44,3%30,8%21,5%16,3%
Grande- Bretagne      1,4%1,4%1,6%1,4%1,5%2,1%
Espagne      2,3%11,2%11,4%10,0%5,7%3,6%
Portugal      0,1%0,3%2,0%8,9%9,5%12,0%
Turquie      0,1%1,1%4,1%6,6%5,6%4,1%
(Ex-)Yougoslavie      0,2%2,3%6,4%13,9%24,2%17,8%
Population étrangère totale (en % de la population de la Suisse)7,5%14,7%10,4%8,7%5,2%6,1%10,8%17,2%14,8%18,1%20,5%22,4%

a Y compris l'Autriche, alors annexée à l'Allemagne

Importance des colonies étrangères en Suisse 1880-2010 -  recensements fédéraux

Fascisme et nazisme

Dans l'entre-deux-guerres, fascisme et nazisme marquèrent l'immigration italienne et allemande. En 1918, la Suisse ouvrit ses frontières aux étrangers qui y avaient séjourné avant 1914 et de nombreux Italiens revinrent, se regroupant aussi bien dans des associations socialistes que dans les premiers fasci. Après 1922, les colonies italiennes et la plus grande partie de leur réseau associatif passèrent sous le contrôle du régime mussolinien. C'est ainsi qu'à Lausanne, dans les années 1930, une vingtaine de sociétés formaient un conseil de la colonie sous la présidence du consul. Les opposants réussirent néanmoins à préserver certaines associations de l'influence fasciste, voire à créer des colonies libres italiennes qui se fédéreront en 1943.

Parmi les Allemands, quelques noyaux extrémistes de droite apparurent dès 1919. Les premiers groupes locaux du parti national-socialiste se formèrent en 1930-1931. Après 1933, ils prirent un caractère officiel et leurs effectifs connurent un accroissement considérable: à Bâle, 120 membres au début, 4000 en 1941. A plusieurs reprises les nationaux-socialistes organisèrent de grands rassemblements. Le dernier, la Fête des récoltes d'octobre 1942, attira quelque 12 000 personnes à Oerlikon. Les protestations du gouvernement zurichois à Berne incitèrent le Conseil fédéral à ne plus autoriser les rassemblements de plus de 1000 personnes. Les organisations nazies seront dissoutes et interdites en 1945. Quant aux opposants à Hitler, ils étaient presque tous réfugiés et privés, en tant que tels, de toute possibilité d'action politique officielle (arrêté du 7 avril 1933).

De la guerre à l'essor économique des années 50

La guerre supprima complètement l'immigration, déjà très faible, qui fut remplacée par les arrivées d'internés et de réfugiés. Dès qu'ils le purent, la plupart regagnèrent leur pays. Quant aux autres, on organisa leur départ d'entente avec les organismes internationaux vers l'Argentine, l'Australie, la Palestine. On en restait à la conception de 1933 d'une Suisse terre de transit. Ce n'est qu'à partir de 1947 que la notion d'asile durable commença à s'imposer et que les derniers réfugiés de la guerre se virent octroyer un permis d'établissement.

Les circonstances favorables de l'après-guerre permirent un développement extraordinaire de l'économie suisse qui, malgré quelques ralentissements conjoncturels, se poursuivit jusqu'en 1974. Tant pour freiner la hausse des salaires que pour développer leurs affaires, les industriels et les entrepreneurs firent massivement appel à la main-d'œuvre étrangère. Ultérieurement, le secteur tertiaire recourut lui aussi à l'immigration. La proportion des étrangers (fonctionnaires internationaux, frontaliers et saisonniers non compris) par rapport à la population résidante totale passa de 6,1% en 1950 (285 446) à 10,8% en 1960 (584 739), 17,2% en 1970 (1 080 076). La part des Italiens s'accrut (54%, non compris les saisonniers en 1970) jusque vers la fin des années 1960, tandis que celle des ressortissants des autres Etats frontaliers continuait à diminuer. En 1930, 10,3% des étrangers résidant en Suisse provenaient de pays non frontaliers; depuis la fin de la guerre, cette proportion augmenta régulièrement et atteignit 25,7% en 1970. Cette extension géographique du recrutement de la main-d'œuvre engloba d'abord l'Italie du Nord et du centre, puis le sud; dès 1960 l'Espagne, suivie bientôt du Portugal, de la Grèce, de la Yougoslavie. La diversité ne fit que s'accentuer par la suite. Jusqu'en 1948, l'immigration résultait d'embauchages privés. Puis des accords avec l'Italie (1948, 1964), l'Espagne (1961), assurèrent un cadre législatif avec des prescriptions concernant les assurances sociales, les caisses de retraite.

