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PierreAubert

3.3.1927 à La Chaux-de-Fonds, 8.6.2016 à Neuchâtel, protestant, de Savagnier. Avocat, politicien neuchâtelois, membre du Parti socialiste (PS), conseiller aux Etats et conseiller fédéral.

Le président de la Confédération Pierre Aubert en discussion avec Alexandre Hay (à droite), président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d’une visite de la commission de politique extérieure du Conseil des Etats au CICR. Photographie prise par Françoise Vermot le 9 février 1983 à l’hôtel Carlton à Genève (Archives audiovisuelles du CICR, Genève, V-P-VIS-N-00042-09).
Le président de la Confédération Pierre Aubert en discussion avec Alexandre Hay (à droite), président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d’une visite de la commission de politique extérieure du Conseil des Etats au CICR. Photographie prise par Françoise Vermot le 9 février 1983 à l’hôtel Carlton à Genève (Archives audiovisuelles du CICR, Genève, V-P-VIS-N-00042-09).

Pierre Aubert était le fils de Jules-Alfred Aubert, avocat et notaire, et de Susanne-Henriette née Erni. Petit-fils de Louis Aubert et cousin de Jean-François Aubert, il était issu avec sa sœur d'une famille caractérisée par les traditions protestante et libérale-conservatrice. Après le gymnase à La Chaux-de-Fonds, Aubert obtint en 1951 sa licence en droit à l’Université de Neuchâtel, où il devint membre de la Société suisse de Zofingue. Après une année d’études à Heidelberg (1951-1952), il passa son brevet d’avocat. En 1953, Pierre Aubert épousa Anne-Lise Borel, qui avait obtenu en 1950 le certificat de secrétariat à l'Ecole supérieure de commerce de Neuchâtel, fille de Paul-Henri-Léon Borel, agent d’assurances, et de Marie-Anne née Calame. Le couple eut deux enfants.

Devenu associé de l’étude que son père avait fondée avec Tell Perrin, il y recruta notamment Raymond Spira, futur associé, puis juge au Tribunal fédéral des assurances. Dans sa pratique du barreau, de 1952 à 1977, Aubert se confronta à des problématiques sociales. A quelques reprises, il défendit des personnes accusées d’avoir pratiqué des avortements dès les années 1950, ainsi que des objecteurs de conscience. En 1967, en tant que chrétien, il déclara que l’Eglise réformée devait se préoccuper davantage des questions sociales. Membre du Parti socialiste neuchâtelois dès 1958, il s’écarta ainsi des traditions familiales. Il s’engagea d’abord pour les droits de la femme et contribua à l’octroi du suffrage féminin dans le canton de Neuchâtel en 1959. Elu au Conseil général de La Chaux-de-Fonds (196o-1968, président en 1967-1968), il y proposa la création d’un planning familial. En 1965, Aubert participa à la fondation de la section neuchâteloise de l'Association Suisse-Israël (ASI), dont il fut président central dès 1970 à la suite de Jean Treina (Proche-Orient, Israël). En 1971, il succéda à son père à la tête du Touring Club suisse (TCS) des Montagnes neuchâteloises. Député au Grand Conseil neuchâtelois de 1961 à 1975, il le présida en 1969. Sur la base de la nouvelle loi sur l’Université, le Conseil d’Etat le nomma en 1971 président du conseil de l’Université de Neuchâtel. Dès 1971, à la suite d’une initiative populaire du PS, la députation neuchâteloise au Conseil des Etats ne fut plus élue par le Grand Conseil, mais par le peuple, ce qui permit à Pierre Aubert d'être nommé, la même année, conseiller aux Etats (au deuxième tour contre le sortant libéral Blaise Clerc, réélection en 1975). Membre de la commission de politique extérieure de la Chambre haute (Assemblée fédérale) de 1971 à 1977, il joua un rôle central dans la décision parlementaire de 1974 de réduire d’un dixième la contribution suisse à l’Unesco à cause de décisions considérées comme anti-israéliennes prises par cette institution. De 1974 à 1977, il siégea à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg où il fut en 1976 rapporteur général de la Commission politique. Au Conseil des Etats, il se fit connaître en tant que socialiste modéré et consensuel. Après la démission de Pierre Graber du Conseil fédéral, le PS neuchâtelois proposa René Felber comme candidat à sa succession, mais le groupe socialiste des Chambres fédérales lui préféra Pierre Aubert (mieux connu parmi les parlementaires alémaniques et bourgeois) qui fut élu le 7 décembre 1977 au premier tour avec 190 voix (majorité absolue 117). N’ayant jamais accepté de se porter candidat au Conseil communal de La Chaux-de-Fonds, il entra au Conseil fédéral sans avoir l’expérience d'un exécutif. Chef du Département politique (Département fédéral des affaires étrangères, DFAE, dès 1979) jusqu’à sa démission en 1987, il déclara d'emblée qu’il inscrirait sa politique dans la continuité de Pierre Graber. Il fut président de la Confédération en 1983 et 1987.

