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Administration fédérale

Toute administration publique comprend les organes et institutions étatiques qui assistent le pouvoir exécutif dans l'accomplissement de ses tâches, en particulier dans la préparation, la mise en place et l'exécution des lois et règlements. En général, elle se caractérise par une gestion centralisée et par la hiérarchie de ses services. On distingue en Suisse les administrations communales, cantonales et fédérale, ce triple niveau étant lié à la structure de l'Etat.

Evolution des effectifs

Après la fondation de l'Etat fédéral, il fallut créer de toutes pièces une administration . En 1848, l'hôtel d'Erlach à la Junkerngasse, aujourd'hui siège de l'exécutif de la ville de Berne, suffisait à abriter le Conseil fédéral et ses quelques Fonctionnaires. Le premier bâtiment administratif de la Confédération fut achevé en 1857; il forme actuellement l'aile ouest du Palais fédéral. Désignée comme ville fédérale, siège du Parlement et du gouvernement, Berne avait d'abord mis à disposition les bâtiments nécessaires au gouvernement, à l'Assemblée fédérale et à l'administration fédérale, mais cette pratique, inadaptée à la croissance de l'administration, fut abandonnée en 1875. Quelques services ont été délocalisés dans les années 1990 (par exemple la plus grande partie de l'Office fédéral des statistiques à Neuchâtel), notamment pour soutenir l'économie de régions affaiblies.

La Confédération comptait 3080 Employés en 1849, dont 80 pour l'administration générale, 409 pour les Douanes et 2591 pour les postes (Postes, téléphones et télégraphes (PTT)). Le personnel s'accrut par à-coups, en particulier lors de l'étatisation des chemins de fer (1901); il augmenta lors des deux guerres mondiales, puis diminua, mais au début des années 1950 déjà il avait rejoint le sommet connu durant le deuxième conflit. La mise en place de l'Etat social moderne, de l'Etat-providence aux nombreuses tâches, provoqua une croissance des effectifs, qui culmina vers 1990 (presque 140 000 personnes, y compris les PTT et les CFF), malgré un plafonnement peu efficace décidé en 1974 (Chemins de fer fédéraux (CFF). La privatisation partielle des PTT en 1997 (Swisscom) a notablement réduit le nombre des employés fédéraux, de même que la réforme du Département militaire fédéral (DMF, aujourd'hui Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports ou DDPS), liée à celle de l'armée en 1995.

Le personnel fédéral a certes connu depuis 1945 une croissance impressionnante, mais parallèle à celle de la population résidente, dont il représente régulièrement environ 2% entre 1950 et 1994, avec une tendance à la baisse dès 1990. L'augmentation a été beaucoup plus élevée dans les cantons et les communes qu'à la Confédération (Secteur public).

Personnel de l'administration fédérale 1849-2000

AnnéeAdministration généraleRégiesaPTTbCFFTotal
184948902 59103 080
18751 0934696 91208 474
19004 6841 27413 919019 877
19155 2983 80021 15035 82466 072
19208 0442 91824 00139 41074 373
19257 1212 92620 85935 45766 363
19307 7172 18321 38534 30565 590
19359 4372 55821 08129 83462 910
194013 9897 64921 63228 32271 592
194529 6307 14523 05932 99692 830
1950c20 7464 79028 93636 64691 118
196023 8014 99136 88939 562105 243
1970d30 2035 16847 38440 231122 986
198032 6365 00151 23738 013126 887
199034 8844 92163 13036 321139 256
200031 9143 99037 44029 031102 375

a Fabriques fédérales d'armement (depuis 2000 RUAG Suisse) et régie des alcools

b Depuis 1998 poste uniquement

c Depuis 1950 sans les apprentis

d Depuis 1970 sans le personnel intérimaire

Personnel de l'administration fédérale 1849-2000 -  auteur; Office fédéral du personnel

Tâches

L'administration fédérale est placée depuis 1848 sous l'autorité du Conseil fédéral et sous la haute surveillance de l'Assemblée fédérale, qui d'ailleurs peut aussi faire appel à ses services. Elle a pour tâches l'application des lois et arrêtés fédéraux, la préparation des travaux législatifs (articles constitutionnels, lois, ordonnances) du Conseil fédéral et de l'Assemblée, et dans certains cas l'élaboration d'ordonnances. Ces tâches se sont étendues ou modifiées au gré de l'évolution politique et sociale. Par exemple, en politique étrangère, les relations bilatérales et la politique des bons offices ont cédé le pas à la collaboration dans les organisations internationales et à la coopération au développement. Au Département de l'intérieur sont apparus de nouveaux champs d'action, comme la culture, la santé et les assurances sociales, au Département de justice et police les questions de l'immigration et de l'asile, dans le domaine de la sécurité la protection civile. Les Finances sont devenues un secteur clé à mesure que la part de l'Etat au produit national brut augmentait. Au Département de l'économie publique, les guerres et les crises ont fait naître les offices de l'agriculture et de l'approvisionnement économique. L'évolution du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication se reflète dans ses anciens noms: Postes et travaux, Postes et chemins de fer, Transports et énergie. L'enchevêtrement des tâches a conduit les départements à collaborer, par exemple dans la procédure de corapport au Conseil fédéral et dans des groupes de travail interdépartementaux. En outre, des tâches en nombre croissant sont déléguées à des organisations, de droit public ou privé, ou à des personnes extérieures à l'administration. Depuis les années 1990, l'administration fédérale teste aussi des modèles inspirés de la nouvelle gestion publique, dont elle attend une amélioration de ses prestations de service public. Le projet de réforme "Gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire" (GMEB), qui implique douze unités administratives, laisse à celles-ci une responsabilité entrepreneuriale: elles décident elles-mêmes comment atteindre les buts que les autorités politiques leur ont assignés et comment mettre en œuvre les moyens alloués.

