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Bourses d'études

On entend aujourd'hui par bourse d'études (du latin médiéval bursa = sac de cuir, bourse; all. Stipendium) une aide financière, exonérée d'impôts et non remboursable, versée à une personne qui suit une formation. Au Moyen Age et à l'époque moderne, les aides octroyées aux écoliers et Etudiants prenaient généralement la forme, non d'une somme d'argent, mais de places gratuites dans les Universités et les internats qui leur étaient rattachés.

Autour de l'Université de Bâle, fondée en 1460 - la seule de Suisse au Moyen Age -, on vit naître des maisons pour étudiants appelées Bursen (notamment la Burss am Rheinsprung, fermée en 1529); il s'agissait de foyers dirigés par un magister, où les étudiants, logés et nourris, pouvaient suivre gratuitement les cours dispensés dans les matières propédeutiques (arts libéraux). Après la Réforme, le Petit Conseil de Bâle fonda l'Alumneum (1533), qui offrait vingt-quatre places gratuites, dont huit pour des étudiants venant de pays où les protestants étaient inquiétés (comme l'Autriche et la Hongrie). Les Académies, fondées à partir de 1525 dans les villes protestantes de Zurich, Berne, Lausanne et Genève, n'allouaient des bourses, dites aussi "gages" (au nombre de quarante-huit par exemple à Lausanne), que pour des études en théologie. En revanche, au XVIe s. encore, l'Alumneum de Bâle accueillait aussi des étudiants en droit et en médecine. En pays catholiques, les Jésuites créèrent dès 1577, à Lucerne, Fribourg, Porrentruy, Soleure, Brigue et Sion, des collèges d'enseignement secondaire et supérieur; ils servaient essentiellement, mais non exclusivement, à la formation des prêtres. Même là où l'Instruction publique restait l'affaire de l'Eglise, les autorités laïques jouaient un rôle décisif dans la création et le financement des établissements éducatifs, sur lesquels elles exerçaient un contrôle.

Les bourses permettant d'aller étudier dans les universités étrangères étaient très convoitées. Les académies protestantes attribuaient des bourses de voyage, Lausanne par exemple en allouait deux par an. Les cantons catholiques, dépourvus d'université, cherchaient à disposer de places permanentes à l'étranger. Le Collegium helveticum de Milan, fondé en 1579 et financé avec l'aide du pape, offrait septante-quatre places à des étudiants en théologie originaires de Suisse ou du diocèse de Constance. Des bourses et des places dans des universités savoyardes, françaises et italiennes étaient réservées aux études profanes; elles étaient négociées dans le cadre des capitulations (contrats autorisant la levée de troupes pour le service étranger): l'Espagne par exemple en offrait douze pour des études aux universités de Milan et de Pavie (dès 1587). Ces bourses s'adressaient exclusivement aux fils de la classe dirigeante, qui acquéraient des connaissances linguistiques et s'initiaient aux usages du monde aux frais de princes étrangers qu'ils soutenaient par la suite au Conseil (Emigration).

Au XIXe s., les bourses passèrent sous la responsabilité des cantons, aidés au XXe s. par la Confédération dans le cadre de la Formation professionnelle (loi fédérale de 1930: apprentissages et cours de maîtrise; formation agricole dès 1947). Les mutations socioculturelles et économiques des années 1950 et 1960 ("choc du spoutnik", menaces contre la capacité concurrentielle de la Suisse) suscitèrent des interventions parlementaires exigeant un engagement financier accru de la Confédération; elles aboutirent à la loi fédérale de 1965 sur les bourses.

Les nouvelles contributions fédérales incitèrent les cantons à augmenter leurs prestations; Berne par exemple, en doubla le montant après 1965. Les fonds cantonaux, jadis alimentés par les intérêts provenant de fondations privées, furent dès lors financés surtout par les recettes fiscales et les contributions fédérales. Le nombre des bénéficiaires augmenta, mais les enfants d'ouvriers restèrent sous-représentés (6% en 1962). Dans les années 1960, il devint clair qu'il fallait non seulement encourager la relève et les jeunes talents, mais se préoccuper aussi de l'égalité des chances. Tout élève doué devait bénéficier de la formation adéquate, indépendamment de ses origines sociales; les bourses devaient couvrir les frais d'études et d'entretien. En 1971, l'Union nationale des étudiants de Suisse tenta de lancer une politique fédérale des bourses: son initiative populaire (retirée en 1974) proposait un financement des études remboursable, indépendant de la situation des parents, et une égalisation des aides, très différentes selon les cantons. En 1985, le peuple refusa la suppression des contributions fédérales aux bourses cantonales. A la fin du XXe s., Confédération, cantons, communes et fondations privées octroient des bourses. Les règles d'attribution prévoient aussi des prêts remboursables, pour de faibles montants, et l'exemption des frais de cours et d'écolage.

Lors de la crise économique des années 1990, le système des bourses fut remis en question. Certains politiciens bourgeois voyaient là une possibilité d'économies. Le volume des bourses, qui avait déjà diminué de 4% durant la première moitié des années 1980, chuta à nouveau dans les années 1990. Il passa de 321 millions de francs en 1993 à 287 millions en 1997; la Confédération, selon les capacités financières des cantons, subventionnait entre 20 et 60% de leurs dépenses en ce domaine. En 2010, le volume des bourses s'élevait à 302 millions, dont 24,3 millions versés par la Confédération. En 2010, sur les 593 370 personnes qui suivaient une formation au-delà de la scolarité obligatoire, 48 682 (8,1%) bénéficiaient d'une bourse, d'un montant moyen de 6205 francs; en 1980, on dénombrait encore 58 000 bénéficiaires. Depuis 1994, la proportion des boursiers par rapport à l'ensemble des élèves et des étudiants a diminué. Les modes d'attribution diffèrent passablement selon les cantons (politique sélective à Zurich, principe de l'arrosoir dans le Jura). Un étudiant de 23 ans, dont les parents disposeraient d'un revenu de 60 000 francs et d'une fortune de 60 000 francs, pourrait recevoir jusqu'à 13 000 francs dans un canton généreux, alors que dans d'autres, il n'aurait droit à rien. Par ailleurs, il existe pour les diplômés universitaires des bourses du Fonds national suisse de la recherche scientifique, financées par la Confédération (39,8 millions de francs en 2011).

Sources et bibliographie

  • APS, 1966-
  • Le régime des bourses en Suisse, 1975
  • R. Bolzern, Spanien, Mailand und die katholische Eidgenossenschaft, 1982, 189-197
  • M. Wagner, 150 Jahre Theologisches Alumneum in Basel, 1994
  • Les indicateurs de l'enseignement en Suisse, 1999
Liens

Suggestion de citation

Hans-Ulrich Grunder: "Bourses d'études", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 26.11.2013, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/010397/2013-11-26/, consulté le 29.03.2024.