Prise de position du conseiller fédéral Pierre Aubert au sujet des critiques émises en Suisse à l’encontre de son voyage en Afrique occidentale dans l’édition principale du téléjournal de la télévision suisse alémanique du 27 janvier 1979. Séquence d’un reportage dont le commentaire et les éléments intégrés n’ont pas été archivés (Schweizer Radio und Fernsehen, Zurich, Play SRF).
Prise de position du conseiller fédéral Pierre Aubert au sujet des critiques émises en Suisse à l’encontre de son voyage en Afrique occidentale dans l’édition principale du téléjournal de la télévision suisse alémanique du 27 janvier 1979. Séquence d’un reportage dont le commentaire et les éléments intégrés n’ont pas été archivés (Schweizer Radio und Fernsehen, Zurich, Play SRF). […]

Au sein du département, ses relations avec Albert Weitnauer, secrétaire général et chef de la Direction politique du Département politique dès 1976, promu secrétaire d’Etat en 1979, se détériorèrent au fil du temps. Adepte d'une politique de neutralité favorable à l'économie, celui-ci fut remplacé en 1980 par Raymond Probst auquel succéda en 1984 Edouard Brunner. Entouré de fortes personnalités dotées d’une longue expérience de l’administration fédérale, Aubert fut souvent accusé dans les médias de ne pas diriger le département avec l’autorité, la fermeté et l’énergie prônées également par certains parlementaires, notamment alémaniques et proches de l’économie privée. Dès son arrivée au Conseil fédéral, il demanda d’intensifier l’engagement de la Suisse en faveur des droits de l’homme sur le plan international, sans toutefois nuire à sa politique de neutralité. A cet égard, il préconisa des activités dans les relations bilatérales et dans les organisations internationales (y compris non gouvernementales). Sur la lancée des efforts accomplis depuis 1948, Aubert accentua cette dimension de la politique étrangère suisse, en demandant aux diplomates d’informer Berne des violations des droits humains et d’agir aussi souvent que possible par des pressions discrètes ou publiques. Ceci lui valut les reproches de ses adversaires politiques qui l’accusèrent de naïveté, de maladresse ou d'ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats. L’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1979, puis l’état de siège proclamé en Pologne dès 1981 aggravèrent les tensions internationales et limitèrent les possibilités d’agir pour la diplomatie suisse à travers le monde. L’exigence d’universalité que Max Petitpierre avait affirmée fut renforcée sous son mandat. Alors que ses prédécesseurs avaient rarement quitté la Suisse, Aubert accomplit 55 voyages à l’étranger. Il voulait faire connaître la Confédération partout dans le monde, non seulement pour ses prestations commerciales et financières, mais également pour ses contributions à l’amélioration de la situation internationale. Il se rendit en Afrique (1979), en Amérique latine (1984), au Proche-Orient (1985), en Extrême-Orient (1985), en Union soviétique (1982 et 1986). En 1979, Aubert fut le premier conseiller fédéral à se rendre officiellement en Afrique subsaharienne, ce qui lui attira de sévères critiques, notamment celle de dilapider l'argent public. Néanmoins, il continua de renforcer l’aide suisse au développement (coopération au développement).