Comme dans l'entre-deux-guerres, les autorités suisses, par une étroite collaboration entre les offices de la Police des étrangers et de l'Industrie et du travail, cherchèrent à adapter le flux migratoire aux besoins de l'économie, en tenant compte du marché du travail et du "degré de surpopulation étrangère". Jusque vers la fin des années 1950, on vécut dans la hantise d'une crise analogue à celle des années 30. On considérait donc la main-d'œuvre étrangère comme une sorte d'"amortisseur conjoncturel", de groupe susceptible de diminuer rapidement en cas de ralentissement économique (ce qui se produisit en 1948-1949, 1958 et à partir de 1974). Pour cela il fallait instaurer une rotation et avoir des ouvriers venant en Suisse pour une période limitée, non automatiquement renouvelable. Les étrangers furent donc répartis en catégories bien distinctes selon le type de permis (ou l'absence de celui-ci):

  1. Les frontaliers, travaillant en Suisse et repassant chaque soir la frontière (permis F). La motorisation croissante et le manque de logements accroîtront considérablement leur nombre dans les régions géographiquement favorables (de 1983 à 2000 entre 100 000 et 150 000 personnes, avec un pic d'env. 180 000 en 1990). Au début du XXIe s., avec l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, leur nombre n'a cessé d'augmenter (250 000 en 2011).
  2. Les titulaires, peu nombreux mais en augmentation depuis 1978, du permis de travail de courte durée et non renouvelable (six ou douze mois pour les jeunes au pair).
  3. Les saisonniers (permis A), dont le séjour, renouvelable, est limité à neuf mois par an et qui n'ont pas le droit de faire venir leur famille. En 1987, leur nombre avait oscillé entre 14 000 en décembre et 114 000 durant l'été. Depuis 1990, leur effectif a diminué de moitié. Les accords bilatéraux I (1999, entrés en vigueur en 2002) ont aboli ce statut.
  4. Les titulaires d'un permis de séjour à l'année (permis B), renouvelable et éventuellement transformable, après un délai qui a varié suivant les pays, en
  5. un permis d'établissement (permis C), de durée illimitée, qui place l'étranger sur pied d'égalité avec le Suisse en ce qui concerne le travail.
  6. Les fonctionnaires internationaux, particulièrement nombreux à Genève (2500 en 1950, env. 22 000 en 2010, sur un total de 28 000 en Suisse) et les membres des représentations diplomatiques, exempts de permis.

Pour obtenir la rotation de la main-d'œuvre recherchée, on limita l'octroi de permis C et l'on chercha à dissuader les titulaires de permis B de se fixer durablement en Suisse. Pour cela, on n'autorisait la venue des familles qu'après plusieurs années et sous certaines conditions. En outre, toute une série de prescriptions, souvent modifiées, visaient à limiter la mobilité géographique, professionnelle et sociale: interdiction de changer sans autorisation, d'employeur, de profession, de canton, de se mettre à son compte. Les étrangers titulaires de postes dirigeants et les travailleurs spécialisés étaient toutefois dispensés de ces délais. Les personnes sans activité lucrative mais jouissant de revenus suffisants pouvaient (et peuvent) facilement obtenir un permis de séjour, puis d'établissement. Des célébrités du sport et du monde artistique (Charlie Chaplin) apprécient le calme et les avantages fiscaux.

