Service du feu

De tout temps, l'homme fut confronté aux incendies. Ses moyens de défense face à cette calamité passèrent de l'aide spontanée du voisinage à la création de services organisés sur le modèle de l'armée, ainsi qu'à la mise en place de mesures préventives (police du feu) et à l'introduction d'assurances.

La pompe de village allant au feu. Huile sur toile réalisée en 1879 par Eugène Burnand (Musée d'art et d'histoire Neuchâtel).
La pompe de village allant au feu. Huile sur toile réalisée en 1879 par Eugène Burnand (Musée d'art et d'histoire Neuchâtel).

Moyen Age et époque moderne

Représentation des mesures en cas d'incendie. Dessin vers 1750 de Hans Jakob Wirz, graveur et constructeur de pompes à Zurich (Baugeschichtliches Archiv der Stadt Zürich).
Représentation des mesures en cas d'incendie. Dessin vers 1750 de Hans Jakob Wirz, graveur et constructeur de pompes à Zurich (Baugeschichtliches Archiv der Stadt Zürich). […]

Dans les villes médiévales, les services du feu relevaient, comme ceux de garde, des devoirs des bourgeois et étaient organisés dans certains cas, dès les XIVe et XVe siècles, par les corporations. Ces deux tâches avaient en commun une organisation militaire et une répartition de la surveillance par quartier, comme il est déjà attesté à Zurich en 1274; certaines villes les regroupèrent d'ailleurs en un seul service, à l'exemple de Zurich en 1607. Le nombre de circonscriptions dépendait de la taille de la ville (11 à Zurich au XVIIIe s., deux à Berthoud). Chacune d'entre elles comprenait plusieurs troupes de pompiers, commandées par un capitaine et constituées de bourgeois qui avaient l'obligation de défendre la ville. Lorsqu'un incendie se déclarait, ces derniers devaient se présenter avec leurs affaires personnelles afin d'être détachés, selon le cas, à la surveillance des portes ou de l'arsenal ou sur le lieu même du brasier.

Leur équipement, analogue à celui des gardes et des soldats, est connu grâce aux prescriptions contre les incendies. Il comprenait du matériel individuel (seau en cuir) et municipal (crochets à feu, échelles à incendie, cordes, haches et seaux supplémentaires). Au XVIe siècle apparurent des engins plus grands comme les pompes à bras et, dès le milieu du XVIIe, des machines portables et mobiles, capables d'envoyer un jet d'eau continu grâce à un réservoir d'air. L'utilisation de tuyaux en cuir, et, dès 1690, en chanvre accrut la performance des pompes refoulantes, puis aspirantes (après 1700), encore plus efficaces. Ces appareils étaient actionnés par six à huit hommes sous la surveillance d'un commandant. Pour les interventions spéciales, on réquisitionnait les charpentiers, tailleurs de pierre, maçons, couvreurs et serruriers munis de leur outillage personnel. On faisait plus particulièrement appel à de jeunes compagnons.

A la campagne, les lieux de marché et les grands villages furent les premiers à avoir des services du feu. Au XVIIIe siècle, la plupart des bourgades du Plateau étaient déjà équipées de pompes alors que les régions de montagne, plus pauvres, n'en possédèrent qu'à partir du XIXe, voire du XXe siècle.

En principe, toute personne qui découvrait un incendie devait donner l'alarme en criant au feu. Le tocsin, le tambour ou la sirène appelait les bourgeois ou les communiers astreints au service à se rassembler à l'endroit prévu, en ville ou dans le village, où le capitaine donnait l'ordre d'engagement. L'eau n'étant pas immédiatement disponible en quantité suffisante, on s'efforçait tout d'abord de circonscrire le feu; des hommes et des femmes tentaient de protéger les bâtiments à l'aide de draps mouillés étalés sur les toits des maisons voisines. Debout sur des échelles, d'autres aspergeaient les façades des habitations avec de l'eau, amenée par des chaînes humaines avec des seaux. Ce n'est qu'ensuite que l'on s'attaquait au foyer de l'incendie. Pour étouffer les flammes, on abattait les maisons en feu (des pillards observaient généralement la scène). Des techniques similaires sont attestées du Moyen Age au XIXe siècle grâce à des chroniques illustrées et des prescriptions contre le feu, notamment celle de Fribourg (1411) et de Haute-Argovie (XVIIIe s.).

Echelle de pompier de la firme Magirus d'Ulm, reproduite dans le Journal des sapeurs-pompiers suisses, 1879.
Echelle de pompier de la firme Magirus d'Ulm, reproduite dans le Journal des sapeurs-pompiers suisses, 1879. […]

La lutte contre l'incendie fut limitée au début à la défense de la ville intra muros. Dès le XVIe siècle, cependant, elle s'étendit progressivement en dehors. Du haut de leur tour, les veilleurs indiquaient à l'aide de signaux différents si l'incendie s'était déclaré à l'intérieur ou à l'extérieur. Dans le second cas, une troupe de jeunes pompiers, généralement par groupes de six, équipés de seaux et de crochets se mettaient en route vers le sinistre au son du tocsin. Si le brasier était particulièrement important, d'autres équipes partaient avec des pompes à incendie. Toutefois, si les hommes n'atteignaient pas le foyer dans les trois heures, ils rebroussaient chemin, comme le prévoyait la prescription de Wangen an der Aare de 1750. Des hommes à cheval et à pied pouvaient aller appeler à l'aide des gens des localités voisines. Les services du feu et la garde étant tous les deux impopulaires, chaque intervention était rémunérée en fonction de l'efficacité et de la rapidité du travail.