Départements et offices fédéraux

La Constitution de 1848 fixe à sept le nombre des conseillers fédéraux et attribue à chacun d'eux la direction d'un département de l'administration fédérale, ainsi volontairement mise à l'abri des intrigues politiques du jour comme de certains excès technocratiques. Plusieurs fois proposée, l'augmentation du nombre des conseillers fédéraux et donc des départements a échoué devant le peuple en 1900 et 1942.

L'administration fédérale en 1850
L'administration fédérale en 1850 […]
L'administration fédérale en 2001
L'administration fédérale en 2001 […]

Plus que dans le changement de nom de certains départements, l'évolution de l'administration apparaît dans l'histoire des Offices fédéraux et des grandes unités analogues, au nombre de 30 en 1928 (sans le DMF), de 42 en 1959, de 54 en 1980, de 70 en 1991 (après la révision de la loi de 1978 sur l'organisation de l'administration) et de 52 en 1999, les années 1990 ayant vu plusieurs fusions. La mutation la plus frappante a touché l'Office fédéral de l'organisation: créé en 1954 en vertu d'une initiative populaire qui exigeait un organe de contrôle, il fut supprimé par le Conseil fédéral en 1990 et les Chambres abrogèrent la loi y relative, pourtant entièrement révisée en 1980. Les offices fédéraux n'ont pas seulement des tâches d'exécution, ils participent souvent à la préparation des actes législatifs.

Composées de fonctionnaires et de personnes extérieures à l'administration, des Commissions extraparlementaires, permanentes ou temporaires, sont rattachées aux offices ou aux départements et actives dans presque tous les domaines.

Le gouvernement collégial

L'administration dépend du Conseil fédéral, organe collégial dont chaque membre dirige un département. Les conseillers fédéraux sont élus par le Parlement pour quatre ans, comme les fonctionnaires; ils obtiennent presque à coup sûr leur réélection. L'un d'eux, Président de la Confédération, primus inter pares, élu pour une année, dirige leurs séances, mais ses prérogatives sont insignifiantes. D'abord entièrement radical, le gouvernement s'est ouvert peu à peu à d'autres partis; la formule magique adoptée en 1959 est une sorte de grande coalition informelle.

Jusqu'en 1887, le Département politique, aujourd'hui Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), dépendait du président de la Confédération, ce qui impliquait des rocades annuelles. Cette application poussée du principe de collégialité fut abandonnée de 1888 à 1896, puis définitivement dès 1920 (loi de 1914 sur l'organisation du gouvernement).

La collégialité du gouvernement et l'inamovibilité de fait de ses membres a donné aux départements une large autonomie et un certain individualisme. Déjà dans les années 1870, alors que les radicaux régnaient encore sans partage, l'ancien conseiller fédéral Jakob Dubs se plaignait de ce que "l'unité du gouvernement s'est en grande partie perdue entre les sept départements". Avec la formule magique, il est encore plus justifié de parler d'une autonomie des départements.

La Chancellerie fédérale et les secrétariats généraux

Après l'affaire des Mirage (1964), le Conseil fédéral confia à une commission d'experts dirigée par Otto Hongler la préparation d'une réforme visant à décharger le gouvernement de ses activités administratives pour qu'il puisse se concentrer sur ses tâches gouvernementales. En 1967, la commission proposa principalement de faire du Chancelier de la Confédération un chef d'état-major du Conseil fédéral. Mais le fait qu'il n'est pas nommé par celui-ci pourrait rendre cette conception de son rôle problématique. La mesure entra en vigueur en 1968; Karl Huber, chancelier de 1968 à 1981, s'efforça d'obéir aux intentions de la commission Hongler en apportant plus de cohérence dans les activités du gouvernement, mais il se heurta aux réflexes d'autonomie des départements. Les deux postes de vice-chanceliers, créés par un arrêté en 1895, ne sont occupés en permanence que depuis 1968.

La réforme Hongler, concrétisée dans la loi sur l'organisation de l'administration de 1978, prévoyait aussi de doter chaque département d'un secrétariat général; le chef de département dispose ainsi d'un état-major véritable, puisqu'il nomme et révoque librement son secrétaire général. De même origine, la conférence des secrétaires généraux a lieu sous la direction du chancelier; elle siège depuis 1993, comme le Conseil fédéral, chaque semaine.