L'interprétation et l'application de cette réglementation complexe donnèrent un pouvoir considérable à l'administration et à la police. Dès 1970, les possibilités de recours augmentèrent, mais elles demeurent d'accès difficile pour un étranger isolé, maîtrisant mal la langue et sans connaissances juridiques. La rotation désirée fut atteinte: au début de 1960, la grande majorité des travailleurs étrangers en Suisse y résidait depuis moins de quatre ans.

Le tournant des années 1960

Si la politique suivie avait atteint ses objectifs, elle aboutissait à une impasse. En effet, d'autres pays concurrençaient la Suisse, qui devint moins attractive, sur le marché du travail italien, surtout quand les pays de la Communauté économique européenne eurent établi entre eux la libre circulation des travailleurs (1964). Les industriels suisses durent recruter dans des pays plus lointains et les autorités et les milieux dirigeants de l'économie se rendirent compte que le recours à la main-d'œuvre étrangère n'était pas un phénomène passager, mais qu'il était devenu structurel. D'où l'abandon progressif de la théorie de la rotation au profit de celle de l'intégration et de l'assimilation. Il s'agit dès lors de faciliter un séjour durable, d'envisager même la naturalisation. On autorisa ainsi plus largement la venue des familles des titulaires de permis B. En conséquence, la population étrangère totale augmenta plus rapidement que la population étrangère active, accroissant la demande de logements, de places dans les écoles, les hôpitaux, les transports. D'où la nécessité d'achever les travaux d'infrastructure longtemps retardés (de 1950 à 1970, la population de la Suisse a passé de 4 714 992 habitants à 6 269 783), tous travaux qui ne pouvaient se faire sans ouvriers étrangers supplémentaires.

Le recours à cette force de travail avait habitué les industriels à un développement extensif, au détriment des investissements productifs, ce qui, à long terme, portait atteinte aux capacités concurrentielles de l'économie suisse. Aussi les autorités essayèrent-elles de stabiliser, puis de réduire le nombre des étrangers en imposant, par entreprise, un plafonnement, suivi d'un arrêt complet, enfin d'une légère réduction de la main-d'œuvre étrangère. En 1970, on mit en place un plafonnement global en contingentant pour chaque canton les nouveaux permis A et B. En même temps on diminua les restrictions à la mobilité. Ces mesures atteignirent leurs objectifs (rationalisation et modernisation des entreprises), mais la population étrangère totale continua de s'accroître (17,2% de la population totale en 1970) jusqu'au début de la crise, en 1974, surtout en raison de la venue des familles. Sa composition changea; de 1969 à 1974, le nombre de permis C doubla, ce qui signifie que la proportion des étrangers établis depuis longtemps augmenta au détriment de celle des nouveaux arrivés. En même temps l'origine géographique ne cessa de s'étendre. Si, en 1970, plus de 74% des étrangers provenaient encore des pays voisins, en 2010, ils n'étaient plus que 38,7%. Près de 19% étaient originaires de pays extra-européens. L'effectif des clandestins est par définition difficile à évaluer.