XIXe et XXe siècles

Exercice principal du service du feu de Rapperswil (SG), le 28 octobre 1922. Film muet en 35 mm de Willy Leuzinger (Cinémathèque suisse, Filmsammlung Cinema Leuzinger, cote 26A; copie de consultation Memobase ID CS-06_1).
Exercice principal du service du feu de Rapperswil (SG), le 28 octobre 1922. Film muet en 35 mm de Willy Leuzinger (Cinémathèque suisse, Filmsammlung Cinema Leuzinger, cote 26A; copie de consultation Memobase ID CS-06_1). […]

Les anciennes techniques de lutte contre l'incendie ne furent remplacées par des procédés plus modernes que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les réseaux de bouches d'incendie mis en place par les services communaux des eaux, d'abord à Bâle (1866), à Berthoud (1867), à Netstal et Berne (1868) et la création des piquets d'incendie (à Bâle en 1871) représentèrent des progrès sensibles. Chaque amélioration technique augmentait l'efficacité des opérations. Ainsi, on recourut au télégraphe, au téléphone et au détecteur d'incendie pour donner l'alarme, aux motopompes, puis dès 1905 aux divers véhicules d'intervention (techniques ou de commandement, par exemple fourgons pompes, camions avec échelles ou transportant le matériel, véhicules de premiers secours et même avions bombardiers d'eau), enfin à divers pulvérisateurs de mousse. Des appareils d'arrosage automatique, comme les têtes d'extincteur automatique à eau, et une nouvelle organisation dans les entreprises permirent d'éviter de nombreux départs de feu. L'équipement personnel des pompiers devint lui aussi plus sophistiqué. Il comprit désormais des tenues de protection, des appareils respiratoires et des ceintures de sécurité. Ces nouveautés reflètent les tâches multiples dévolues aux services du feu, auxquelles sont venues s'ajouter à la fin du XXe siècle la lutte contre les inondations, les attaques chimiques et radioactives, ainsi que les opérations de sauvetage dans les accidents majeurs (accidents techniques).

Affiche pour le numéro d'appel de secours des pompiers. Lithographie deux couleurs réalisée en 1928 par Otto Baumberger (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
Affiche pour le numéro d'appel de secours des pompiers. Lithographie deux couleurs réalisée en 1928 par Otto Baumberger (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste). […]

Après 1803, les services du feu restèrent une tâche des communes réglée par la législation cantonale. Dès le milieu du XIXe siècle, on introduisit progressivement l'obligation pour les hommes de participer à la lutte contre l'incendie, comme le montrent les cas de Glaris (1846), Bâle (1879) et Berne (1884); ceux qui ne la remplissaient pas devaient s'acquitter d'une taxe. En parallèle, se développèrent des services bénévoles et professionnels. La ville de Berne instaura, en 1811 déjà, un corps de pompiers volontaires; Bâle fit de même en 1845. En 1882, Lausanne et Bâle furent les premières villes de Suisse à créer un corps professionnel, suivies, jusqu'à la fin du XXe siècle, par les villes de Genève, Neuchâtel, Berne, Zurich, Winterthour et Saint-Gall. A l'exception de Genève, de Zurich, du Tessin, d'Uri et du Valais où la participation est facultative, les cantons introduisirent un service obligatoire qui possède des structures et des grades similaires à l'armée. Le service du feu ne dépend ni de cette dernière, ni de la police; il est autonome au sein des organisations qui œuvrent pour la protection de la population en Suisse.

La Fédération suisse des sapeurs-pompiers, qui remplaça en 1967 l'ancienne association créée à Aarau en 1870, est divisée en quatre sections régionales: Suisse romande et Tessin, Plateau et nord-ouest de la Suisse, Suisse orientale, Suisse centrale. Elle défend les intérêts de 101'985 pompiers bénévoles, professionnels ou d'entreprises (2010), ainsi que ceux de la Fédération des sapeurs-pompiers du Liechtenstein (depuis 1974).

Sources et bibliographie

  • Les sources du droit suisse, 1898-.
  • Fédération suisse des sapeurs-pompiers (éd.): Journal des sapeurs-pompiers suisses, 1875-2009 (118 swissfire.ch depuis 2009).
  • Hegi, Friedrich: Geschichte der Zunft zur Schmiden in Zürich 1336-1912. Festschrift zur Feier des 500jährigen Jubiläums der Erwerbung des Zunfthauses zum Goldenen Horn am 13. November 1412, 1912.
  • Lexikon des Mittelalters, vol. 4, 1989, colonne 422.
  • Gisiger, Bernard; Le Comte, Francis: Du 4000 au 118. Service du feu de la ville de Genève, 1840-1990, 1990.
  • Fédération suisse des sapeurs-pompiers (éd.): Im Dienst der Gemeinschaft. 125 Jahre SFV, 1870-1995, 1995.
  • Röllin, Stefan et al.: Vom Feuereimer zum Tanklöschfahrzeug. Stadtbrände und Feuerwehrwesen der Stadt Sursee vom Spätmittelalter bis zur Gegenwart, 1998.
  • 100 Jahre Kantonal-Feuerwehrverband St. Gallen. Jubiläumsschrift zum 100-jährigen Bestehen des Kantonal-Feuerwehrverbandes St. Gallen, 1902-2002rédigé par Daniela Huijser Schweizer, 2002.
  • Pfeffer, Willi et al.: Das Solothurner Feuerwehrwesen. 100 Jahre Solothurner Kantonal-Feuerwehr-Verband, [2008].
Liens

Suggestion de citation

Anne-Marie Dubler: "Service du feu", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 08.06.2021, traduit de l’allemand. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007788/2021-06-08/, consulté le 28.03.2024.