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Affiche

Vue de la salle ouverte des Trois Rois à Bâle, dessinée en 1753 par Emanuel Büchel (Staatsarchiv Basel-Stadt, BILD Falk. A 67).
Vue de la salle ouverte des Trois Rois à Bâle, dessinée en 1753 par Emanuel Büchel (Staatsarchiv Basel-Stadt, BILD Falk. A 67). […]

Dès l'invention de l'imprimerie, l'affiche sur papier est utilisée comme moyen de communication visuelle dans les espaces publics, à des fins de propagande ou de promotion. Sa fragilité, son caractère éphémère, son rôle informatif expliquent le peu d'études qu'on lui a consacrées avant que les artistes ne lui donnent ses lettres de noblesse dans la seconde moitié du XIXe s. et qu'elle soit dès lors considérée comme objet de musée. Longtemps de format modeste, imprimées comme les pages d'un livre, les affiches étaient probablement destinées à la fois au placardage et à la distribution. Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, l'affichage reste entre les mains des pouvoirs politique et ecclésiastique. Placards, avis de recrutement, mandats, proclamations sont des compositions surtout typographiques, même si la mise en page et des éléments décoratifs renforcent parfois le texte. Au XIXe s., l'affiche est encore presque exclusivement officielle, les publicitaires préférant peindre directement sur les murs, sur des panneaux de bois ou des tôles émaillées.

"Eté dans les Grisons". Affiche touristique d'Emil Cardinaux, 1909 (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
"Eté dans les Grisons". Affiche touristique d'Emil Cardinaux, 1909 (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).

Vers 1890, l'affiche moderne, où l'image prédomine, prend son essor dans les sociétés industrielles avec l'émergence de la Publicité, le développement des techniques de reproduction qui permet l'impression des grands formats en nombre (lithographie et chromolithographie, puis photolithographie) et une nouvelle organisation de l'espace public. Les peintres jouent un rôle déterminant dans ce processus: des Suisses participent au renouveau de l'affiche à Paris (Théophile Alexandre Steinlen et Eugène Grasset) et à Berlin (Karl Walser) et des étrangers contribuent en Suisse à l'affirmation de l'affiche artistique (Leonetto Cappiello, Charles Loupot, Cassandre). Si les artistes genevois et vaudois, dans le sillage du peintre Ferdinand Hodler et du graphiste Emil Cardinaux, marquent les débuts de l'affiche moderne, la puissance économique zurichoise déplace dès les années 1910 le centre de production en Suisse alémanique. Des peintres de valeur (Burkhard Mangold, Cuno Amiet, Giovanni et Augusto Giacometti, Otto Baumberger, Niklaus Stoecklin) intègrent progressivement dans la conception de leurs affiches les courants esthétiques d'avant-garde (du cubisme et du mouvement Dada avec Otto Morach à l'art concret avec Max Bill). Dans l'entre-deux-guerres trois changements marquent une évolution: les graphistes (Ernst Keller, Eric de Coulon, Jan Tschichold) prennent le relais des peintres, l'impression en offset remplace la lithographie et la photographie fait son apparition dans l'expression publicitaire (Walter Herdeg, Herbert Matter). Les écoles d'arts appliqués de Zurich et de Bâle, puis celles de Genève, Lausanne et Berne, ainsi que des associations d'art industriel (Schweizerischer Werkbund en Suisse alémanique et L'Œuvre en Suisse romande) unissent leurs forces afin de promouvoir les arts graphiques suisses qui doivent aussi leur renommée aux imprimeurs-lithographes de la première heure (Trüb à Aarau, Wolfensberger à Zurich, Sonor à Genève, Wassermann à Bâle, Marsens et Roth & Sauter à Lausanne).

Affiche pour le Béjart Ballet de Lausanne, réalisée en 1988 par le graphiste Pierre Neumann (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
Affiche pour le Béjart Ballet de Lausanne, réalisée en 1988 par le graphiste Pierre Neumann (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste). […]

Des "labels de qualité" sont en outre attribués depuis 1941 aux meilleures réalisations, sous les auspices du Département fédéral de l'intérieur et de la Société générale d'affichage (fondée à Genève en 1900). Celle-ci détient le quasi-monopole des espaces publics et a imposé un format standard (format mondial = 90,5 x 128 cm). L'histoire de l'affiche touche à tous les secteurs de la vie quotidienne du XXe s. (publicité, sport, culture, mode, loisirs, santé). Deux catégories sont particulièrement bien représentées en Suisse: l'affiche touristique qui s'inscrit dans le prolongement de la production d'estampes des petits-maîtres et l'affiche politique, conséquence de la démocratie semi-directe et des nombreuses consultations populaires.

Sources et bibliographie

  • BN; BGE; BVCF; MFG; MHL; Museo del manifesto ticinese, Morcote; BPS
  • J. Meylan et al., Aux urnes, citoyens!, 1977
  • B. Margadant, Das Schweizer Plakat 1900-1983, 1983 (all., franç. et angl.)
  • Ferdinand Hodler und das Schweizer Künstlerplakat 1890-1920, cat. expo. Zurich, Vienne, Lausanne, 1984
  • W. Rotzler, K. Wobmann, Politische und soziale Plakate der Schweiz, 1985 (all., franç. et angl.)
  • W. Rotzler et al., Das Plakat in der Schweiz, 1990
  • J.-Ch. Giroud, M. Schlup, éd., L'affiche en Suisse romande durant l'entre-deux-guerres, 1994
  • Ch. Stirniman, R. Thalmann, Weltformat: Basler Zeitgeschichte im Plakat, 2001
  • B. Wyder, Affiches valaisannes, 2004
  • J.-Ch. Giroud, Les images d'un rêve: deux siècles d'affiches patriotiques suisses, 2005
  • J.-Ch. Giroud, M. Schlup, dir., Paradis à vendre: un siècle d'affiches touristiques suisses, 2005
  • R. Hollis, Schweizer Grafik: die Entwicklung eines internationalen Stils, 2006 (anglais 2006)
  • R. Cavalli, 100 anni di manifesti ticinesi, 1-, 2008-
Liens

Suggestion de citation

Pierre Chessex: "Affiche", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 22.07.2010. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/010467/2010-07-22/, consulté le 28.03.2024.