Les avantages des étrangers pour la Suisse

La crise qui éclata en 1974 montra que la population étrangère active joua bien son rôle d'amortisseur conjoncturel. Le non-renouvellement des permis A, B et F échus, le non-remplacement des migrants qui repartaient chez eux permirent de diminuer de quelque 300 000 en quatre ans le nombre des travailleurs étrangers. La Suisse réussit ainsi à "exporter" son chômage, tout au moins lors des récessions de 1975-1976 et 1982-1983. Quant à la crise des années 1990, elle touche plus fortement les étrangers que les Suisses, le taux de chômage des premiers étant le double de celui des seconds, disparité due entre autres à leur présence dans des emplois peu qualifiés. En 1959, plus de deux étrangers sur trois travaillaient dans la construction, l'industrie de la pierre et de la terre (24,5%), dans l'hôtellerie et la restauration (16,6%), dans l'industrie des métaux et des machines (13,8%), dans les services domestiques (8,6%, surtout des femmes) et dans l'agriculture (8,1%). En 1995, plus de neuf sur dix étaient occupés dans l'énergie, les arts et métiers, l'industrie (28,7%), dans le bâtiment (11,3%), dans la restauration et le commerce (24%), dans les banques, assurances et conseils (11,7%) et dans d'autres services (18,1%). Par rapport à la population active totale (Suisses et étrangers), ils occupaient en 1995 plus de 20% des emplois dans le secteur de la santé, plus de 30% dans la construction, plus de 40% dans l'hôtellerie et la restauration et plus de 50% dans les industries du cuir, de la chaussure, des textiles et de l'habillement.

Si, de 1950 à 1973, le produit national brut par habitant a presque doublé, cela est dû au recours à la main-d'œuvre étrangère. Sa composition (classes jeunes, en âge de travailler, sélection médicale à l'engagement et à la frontière) fait qu'elle coûtait peu à la collectivité. Les frais de formation avaient été à la charge du pays de provenance; les immigrés, dont la plupart envoyaient un maximum d'argent chez eux, utilisaient beaucoup moins que les Suisses les équipements collectifs. La venue d'un plus grand nombre de familles, à partir de 1960-1964, modifia cette situation, mais il n'en demeure pas moins que, globalement, les coûts sociaux par individu demeurent moindres dans la population étrangère que chez les autochtones.

Conséquences sociales et xénophobie

"Nous avons besoin de ces femmes et de ces hommes et eux ont besoin de nous". Affiche contre l'initiative Schwarzenbach, réalisée par Celestino Piatti, 1970 (Collection privée).
"Nous avons besoin de ces femmes et de ces hommes et eux ont besoin de nous". Affiche contre l'initiative Schwarzenbach, réalisée par Celestino Piatti, 1970 (Collection privée).

Si, dans certaines professions très qualifiées, les immigrés ont joué un rôle important (en 1951, dans l'économie privée, plus de 40% des scientifiques s'occupant de recherche et de développement étaient étrangers), les étrangers ont occupé le plus souvent les places les moins attirantes, délaissées par les Suisses. Une partie de la population active suisse a glissé du secondaire au tertiaire et, à l'intérieur de la classe ouvrière, les Suisses se sont maintenus dans les professions les mieux rétribuées, les plus gratifiantes, ainsi qu'aux postes d'encadrement et de maîtrise. Mais cette ascension sociale ne s'est pas faite d'une façon uniforme et équilibrée et ceux qui n'y ont pas participé ont considéré les étrangers comme des envahisseurs destructeurs des anciennes relations de travail et de la sociabilité traditionnelle. S'ajoutaient les frictions quotidiennes dues à la cohabitation entre groupes de mœurs et de cultures différentes, multipliées par le fait que, lors de la croissance extrêmement rapide de 1950 à 1965, la rotation empêchait toute intégration.

La crise du logement, l'interdiction de faire venir les familles contraignirent de très nombreux saisonniers et travailleurs à l'année, surtout entre 1950 et 1970, à vivre dans des baraquements ou à s'entasser dans de vieux immeubles. Le sort des familles illégalement établies et dont les enfants ne pouvaient être scolarisés était particulièrement dramatique. La stabilisation entraîna de nouveaux problèmes. Les étrangers, en premier lieu les jeunes nés en Suisse ou arrivés enfants, sont tiraillés entre deux sociétés. Le phénomène s'atténue dans les immigrations les plus anciennes, qui sont aussi les mieux acceptées par les autochtones; mais il se reproduit dans les vagues les plus récentes.

Affiche du comité romand opposé à l'initiative populaire "contre l'emprise étrangère et le surpeuplement", rejetée par le peuple le 20 octobre 1974 (Musée historique de Lausanne, Fonds Meylan).
Affiche du comité romand opposé à l'initiative populaire "contre l'emprise étrangère et le surpeuplement", rejetée par le peuple le 20 octobre 1974 (Musée historique de Lausanne, Fonds Meylan).