Les groupements et les secrétaires d'Etat

Le Conseil fédéral était à peine créé que déjà certains songeaient à le réformer. Depuis la publication du rapport Hongler en 1967, la thèse selon laquelle il est surchargé est presque devenue une doctrine officielle. Toutes les réformes ont visé à le "décharger": revalorisation du rôle du chancelier, développement des secrétariats généraux, introduction d'un nouvel échelon hiérarchique ("groupement"), création de secrétaires d'Etat.

Un groupement rassemble plusieurs offices fédéraux sous la responsabilité d'un directeur, afin de diminuer le nombre des unités relevant directement du chef d'un département. Les deux premiers furent créés en 1939 au Département militaire (qui sera réorganisé en quatre groupements après l'affaire des Mirage); six autres furent proposés dans les départements "civils" par le rapport Hongler, mais seul celui de la science et de la recherche, au Département fédéral de l'intérieur (DFI), a été réalisé, en 1990, bien que les bases légales existent (loi sur l'organisation de l'administration de 1978).

Sans former de groupements, plusieurs offices du DFI ont fusionné au cours des années 1990 dans les offices fédéraux de la culture (OFC) et de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP). Avec ses quatorze offices, certes réduits à onze entités à la fin des années 1980, le DFI était une vaste corbeille, où l'on trouvait de plus une bonne partie des dossiers "chauds" de la société postindustrielle, comme l'environnement, la santé, la sécurité sociale, la formation, les sciences, la recherche, la culture et le sport. Aussi l'OFEFP fut-il transféré en 1998 au Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication et le sport confié à un nouvel office fédéral rattaché au Département de la défense, de la protection de la population et des sports (ex-DMF). Au Département de l'économie publique, la fusion de deux offices (celui des affaires économiques extérieures et celui du développement économique et de l'emploi) a donné le Secrétariat d'Etat à l'économie ("seco"), qui est un office et non un groupement.

La loi sur l'organisation de l'administration de 1978 conféra le titre de secrétaire d'Etat au responsable de la "Direction politique" du DFAE et à celui de l'Office des affaires économiques extérieures (puis du Secrétariat d'Etat à l'économie); ils portent ce titre en droit seulement "dans leurs relations avec l'étranger", en fait aussi à l'intérieur, sur le modèle de leurs homologues étrangers. Après la révision de la loi sur l'organisation du gouvernement en 1991, le Conseil fédéral nomma un troisième secrétaire d'Etat, le chef du groupement de la science et de la recherche.

La réforme du gouvernement

Le Conseil fédéral créa en novembre 1990 un groupe de travail, dirigé par Kurt Eichenberger, spécialiste de droit public, qui élabora cinq modèles. Sur la base de cette étude et des réactions qu'elle suscita, le Conseil fédéral proposa, dans son message de 1993 sur la réforme du gouvernement, une révision complète de la loi sur l'organisation de l'administration: il aurait la possibilité de nommer jusqu'à vingt et un secrétaires d'Etat coiffant les directeurs d'offices et habilités à le représenter devant le Parlement; il serait seul compétent dans la création d'offices et de groupements.

Le Parlement rechigna, avant de se rallier à un compromis du Conseil des Etats prévoyant que l'Assemblée fédérale se réservait le droit de confirmer la nomination des secrétaires d'Etat. Ainsi conçu, le projet de loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (1995) fut attaqué par référendum et refusé par le peuple en 1996, avec 60,6% de non. La campagne s'était concentrée sur le nombre élevé des nouveaux secrétaires d'Etat, qui aurait en fait été limité à dix. La loi, révisée enfin en 1997, reprend l'idée des secrétaires d'Etat, sans même en limiter le nombre, mais renonce à leur donner plus de pouvoir qu'aux anciens, institués par la loi de 1978. Pour ce qui est de la compétence générale des conseillers fédéraux en matière d'organisation, la loi de 1997 ne diffère pas du projet de 1995.

La réforme de 1993 fut expressément présentée comme la première étape d'un processus dont la poursuite finirait par impliquer des changements constitutionnels. Le Conseil fédéral et l'administration fédérale sont l'objet des articles 174 à 187 de la Constitution de 1999. En particulier, le rôle renforcé du chancelier est désormais inscrit à l'article 179. Pour une efficacité accrue et une meilleure rentabilité, on a réalisé en 1997-2000, sur la base de la loi d'organisation, une réforme du gouvernement et de l'administration qui a touché environ 6000 personnes, soit 20% des effectifs. A cette occasion, le Conseil fédéral a utilisé ses nouvelles compétences pour modifier partiellement la répartition des offices entre les départements et pour adapter les méthodes de direction.

Sources et bibliographie

  • P. Bischofberger et al., Verwaltung im Umbruch, 1972
  • R.E. Germann, Regierung und Verwaltung beim Bund, 1982
  • C. Furrer, Bundesrat und Bundesverwaltung, 1986
  • Altermatt, Conseil fédéral
  • R.E. Germann, Administration publique en Suisse, 1, 1996
Liens

Suggestion de citation

Raimund E. Germann: "Administration fédérale", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 24.05.2012, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/010343/2012-05-24/, consulté le 19.03.2024.