Le conseiller fédéral Pierre Aubert lors de la séance de la session d’automne du Conseil des Etats du 3 octobre 1985. Enregistrement de la télévision suisse romande (Radio Télévision Suisse, Genève, Play RTS).
Le conseiller fédéral Pierre Aubert lors de la séance de la session d’automne du Conseil des Etats du 3 octobre 1985. Enregistrement de la télévision suisse romande (Radio Télévision Suisse, Genève, Play RTS). […]

A la demande des Palestiniens, Aubert rencontra en 1981 à Berne le responsable des Affaires étrangères de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Farouk Kaddoumi, et déclara que la Suisse était prête à offrir ses bons offices pour un règlement équitable du conflit au Proche-Orient, à condition d’y associer toutes les parties concernées. Cette entrevue suscita des réactions, surtout des milieux pro-israéliens. La volonté de nouer des contacts avec les différents protagonistes de la scène internationale l'amena à rencontrer des représentants du régime de l’apartheid sud-africain, mais aussi à recevoir à Berne en juin 1986 Oliver Tambo, président du Congrès national africain (ANC), principal mouvement d’opposition au régime raciste (Afrique du Sud). En mars 1986, la chute et la fuite du dictateur philippin Ferdinand Marcos posèrent le problème de ses biens placés en Suisse (Philippines). Après un communiqué de presse de la Commission fédérale des banques, un proche collaborateur d’Aubert fut informé par le Crédit suisse que celui-ci avait reçu une demande de retrait de capitaux de la famille Marcos. Le ministre des Affaires étrangères réussit à convaincre ses collègues de bloquer ces avoirs dans toutes les banques, notamment à la Société de banque suisse (SBS) et à Paribas Suisse. Prise dans l’urgence, cette décision gouvernementale constitua une première et marqua le début d’un dispositif de lutte contre les fonds illicites de potentats. Toujours en 1986, les capitaux du dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier furent aussi gelés (Haïti).

En 1981, Aubert présida le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Alors que la Suisse avait signé en 1976 la Charte sociale européenne, il ne parvint pas à convaincre le Parlement de la ratifier en 1984. Des tentatives ultérieures de ratification se heurtèrent aussi à l’opposition des milieux économiques. Malgré ses efforts de longue haleine, l'adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies (ONU) fut refusée par la double majorité du peuple et des cantons en 1986 (75,7% de non). Sur le plan bilatéral, malgré la fuite des capitaux français après la victoire de la gauche en 1981, Aubert remporta des succès avec la France. En 1983, François Mitterrand fut le premier président de la République à venir en Suisse en visite officielle depuis 1910. Ayant noué des relations amicales avec Aubert (qu'il éleva au rang de grand officier de la Légion d’honneur en 1993), Mitterrand, accompagné de son ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, vint à Auvernier en 1985 pour une visite privée.

Après avoir quitté le Conseil fédéral à la fin de 1987, Aubert se retira de l'activité politique. En 1988, il s'engagea dans la lutte internationale contre les contrefaçons. Il reçut aussi la grand-croix de l’ordre du Mérite de la République italienne en 1991.

L’importance désormais accordée aux droits humains constitue une dimension centrale et durable de la politique de Pierre Aubert au Conseil fédéral. La montée des tensions internationales et le refus d’adhérer à l’ONU minèrent ses efforts pour une politique d’ouverture à l’Europe et au monde. De plus en plus, il lui fut reproché de se montrer trop naïf, trop chaleureux et trop faible, surtout dans la conduite du DFAE. Ces critiques émanaient non seulement des milieux économiques alémaniques, mais aussi de son parti, notamment du président Helmut Hubacher. Les recherches historiques récentes relativisent ces griefs et soulignent les contributions durables d’Aubert à la politique étrangère suisse.

Caricatures du conseiller fédéral Pierre Aubert réalisées par Franco Barberis, Jürg Spahr et Werner Büchi (de gauche à droite), parues dans le Nebelspalter, 1977, n° 103, 1978, n° 104 et 1981, n° 107 (Bibliothèque nationale suisse, Berne; e-periodica).
Caricatures du conseiller fédéral Pierre Aubert réalisées par Franco Barberis, Jürg Spahr et Werner Büchi (de gauche à droite), parues dans le Nebelspalter, 1977, n° 103, 1978, n° 104 et 1981, n° 107 (Bibliothèque nationale suisse, Berne; e-periodica). […]

Sources et bibliographie

  • Fanzun, Jon Albert: Die Grenzen der Solidarität. Schweizerische Menschenrechtspolitik im Kalten Krieg, 2005, surtout pp. 311-313.
  • Zala, Sacha; Stauffer, Pierre-André: «Pierre Aubert», in: Altermatt, Urs (éd.): Das Bundesratslexikon, 2019, pp. 550-556. 
Liens
Notices d'autorité
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VIAF

Suggestion de citation

Marc Perrenoud: "Aubert, Pierre", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 14.11.2023. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/004732/2023-11-14/, consulté le 18.04.2024.