Enfin, l'attitude de défiance à l'égard de l'étranger, dont la Suisse officielle a longtemps redouté l'infiltration et les influences perverses, a profondément marqué les mentalités. D'autant plus que la contrepartie représentée par l'internationalisme socialiste d'avant 1914 disparut presque entièrement après 1945. Le mécontentement populaire se focalisa sur les étrangers, mais, malgré quelques faits divers regrettables voire tragiques, ne dégénéra pas en émeutes, comme en 1893 et 1896. Il prendra la voie de la politique institutionnelle. Lors des élections, communales, cantonales ou fédérales, apparurent des listes contre la "surpopulation étrangère"; des groupes de droite, d'abord en dehors des partis traditionnels, feront de ce thème leur cheval de bataille (Action nationale, plus tard Démocrates suisses, Bradage du sol national). Ils ont été depuis relayés principalement par l'Union démocratique du centre. De 1965 à 1988, six initiatives populaires, toutes repoussées, proposèrent de fixer un maximum à la population étrangère. La deuxième, la plus célèbre, l'initiative Schwarzenbach (1970), suscita une campagne passionnée d'une violence inhabituelle.

Depuis la fin des années 1960 toutefois, un nombre croissant d'organisations et d'institutions suisses à caractère politique, religieux ou philanthropique ont commencé à s'intéresser aux étrangers et à les défendre, lançant par exemple l'initiative "Etre solidaires" (refusée en 1981).

Les organisations étrangères

Les étrangers ont formé un très grand nombre d'associations nationales, les unes à caractère récréatif, culturel ou d'intérêt général, les autres de nature politique qu'il ne peut être question d'énumérer. Les plus anciennes sont celles des Italiens. La Fédération des colonies libres italiennes de la Suisse (1943) a pris en main la représentation des intérêts de l'immigration auprès des autorités tant italiennes que suisses et a négocié avec les organisations syndicales des deux pays, incitant ses membres à adhérer à l'Union syndicale suisse. En 1971, les ouvriers espagnols en Suisse ont fondé une association semblable (Asociación de Trabajadores Emigrantes Españoles en Suiza), collaborant elle aussi avec l'USS.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le parti socialiste italien en Suisse (né en 1900) prit en charge, sous la direction d'Ignazio Silone, le Centre extérieur du parti socialiste italien, chargé des liens et de la propagande en direction de l'Italie; il fut démantelé par la police suisse en 1942. Les communistes italiens, organisés en une Fédération de Suisse après 1948, ont mené jusque dans les années 1970 une existence clandestine. En 1966, les autorités déclaraient que les étrangers ne devaient avoir aucune part dans le processus de formation de la volonté politique générale, même auprès de leurs compatriotes. Toute activité contre "l'ordre démocratique établi" était interdite; par là on visait communistes, anarchistes et extrémistes de droite. L'arrêté fédéral de 1948, qui reprenait des dispositions adoptées avant la guerre, soumettait tous les étrangers non titulaires d'un permis C à une autorisation préalable pour prendre la parole en public sur un sujet politique. A partir des années 1970, la pratique évolua vers la tolérance et l'arrêté fut supprimé en 1988. Ainsi, depuis les années 1980, les séparatistes du LTTE (Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul) sont présents au sein de l'immigration tamoule en Suisse où ils collectent de l'argent pour leur combat et les Kurdes du PKK (Parti kurde du travail) ont organisé quelques manifestations spectaculaires pour attirer l'attention de l'opinion publique.

La situation au début du XXIe siècle

La population étrangère en Suisse, en baisse depuis 1974, a recommencé à croître au début des années 1980. De 14,8% de la population résidante totale en 1980, elle a passé à 18,1% en 1990, 20,5% en 2000 et 22,4% en 2010. L'augmentation de la population de la Suisse est due uniquement aux étrangers (trois quarts au solde migratoire, un quart aux naissances). En 2000, 22,6% des étrangers étaient nés en Suisse (plus du tiers des Italiens, 30% des Espagnols), 73,8% y résidaient depuis plus de cinq ans. Environ 9% des Suisses de plus de quinze ans sont des étrangers naturalisés. La structure nationale de la population étrangère s'est modifiée: en 1970, 90,6% provenaient des pays de la CEE et de l'AELE, 55% en 2000, la baisse se faisant principalement au profit des ressortissants de l'ex-Yougoslavie (24%) et de la Turquie (5,6%).

Population étrangère par continent (état en 2010)

ContinentNombres absolusen %
Europe1 504 94385,2%
Afrique71 5274,0%
Amérique74 5114,2%
Asie110 5496,3%
Australie, Océanie3 9900,2%
Apatrides 757<0,1%
Population étrangère par continent (état en 2010) -  Annuaire statistique de la Suisse

Même si les accords bilatéraux I règlent la question de la circulation des personnes entre la Suisse et les Etats de l'Union européenne, la politique vis-à-vis des étrangers reste un élément central de la politique intérieure suisse, avec des thèmes comme la politique d'intégration et d'asile, les permis de travail pour les ressortissants de pays non membres de l'UE, la xénophobie (adoption de la loi contre le racisme en 1994, rejet de l'initiative "contre l'immigration clandestine" en 1996, acceptation de l'initiative "pour le renvoi des étrangers criminels" en 2010), les droits civiques (rejet de la naturalisation facilitée des jeunes étrangers en 1994, des étrangers des 2e et 3e générations en 2004) et les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (acceptées en 1994). La question de la libre circulation des personnes entre la Suisse et les nouveaux membres de l'UE fait l'objet de deux protocoles additionnels aux accords bilatéraux I, approuvés par le peuple et entrés en vigueur en 2006 et en 2009. Une nouvelle loi sur les étrangers, réglementant notamment l'admission et le séjour des ressortissants d'Etats non membres de l'UE ou de l'AELE, a été mise en chantier en 1998; approuvée par le peuple en 2006, elle est entrée en vigueur en 2008.

Sources et bibliographie

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  • A. Rosada, Giacinto Menotti Serrati nell'emigrazione (1899-1911), 1972
  • H.J. Hoffmann-Nowotny, Soziologie des Fremdarbeiterproblems, 1973
  • R. Schlaepfer, Die Ausländerfrage in der Schweiz vor dem Ersten Weltkrieg, 1976
  • K. Urner, Die Deutschen in der Schweiz vor dem Ersten Weltkrieg, 1976
  • D. Castelnuovo-Frigessi, La condition immigrée, 1978 (ital. 1977)
  • W. Haug, ".... und es kamen Menschen": Ausländerpolitik und Fremdarbeit in der Schweiz 1914 bis 1980, 1980
  • Gruner, Arbeiterschaft
  • M. Vuilleumier, Immigrés et réfugiés en Suisse, 21987
  • Revue syndicale suisse, 82, 1990, no 4
  • L'émigration politique en Europe aux XIXe et XXe s., 1991
  • T. Straubhaar, Schweizerische Ausländerpolitik im Strukturwandel, 1991
  • E. Halter, éd., Das Jahrhundert der Italiener in der Schweiz, 2003
  • H.-R. Wicker et al., éd., Migration und die Schweiz, 2003
  • G. et S. Arlettaz, La Suisse et les étrangers: immigration et formation nationale (1848-1933), 2004
  • E. Piguet, L'immigration en Suisse, 2004
  • H. Mahnig, dir., Hist. de la politique de migration, d'asile et d'intégration en Suisse depuis 1948, 2005
Liens

Suggestion de citation

Marc Vuilleumier: "Etrangers", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 09.07.2015. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/010384/2015-07-09/, consulté le 19.03.2024.